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La Izquierda Diario
10 de mars de 2021 Twitter Faceboock

Interview
Les soignants non vaccinés, "irresponsables" ? Une aide-soignante répond au gouvernement

Alors qu’Olivier Véran pointe du doigt les soignants qui refuseraient de se faire vacciner, Isalyne, aide-soignante à l’hôpital Henri Mondor, nous explique les manquements logistiques, les pertes de salaires et le mépris du gouvernement qui a échoué la campagne de vaccination du personnel soignant.

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Crédits photo : Karim Ait Adjedjou

Depuis que le vaccin a été proposé au personnel soignant le mois dernier, près de 40% d’entre eux en ont déjà reçu une dose. Mais le ministère de la santé ne semble pas satisfait et, comme l’expliquait Gabriel Attal à une infirmière ce weekend, il serait "inadmissible que l’on ait ce taux de vaccination chez les soignants aujourd’hui". Selon les mots du porte-parole “il est irresponsable de ne pas vouloir se faire vacciner quand on est soignant”, avant d’annoncer qu’il pourrait rendre la vaccination obligatoire pour le personnel médical si ça ne s’améliore pas.

Un discours culpabilisant partagé par les membres du gouvernement et relayé largement dans les médias dernièrement. Mais les soignants sont-ils vraiment les inconscients que dépeint Véran ? Nous avons interrogé Isalyne, aide-soignante dans un service d’urgence de l’hôpital Mondor à Créteil. Elle ne s’est pas encore faite vacciner et nous explique pour quelles raisons.

RP : Depuis une semaine, Macron et Véran tiennent un discours de culpabilisation des soignants qui, selon le gouvernement, refuseraient de se faire vacciner. Qu’est-ce que tu penses de ça ?

Isalyne : Je pense qu’ils se cachent derrière nous. En fait, à mon avis, on est l’un des pays qui a le plus mal géré la crise. Quand je dis l’un des pays, c’est l’État surtout qui a mal géré la crise, nous n’y sommes pour rien nous. Ils ne savent plus comment faire pour faire vacciner tout le monde rapidement, du coup ils se cachent derrière les soignants et tentent de leur faire porter le chapeau.

À propos de la réticence des soignants à se faire vacciner : la très grande majorité d’entre eux, tout comme moi, ne refusent pas de se faire vacciner, mais ne veulent pas se faire vacciner à l’AstraZeneca, le vaccin le moins efficace du marché, qui provoquent les effets secondaires les plus graves, alors que nous, les soignants, nous sommes les plus exposés au virus et au plus proche des patients tous les jours. Quand on a un métier où l’on est aussi proche du virus que nous, je ne vois pas pourquoi on n’aurait pas accès au vaccin qui protège le mieux, ça me paraît logique. D’autant plus qu’à l’hôpital, on a énormément de nouveaux variants, en particulier le variant anglais. Par exemple, on a de nombreux collègues qui avaient déjà eu le Covid en 2020, et l’ont rattrapé récemment, avec la nouvelle souche britannique.

Et puis l’État me fait bien rire quand il dit que les soignants refusent de se faire vacciner. J’ai essayé moi, et des collègues ont essayé également... On a appelé pour prendre rendez-vous, pour faire le vaccin. Mais on est recalés partout, que ce soit par le service hospitalier qui ne nous répond pas, ou les médecins de ville, parce qu’on serait trop jeunes et sans problèmes de santé...

RP : Les problèmes de logistiques et les cafouillages du gouvernement pour organiser la campagne de vaccination touchent donc aussi les soignants en réalité ?

Isalyne : Complètement. Déjà, quand on essaye de se faire vacciner au sein de notre propre hôpital, en appelant le numéro interne dédié qui nous a été fourni spécialement pour nous les soignants, ça ne répond pas. On nous annonce 5 minutes d’attente, et au bout des 5 minutes ça coupe. On a beau appeler 15 fois dans la journée, et 15 fois ça le refait. Et finalement, même après les avoir suffisamment harcelés pour réussir à les avoir, ils sont capables d’envoyer la dose de vaccin à l’Hôtel-Dieu et nous demandent de faire une heure de route alors que l’on travaille en banlieue et qu’il y a des vaccins dans notre établissement.

Donc pour ceux qui ont abandonné ou qui refusent tout simplement de se faire vacciner avec le vaccin d’AstraZeneca proposé dans les hôpitaux, pour toutes les raisons qu’on peut évoquer, il est tout autant impossible d’avoir accès à une autre dose de vaccin à l’extérieur, où l’on n’est pas considéré du tout comme prioritaire contrairement à ce que dit le gouvernement. Quand on appelle pour prendre rendez-vous dans les centres de vaccination et les laboratoires de ville, la question est vite réglée : “-Avez-vous plus de 60 ans ? -Non. -Avez-vous des problèmes de santé ?-Non. -Alors pourquoi vous prenez la peine de nous appeler ? -Parce qu’on est soignants. -Oui et donc ?”...

En réalité, la seule option qu’il nous reste à ce stade, c’est de récupérer les doses non utilisées des centres de vaccination en fin de journée. Ils tiennent des listes de secours, pour ne pas gâcher les doses de patients qui ne sont pas présentés, et nous on va s’inscrire chaque matin. Tout le monde fait l’effort de le faire dans mon hôpital, mais rares sont ceux qui obtiennent leur fameuse dose.

RP : Est-ce que tu penses que c’est du mépris de la part du gouvernement, de faire croire que les soignants refusent de se faire vacciner alors qu’ils n’en ont pas la possibilité ?

Isalyne : Oui, de toute façon le gouvernement nous méprise depuis très longtemps, il continue à nous mépriser et puis il continuera. Pendant la première vague on était des héros, tout allait bien, et maintenant qu’ils voient que plus rien ne va, qu’ils faut vite vacciner tout le monde sinon on va jamais s’en sortir, là les soignants sont coupables. Alors qu’en attendant, le gouvernement n’a aucun problème à envoyer les collègues travailler lorsqu’il sont cas contacts, même avec un cas de Covid au sein de leur famille. Et même pire, quand ils sont eux-mêmes testés positifs, ils sont forcés de venir travailler s’ils n’ont pas de symptômes ! Ça contraste pas mal avec ce qu’on voit dans le reste de la population, là où on reçoit un certificat de la CPAM et où on nous demande de s’isoler 7 jours dès qu’il y a un cas avéré dans la famille. Nous non, on est l’exception, on doit aller travailler malgré tout. Et si on n’en a pas la capacité, et qu’on se met en arrêt maladie, on a une journée de carence, on perd nos week-ends, et on peut dire adieu à nos primes de fin d’année.

Comment peut-on dire que le gouvernement ne nous méprise pas à ce moment-là ? Si mon conjoint attrape le Covid il reste à la maison 7 jours pour pas contaminer son entourage, mais moi, puisque je travaille dans un hôpital, je vais devoir aller bosser malgré les risques ? C’est même plus du mépris à ce niveau là. On peut carrément dire que le gouvernement nous maltraite, nous les soignants.

RP : En parlant du jour de carence, qui fait que peu importe la raison, vous n’êtes pas payé les premières 24h d’un arrêt maladie, est-ce que c’est une des raisons qui décourage des soignants à se faire vacciner avec AstraZeneca ?

Isalyne : C’est certain que c’est le cas, sachant qu’après avoir été vacciné, on a besoin d’au moins 48h de repos. Mais pour l’instant on n’a pas tant rencontré le problème que ça, puisqu’au final on nous demande systématiquement de prendre rendez-vous (quand on arrive à en avoir un) la veille de nos jours de repos ! Comme ça on a une forte fièvre sur nos seuls jours de repos, qui se font de plus en plus rare depuis un an, on n’a pas besoin de prendre un arrêt maladie, et on est contraint de retourner bosser le lendemain sans avoir pu récupérer des semaines de travail interminables qu’on a. Donc dans tous les cas on est perdants : soit on pose un arrêt maladie et on perd notre journée de travail à cause de la journée de carence, soit on se fait vacciner sur nos seuls jours de repos alors qu’on est déjà épuisés, et on se met dans des conditions dangereuses de fatigue pour reprendre le travail.

Au final, on comprend vraiment pas parce que, au lieu de nous “chouchouter” comme ils devraient le faire pour qu’on ai un minimum de forces pour travailler correctement, ils ne font que nous enfoncer, et plus ça va et pire c’est. C’est juste pas possible. Et c’est d’autant plus lamentable dans ce contexte que l’État essaye désormais de se cacher derrière nous pour se déresponsabiliser de la mauvaise gestion de l’épidémie et de la vaccination.

 
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