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La Izquierda Diario
10 de février de 2021 Twitter Faceboock

Fausse transition énergétique
Greenwashing : Total devient TotalEnergies et repeint son logo en vert
Violette Renée

Alors qu’une grève est en cours depuis plus d’un mois sur le site de Grandpuits dénonçant le greenwashing de l’entreprise, le PDG de Total continue sa communication « verte » en changeant le nom du groupe. Une décision « historique » selon lui. En réalité, c’est la consécration d’une stratégie de diversification énergétique de Total qui n’offre aucune perspective véritablement écologique.

Link: https://www.revolutionpermanente.fr/De-Total-a-TotalEnergies-le-groupe-restera-une-machine-a-polluer

Photo : capture d’écran conférence de presse

Lors d’une conférence de presse mardi, le PDG Patrick Pouyanné annonçait le changement de nom du groupe, réaffirmant ainsi la stratégie de greenwashing du groupe. Total a pour ambition d’« atteindre la neutralité carbone sur l’ensemble de nos activités à l’horizon 2050 » à travers le développement de la production et la vente d’électricité d’origine renouvelable, mais aussi de gaz tout en s’engageant dans une baisse de l’exploitation et de la production du pétrole a ainsi réaffirmé le PDG de la multnationale. L’objectif est clair : « être un leader avec plus d’énergie et moins d’émissions  ». 

De belles paroles qui ne font pas oublier la boussole principale du groupe qui souhaite par-là même : « améliorer nos performances économiques  ». Une stratégie à laquelle semblent adhérer certains médias, à l’image de RTL qui titrait hier « Total vire au vert et change de nom en devenant TotalEnergies  ». Une stratégie qui vient de loin puisque, déjà en 2016, suite à l’Accord de Paris et aux pressions de certains investisseurs, le groupe agitait le drapeau de l’intégration du climat dans sa stratégie, comme la plupart des pétroliers européens. Or, tout démontre que de Total à TotalEnergies, point de salut pour l’écologie…

Les énergies fossiles, toujours au cœur du modèle de Total

D’abord, il convient de noter que par-delà la volonté de diversification, le pétrole et le gaz représentent toujours 90% des revenus de Total. Et ce n’est pas près de changer.

Le groupe dit s’engager à investir de moins en moins dans le pétrole mais continue de l’exploiter dans des zones où il est plus rentable et moins contrôlé (en l’absence de normes sociales et environnementales). Ceci est illustré notamment par le projet Tilenga en Ouganda qui va ouvrir l’exploitation de 1,4 milliard de barils de pétrole par Total et China National Offshore Oil Company. Les nouveaux projets en offshore profond font également partis intégrante de la stratégie économique du groupe comme le montre ce graphique produit par le groupe lui-même.

« Le deep offshore fournit aujourd’hui 44 % de la production opérée par le groupe Total et représente près de 70 % de ses enjeux d’exploration pour la période 2018-2021  » note le groupe.

Pour ce qui est du gaz, déjà exploité par Total depuis les années 30, le groupe compte désormais augmenter ses investissements alors que cette énergie est très polluante (elle est seulement 2 fois moins polluante que le charbon !) Comme pour le pétrole, de nombreux projets sont prévus au Mozambique, en Ouganda ou encore en Russie. 

Total dit vouloir aligner sa stratégie aux objectifs de l’Accord de Paris alors qu’il serait impossible pour la survie du groupe de réellement considérer les changements à mener : cela nécessiterait de laisser sous terre 1/3 des réserves connues de pétrole et la moitié de gaz selon le GIEC ! Or, l’extraction de pétrole et de gaz restera la stratégie centrale du groupe qui a construit la grande majorité de ses compétences, savoir-faire et technologies sur ce terrain, alors même que la concurrence se durcit et qu’elle perd sa place dans la course (Total est passé de cinquième à neuvième pétrolier en bourse en moins de 10 ans).

Des alternatives énergétiques vraiment alternatives ?

Lors d’un discours sur les énergies d’avenir, Patrick Pouyanné montre la stratégie du groupe : « il reste des progrès à faire pour tracer l’avenir des énergies, la révolution digitale, le stockage d’énergie, le renouvelable, le captage-stockage et la valorisation du CO2 ». En tout cas, ce n’est pas le groupe Total qui le trace avec ses fausses reconversions tournées vers des aspirations écologiques et son faible investissement dans les énergies d’avenir. 

Pour ce qui est des « biocarburants » ou bioplastiques, l’exemple de la « bioraffinerie » de La Mède est évocateur. En 2015 Total annonce l’arrêt de la raffinerie près de Marseille pour la dédier à la production d’agrocarburants. Derrière le label « bio », la réalité est que la raffinerie importera près de 650 000 tonnes d’huile de palme par an, dont la culture est responsable d’importantes déforestations, notamment en Asie du Sud-Est et en Amérique Latine et elle investit massivement dans la branche des carburants fossiles. Un rapport des Amis de la Terre, fait état de la question : «  une étude commanditée par la Commission européenne, publiée en 2016, démontre que tous les agrocarburants de première génération (y compris à base de colza et de tournesol) émettent plus de gaz à effet de serre que des carburants fossiles  ». S’agissant des bioplastiques, sa production nécessite l’accaparement de terres agricoles et son recyclage reste hypothétique étant donné qu’actuellement 75% des déchets triés - notamment plastiques - ne le sont pas.

Sur le site de Grandpuits, Total souhaite donc implanter une usine de recyclage plastique et table donc sur une augmentation de la demande en matière plastique : « le recyclage offre des opportunités de croissances supplémentaires » Or comme le montre le rapport des Amis de la Terre, l’entreprise compte faire d’une pierre deux coups et prévoit d’injecter du polymère (autrement dit du pétrole) dans les plastiques recyclés.

Enfin, Total investi, sous le feux des médias, dans les énergies renouvelables, notamment le solaire avec des investissements récents en Inde ou aux Etats-Unis. Mais ces investissements restent très marginaux et la quasi-totalité de leur apport visent et viseront à augmenter leur capacité d’extraction de gaz et de pétrole

Une stratégie de diversification profitable

Finalement, loin d’être réellement tournée vers les préoccupations écologiques, cette diversification est profitable à Total. Ces nouvelles sources d’énergies dites « vertes » sont rentables à long terme car elles redorent l’image du groupe, tout en ouvrant de nouveaux marchés, et permet à la logique de course au profit de se perpétuer en intégrant les critiques qui lui sont faites. Mais dans la course concurrente au profit, Total ne pourra jamais opérer une transition qui réponde sérieusement aux enjeux car il doit en permanence élargir ses cercles de production, de circulation et donc, de consommation. En cela, les technologies vertes et énergies vertes représentent avant tout de nouvelles opportunités économiques. 

De plus, cette stratégie de greenwashing permet de justifier des fermetures de raffineries et des licenciements en vu de délocaliser et faire de larges gains de productivité, comme se fut le cas pour la raffinerie de La Mède où la reconversion écologique a justifié le licenciement de 178 salariés et de 500 intérimaires et sous-traitants.

La solution : pour une généralisation des luttes comme celle de Grandpuits

C’est au tour de Grandpuits de subir un PSE de plus de 700 licenciements sous couvert de reconversion écologique du site. En plus d’être totalement injustifié au regard des éléments de « transition » que propose le groupe, c’est tout un bassin d’emploi qui est menacé par ce massacre social.
En réponse à cela les salariés ont engagé une grève qui dure depuis plus d’un mois. Ce n’est que par le moyen de la lutte que nous pourront reprendre nos affaires en main et proposer une transition énergétique réaliste aux mains des travailleurs eux-mêmes qui connaissent le mieux leurs outils de travail et qui ne sont pas soumis aux intérêts de la course au profit. Comme le revendiquent les grévistes : « La politique écologique qu’on doit penser pour la classe ouvrière, c’est avant tout une politique aux mains des travailleurs. Ce n’est pas un vain mot de dire que demain, avec les compétences des travailleurs, en leur assurant un travail qui les éloigne de la précarité, on pourrait les faire travailler pour l’écologie, pour la planète, pour protéger l’environnement. Un exemple : demain quand on va dépasser les normes qui polluent les fleuves dans lequel on rejette les eaux issues de notre industrie, plutôt que d’aller chercher des solutions pour diluer, pour cacher ces dépassements, les ouvriers arrêteraient l’outil de travail, ils chercheraient à résoudre le problème par une maintenance de l’outil de travail et ensuite ils redémarreraient l’outil en toute sécurité. Tout simplement parce qu’ils habitent aux abords de ce fleuve » a dit, dans nos pages, le délégué CGT Adrien Cornet.

 
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