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10 de mars de 2021 Twitter Faceboock

Vidéo témoignage
"Je me suis vu mourir". Un étudiant grièvement blessé par la BAC poursuit l’État en justice
Anna Ky

Le 9 mai 2018, jour de l’expulsion de la fac du Mirail par les CRS et la BAC, Guilhem est victime d’un déferlement de violences policières : clé d’étranglement, tabassage, explosion d’une grenade de désencerclement dans son dos... Aujourd’hui, il décide d’attaquer l’État en responsabilité.

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« Le 9 mai 2018, j’ai été interpellé extrêmement violemment par la BAC du Mirail, témoigne Guilhem. Ça se passait derrière la gare Matabiau alors qu’un groupe d’étudiants et moi-même projetions de rejoindre des cheminots, c’était juste après l’évacuation de l’université du Mirail. »

Alors étudiant en Langues Anciennes à l’université du Mirail, Guilhem faisait partie des étudiants mobilisés contre la loi ORE, portée par Frédérique Vidal, qui a considérablement aggravé la sélection dans les études supérieures. C’est Richard Laganier, administrateur provisoire de cette université toulousaine nommé directement par la ministre de l’Enseignement supérieur qui autorise les forces de répression à intervenir sur le campus.

« La police est arrivée, ils ont forcé les portes et ils ont détruit tout ce que nous avions construit avec les immigrés que nous hébergions, on hébergeait des sans papiers depuis la fin de la trêve hivernale. Ils ont tout saccagé, ils ont donné des coups de pied dans les tentes, comme ils font d’habitude. Et ils nous ont poussés assez violemment, en tirant des gens par terre, en donnant des coups de bouclier, ils nous ont poussé en dehors de l’université. »

Forcés de quitter le campus qu’ils occupaient depuis deux mois, il est environ 5h du matin lorsque les étudiants décident de se rendre à la gare : « On était invités par des cheminots à les rejoindre dans un local SNCF parce qu’à l’époque il y avait aussi une mobilisation chez les cheminots. Du coup on voulait réunir les deux mobilisations. Mais on est arrivés beaucoup trop tôt, avant que les cheminots ne soient là. A la sortie du métro on était un petit groupe, on se retrouve devant un portail fermé. On attendait que le portail soit ouvert par les cheminots quand il y a des voitures qui sont arrivées et qui nous ont encerclés. On était encerclés par la police. »

Mais Guilhem remarque que les agents de la BAC le « regardaient tous fixement ». C’est alors qu’ils se précipitent sur lui. Il est tiré hors du groupe d’étudiants par une clé d’étranglement, maintenu par les bras par deux autres agents. « Il y a certains flics qui gazent les étudiants avec du gaz lacrymogène et qui les poussent pour les disperser. Tout ça se passe dans le contexte où juste une fraction de seconde avant tout était calme. Les gens discutaient entre eux, il n’y avait pas de maintien de l’ordre à faire et là d’un coup c’est le chaos : du gaz partout, je me retrouve extirpé du groupe, étranglé et je me fais aussi tabasser, je me prends des coups de poing sur le haut du crâne. »

Ce qui met fin à son passage à tabac, c’est l’explosion soudaine d’une grenade de désencerclement. « J’ai eu la sensation, même si je ne connais pas cette sensation, de m’être pris une balle dans le poumon. En fait j’avais extrêmement mal au poumon, j’arrivais plus à le gonfler. Et je me retrouve par terre du coup, lâché par les policiers et sans aucune explication de ce qui vient de se passer, et là on m’insulte. Genre on me traite de connard et tout. Moi je comprends pas ce qui se passe et on me traite de connard. J’étais assez angoissé parce que j’avais extrêmement mal, je ne savais pas ce qui venait de se passer et en plus je me fais insulter, donc je me disais que les violences pouvaient recommencer à tout moment. »

Lorsque les pompiers finissent pas arriver, les agent de la BAC empêchent la prise en charge de Guilhem, en l’interrogeant alors qu’il est allongé sur un brancard.

« Il ne me tardait qu’une seule chose, c’est que que le camion de pompiers parte et que j’aille à l’hôpital parce que je n’arrivais plus à respirer donc j’avais l’impression que j’allais mourir. C’était la deuxième fois en quelques minutes que j’avais l’impression que j’allais mourir, la première fois à cause de l’étranglement, la deuxième fois parce que mes poumons ne se gonflaient plus. Chaque respiration était un effort, normalement respirer c’est un réflexe, là c’était plus un réflexe, c’était un effort. Et du coup dans ce contexte-là, ce que fait la police c’est qu’elle s’interpose, elle empêche la fermeture des portes du camion de pompier et ils commencent à me poser des questions, alors que j’étais KO quoi. »

Arrivé à l’hôpital, Guilhem est immédiatement amené au service des urgences vitales. Mais la police le suit jusqu’à son lit et lui notifie alors qu’il est placé en garde-à-vue. « Avant de sortir, il sort ses menottes et il m’accroche le deuxième le bras, qui était pas sous perfusion, il me l’accroche au barreau de mon lit d’hôpital. »

Les séquelles de son passage à tabac sont lourdes : hématomes à l’intérieur de la gorge qui rendent toute déglutition difficile à cause de la clé d’étranglement, ainsi que sur le front, où il a reçu des coups. Quant à l’explosion de la grenade, elle lui cause un hémopneumothorax, c’est-à-dire une infiltration d’air et de sang entre la plèvre et le poumon, qui nécessite une intervention chirurgicale particulièrement douloureuse. « J’ai encore aujourd’hui des cicatrices, peut-être que je vais les garder à vie, dans le dos, de l’explosion de la grenade qui a visiblement explosé très très près de moi. Enfin ma rate était potentiellement endommagée et aussi j’ai eu une côte fêlée. »

Guilhem reste environ six jours à l’hôpital et il a eu une ITT de 15 jours. « Ça m’arrive régulièrement d’en rêver en fait, de faire des rêves en lien avec la police ou la violence à la police. »

Mais le calvaire de cet étudiant n’est pas terminé. Alors qu’il fait le choix avec ses avocates de ne pas porter plainte, il est tout de même interrogé par l’IGPN et reçoit en 2019 une lettre de l’adjoint au procureur de la république qui déclare que « l’usage de la force » à son égard « était justifié et proportionné ». Un document qui atteste également que sa « plainte est classée sans suite pour absence d’infraction », alors même qu’aucune plainte n’a été déposée.

« Ils font des clés d’étranglement par accident, ils font des menaces de mort par accident et il y a des grenades qui explosent par accident... » ironise Guilhem. Il témoigne également des pressions et du harcèlement qu’il subit depuis lors, et notamment d’appels de la police à ses parents. « Je pense que c’est une pression mise sur un témoin, je suis un témoin de ce qui s’est passé, une pression qu’on met sur un témoin pour qu’il se taise. Enfin, en gros c’est "tais toi, c’est toi qui va finir en taule et c’est pas ceux qui t’ont tabassé quoi." »

Mais avec ses avocates, il a aujourd’hui décidé d’attaquer l’Etat en responsabilité pour les violences policières dont il a été victime : « Je préfère attaquer les donneurs d’ordre parce que je pense qu’il est important de parler de violences policières, de ne pas faire silence ».

« C’est de la violence organisée » explique Guilhem, qui évoque les violences policières quotidiennes qui ont lieu dans les quartiers populaires et la répression du mouvement des Gilets jaunes.
« Je suis en total soutien évidemment, autant pour Adama Traoré que pour Jérôme Rodriguez. Enfin, faire la liste c’est super long. Moi je sais que je ne suis pas seul parce qu’elles ont parlé. Si tout le monde se tait dessus, personne n’en parlerait, on n’en parlerait pas et il y aurait pas moyen de changer les choses. « 

 
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