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La Izquierda Diario
24 de février de 2021 Twitter Faceboock

Coupe du monde 2022
Plus de 6500 travailleurs migrants morts sur les chantiers du Qatar, les entreprises françaises complices !
Erell Bleuen

Une enquête parue dans le journal The Gardian révèle des données dramatiques : pas moins de 6500 travailleurs migrants originaires d’Inde, du Pakistan, du Népal, du Bangladesh et du Sri Lanka seraient décédés sur les chantiers des stades de la Coupe du Monde 2022 au Qatar.

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Selon les chiffres officiels il n’y aurait que 37 ouvriers décédés sur les chantiers des stades au Qatar et pour 34 d’entre eux, la mort a été classée comme « non reliée au travail » par les organisateurs de l’évènement. Mais l’enquête de The Guardian met en lumière une réalité tout autre : en compilant différentes données gouvernementales de l’Inde, du Bangladesh, du Népal, du Sri Lanka, l’enquête indique que 5927 travailleurs migrants sont morts entre 2011 et 2020, tandis que l’ambassade du Pakistan au Qatar déclare 824 décès de travailleurs pakistanais entre 2010 et 2020. Les chiffres sont probablement même plus élevés, puisque les données des Philippines ou du Kenya, qui fournissent une partie de la main d’œuvre au Qatar, n’ont pas été recueillies. De plus, les causes attribuées aux décès par les autorités sont majoritairement celles du « décès naturel » - 69% des décès parmi les travailleurs indiens, népalais et bangladais et 80 % concernant les Indiens, mais ces classifications, sont, selon The Gardian, réalisées sans autopsies et ne sont pas accompagnées d’explication médicale légitime.

Le gouvernement du Qatar est donc loin de la transparence qu’il revendique. Le comité organisateur de la Coupe du Monde au Qatar déclarait pourtant : "Nous regrettons profondément toutes ces tragédies et nous avons enquêté sur chaque incident afin de tirer les leçons qui s’imposent. Nous avons toujours maintenu la transparence sur cette question et nous contestons les affirmations inexactes concernant le nombre de travailleurs qui sont morts sur nos projets". Mais l’enquête du Gardian vient infirmer ces déclarations, tout en s’ajoutant aux différents scandales de ces dernières années concernant le traitement des travailleurs migrants au Qatar. Le Qatar s’est en effet lancé depuis plus de 10 ans dans un projet de construction de grande envergure, dans l’optique de l’accueil de la Coupe du Monde en 2022 : de nouveaux stades, mais également un nouvel aéroport, des routes, des systèmes de transport public, des hôtels et même une nouvelle ville sont déjà ou en train d’être construits. Seulement, si ces « grands projets » peuvent voir le jour, c’est au prix de la mort de milliers de travailleurs migrants, dont les conditions de travail équivalent à de l’esclavage moderne.

Connues depuis plusieurs années, c’est notamment en 2018 que ces conditions de travail ont été exposées au grand jour, de par la plainte déposée contre Vinci et sa filiale qatarie QDVC par l’ONG Sherpa, le Comité contre l’esclavage moderne, et six ex-employés indiens et népalais pour « travail forcé, réduction en servitude, traite des êtres humains, travail incompatible avec la dignité humaine, mise en danger délibérée, blessures involontaires et recel ».

Alors que les 2 millions de travailleurs migrants au Qatar constituent un pilier pour l’économie du pays – ils représentent 95 % de la main d’oeuvre, leurs conditions de travail sur les chantiers sont proche de l’esclavage. Nous écrivions déjà en 2018 que « certains employés sont tout simplement morts à la tâche, subitement frappés de crises cardiaques sous des chaleurs de plus de cinquante degrés : "Au Qatar, travailler dehors pendant la saison chaude est un réel risque. A cause de la chaleur et de l’humidité, j’ai vu des personnes vomir, et tomber comme ça sur le sol" ; "j’ai vu deux Népalais tomber en 2014 et un Indien en 2016. Ils sont tombés car ils travaillaient en plein soleil et qu’ils n’avaient pas bu suffisamment d’eau", lit-on dans les témoignages du Parisien ». Quant aux conditions de logement, celles-ci étaient tout aussi précaires : entassement dans des pièces trop petites, nombre de salles de bains insuffisantes, queues de plusieurs heures pour obtenir une portion très faible de nourriture… que cela soit les conditions de travail ou de logement, les deux sont inhumaines en tout point.

De plus, les travailleurs migrants étaient soumis, jusqu’en septembre 2020, à la loi de la Kafala, « système de parrainage » pour les travailleurs migrants au Qatar, où chacun d’entre eux devait être « sponsorisé » par une entité marchande locale. Seulement, ce parrainage interdisait le changement d’emploi sans autorisation de l’employeur, et plus largement, freine toute possible contestation sous menace d’expulsion. Après de nombreuses dénonciations, et notamment après une révolte en mai 2020 des travailleurs migrants pour exiger leurs salaires impayés, cette loi à été abolie, mais dans les faits, l’employeur reste décisionnaire du renouvellement du permis de séjour des migrants, peut porter plainte contre un employé s’il quitte le travail sans autorisation… rles conditions de travail des travailleurs migrants sont loin d’être devenues roses.

Les entreprises françaises, complices du massacre actuel au Qatar !

Seulement, les entreprises françaises implantées au Qatar sont loin d’être exemptes de toute responsabilité dans cette affaire. Si en 2018, Guillaume Pépy, ancien patron de la SNCF, déclarait dans une interview à l’Usine Nouvelle que « le Qatar est une future économie industrielle, source d’opportunités pour les entreprises françaises », les entreprises françaises qui ont saisies ces « opportunités » sont aujourd’hui complices des milliers de morts dans les chantiers Qatar.

A ce titre, Bastamag dénonçait déjà en 2014 l’installation de Bouygues et de Vinci au Qatar, qui ont décrochés de gros contrats quant aux chantiers audacieux pour la Coupe du Monde 2022. En 2012, le patron de Bouygues déclarait à ses actionnaires que « le Qatar est un État pour lequel j’ai le plus grand respect. Il bénéficie de ressources naturelles très importantes, et a eu des stratégies très intelligentes pour les valoriser. Tant mieux !  ». Cela tombe sous le sens lorsqu’on regarde les projets du groupe au Qatar, avec la construction d’un ensemble immobilier d’envergure, et avec un contrat très gras de 950 millions d’euros. Pour une entreprise impérialiste telle que Bouygues, ce ne sont pas les conditions de travail qui permettent aux projets d’aboutir qui importent, mais bien le chèque empoché à la clé. Et dans cette lignée, le groupe Vinci est loin d’être un exemple, puisqu’avec sa filiale QDVC (filiale commune du fonds d’investissement qatari Qatari Diar et de Vinci construction), le groupe construit une nouvelle ligne de métro, avec 1,5 milliards d’euros à la clé, ainsi qu’une autoroute, un parc paysager, une autre ligne de métro léger…
Le groupe, sous le coup de la plainte pour « non respect des droits humains », réfute pourtant les allégations de l’ONG Sherpa et met en avant « nombreuses initiatives mises en place depuis dix ans au Qatar et qui ont inspiré les nouvelles réglementations sur les droits des travailleurs mises en place récemment par le pays », selon le média Le Moniteur. Seulement, et face aux chiffres alarmants révélés par The Gardian, ces déclarations semblent bien mensongères. Lorsqu’on observe les pratiques des grands groupes français à l’international, il paraît illusoire que ces grands groupes impérialistes français soient exempts de responsabilité quant aux milliers de décès dénoncés.

L’enquête du Gardian détonne également dans la situation française actuelle, puisqu’alors que le gouvernement Macron redouble d’efforts dans ses attaques contre « l’islamisme radical » et ses supposés soutiens de l’islamo-gauchisme, ses alliances avec les pays comme le Qatar restent bien moins commentées par les ministres. Soi-disant en guerre contre les conséquences de l’islamisme sur son territoire et à l’international, le gouvernement ne questionne aucunement ses alliances, alors même que ces pays traitent les travailleurs migrants de manière quasi-esclavagiste. Cette enquête fait d’autant plus apparaître l’hypocrisie du gouvernement, qui chasse « l’islamo-gauchisme » tout en traitant sans gène avec le gouvernement Qatar, qui maltraite des milliers de travailleurs étrangers et utilise l’islam comme légitimation de son régime rétrograde.

 
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