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La Izquierda Diario
11 de mars de 2021 Twitter Faceboock

En roue libre
« Traiter quelqu’un d’islamophobe peut le tuer » : Vidal continue sa fuite en avant réactionnaire
Erell Bleuen

La ministre de l’Enseignement Supérieur Frédérique Vidal était invitée mercredi au micro d’Europe 1. Réagissant à la polémique autour de l’UNEF Grenoble, elle a de nouveau déroulé son argumentaire réactionnaire, tout en annonçant des mesures cosmétiques pour les étudiants.

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Crédit photo : AFP

Depuis ses déclarations sur Cnews mi-février sur « l’islamo-gauchisme qui gangrène les universités », la ministre de l’Enseignement Supérieur, Frédérique Vidal, multiplie les attaques contre le monde universitaire. Ce mercredi matin, c’est au micro d’Europe 1 que la ministre s’est exprimée quant à la campagne d’extrême-droite menée contre l’UNEF Grenoble, en s’inscrivant sans surprise dans la droite lignée de l’offensive réactionnaire que subit le syndicat.

Pour rappel, l’UNEF Grenoble est ciblée par une campagne de l’extrême droite, appuyée par le gouvernement, après avoir dénoncé les propos islamophobes tenus par deux enseignants à l’IEP de Grenoble. L’un de ces deux universitaires défendus par l’extrême-droite et le gouvernement déclarait notamment dans un échange mail concernant l’organisation d’un séminaire intitulé « Semaine de l’Égalité » que l’islamophobie serait « une notion fourre-tout et inventée de toute pièce comme arme idéologique dans une guerre mondiale menée par des "Fou de Dieu" (au sens littéral) contre les peuples "impies", notion qui semble avoir envahi de nombreux cerveaux ».

Et c’est dans ce même IEP que les militants de l’Union Syndicale, après avoir lancé un appel à témoignage contre l’islamophobie, se sont faits exclure des cours d’un autre enseignant qui stipulait par mail que tous ceux qui seraient syndiqués à l’Union Syndicale étaient priés « de quitter immédiatement [ses] cours et de ne jamais y remettre les pieds ». Face à l’islamophobie ambiante dans l’établissement, des militants ont donc effectué un collage sur les bâtiments de l’IEP dénonçant le sexisme et l’islamophobie, assorti du nom des professeurs en question. Une action qui a été relayée par l’UNEF. C’est à partir de là que l’extrême droite a lancé une campagne réactionnaire sur la toile en exigeant la dissolution de l’UNEF, en ouvrant une polémique dans laquelle bon nombre de personnalités politiques se sont engouffrées.

Une liberté d’expression à deux vitesses

Sur ce sujet, Vidal n’a pas sa langue dans la poche, et c’est au micro d’Europe 1 ce mercredi matin qu’elle a dénoncé les faits reprochés à l’UNEF comme « intolérables » en déclarant qu’un « signalement a été fait au procureur pour injure publique ». Rien d’étonnant pour celle qui est depuis quelques semaines la figure de proue de l’offensive islamophobe et sécuritaire menée par le gouvernement. Elle a même rajoutée que « ces syndicats ont toute leur place, mais c’est à eux de s’interroger sur leurs valeurs et leur histoire ». Une nouvelle attaque contre les organisations étudiantes, qui s’inscrit dans l’offensive menée par la ministre elle même sur « l’islamo-gauchisme » à l’université, visant à museler toutes celles et ceux qui s’opposent à la politique raciste et liberticide du gouvernement.

A ce titre, de nombreux enseignants-chercheurs avaient dénoncé les propos de la ministre, et le 20 février, 600 chercheurs ont rédigé une tribune exigeant la démission de la ministre dans Le Monde, tribune aujourd’hui signé par des dizaines de milliers d’universitaires. A la suite de cette tribune, la liste des premiers signataires avait été diffusée sur un blog proche de l’extrême droite, qui titrait « Liste des 600 gauchistes (et quelques autres) complices de l’islam radical qui pourrissent l’université et la France », dans une logique de « chasses aux sorcières » contre la pensée critique et les études intersectionnelles. Cette diffusion a entraîné une plainte du CNRS, mais n’a pas provoqué la moindre réaction ni chez Vidal ni chez le gouvernement. Donc, lorsque la ministre déclare qu’elle « condamne très fortement tous les faits qui conduisent qui que ce soit à afficher des noms et des injures, donner en pâture sur les réseaux sociaux des enseignants chercheurs à l’université, moi je serais toujours là pour les défendre, c’est intolérable que nous vivions aujourd’hui au sein de l’université cette violence », elle incarne parfaitement le deux poids deux mesures du gouvernement.

La ministre va jusqu’à se présenter comme la garante de la fameuse « liberté académique » et du « pluralisme », un argument avancé au micro de France Culture début mars pour tenter d’adoucir les attaques islamophobes sur la forme, qui [comme nous l’écrivions la semaine dernière - > https://www.revolutionpermanente.fr/Je-ne-renie-aucun-des-mots-que-j-ai-prononces-Vidal-revendique-sa-cabale-islamophobe], permet de « de légitimer une atteinte à certains sujets de recherche en mettant en avant la défense de la pluralité idéologique et académique  ».

Pourtant, l’argumentaire de la « pensée unique » agité de nouveau par la ministre sonne faux lorsqu’elle demande dans le même temps au CNRS d’ouvrir une enquête sur les études intersectionnelles, et en particulier sur le post-colonialisme. Et pour continuer sur les argumentaires régulièrement utilisés pour légitimer les attaques racistes ou islamophobes, il y a la fameuse « liberté d’expression », que la ministre a brandie en déclarant : « c’est mon travail de protéger la liberté d’expression contre les radicalités et les violences ».

Mais cette « liberté d’expression » que la ministre prétend défendre fonctionne à double vitesse, puisqu’elle permet aux réactionnaires de s’exprimer dans la plus grande impunité, tout comme elle sert à condamner celles et ceux qui dénoncent leurs propos, à l’instar de l’UNEF Grenoble. Et la conclusion de Vidal, dans laquelle elle tient les propos les plus violents de cet entretien, s’inscrit précisément dans cette logique, puisque qu’elle affirme que « traiter quelqu’un d’islamophobe peut le tuer, c’est ce qu’on a vu avec Samuel Paty, et je ne laisserais pas que ça arrive dans le monde universitaire ». L’assassinat de Samuel Paty, instrumentalisé par le gouvernement, sert donc désormais « d’argument d’autorité » pour condamner quiconque dénonce publiquement des propos racistes et islamophobes, tout en continuant à attaquer les droits des personnes musulmanes ou considérées comme telles.

Les attaques contre l’UNEF interviennent dans un contexte politique dans lequel le gouvernement, déjà fragile, craint les conséquences de la crise sanitaire et économique et tente la politique du « diviser pour mieux régner » pour pouvoir y faire face. En ça, le tournant autoritaire et islamophobe à l’œuvre depuis quelques mois, dans lequel l’instrumentalisation du meurtre de Samuel Paty s’inscrit, est en réalité un aveu de faiblesse du gouvernement. Le désignation de l’« ennemi intérieur », qui comprend tous ceux qui « renient les valeurs républicaines » et donc de facto tous ceux qui contestent la politique menée par Macron et ses ministres, permet au gouvernement d’avancer sur le terrain sécuritaire afin de prévenir toute contestation sociale.

Mais ces attaques sur le terrain raciste et islamophobe sont également une réaction aux mobilisations internationales contre le racisme et les violences policières, qui ont révélé au monde la politisation d’une jeunesse qui questionne l’État et ses institutions. La peur de l’explosion sociale, couplé à l’entrée en campagne pour les présidentielles de 2022, pousse donc le gouvernement à jouer sur les deux tableaux : d’un côté, il lance une offensive sécuritaire et idéologique contre « l’islamisme radical » et « l’islamo-gauchisme » pour draguer la droite, tandis que de l’autre côté, il cherche à canaliser la colère qui s’exprime au travers de mesures cosmétiques.

Les mesures de Vidal : un pansement sur une plaie béante

Si Vidal passe la majeure partie de son temps à traquer « l’islamo-gauchisme » dans les universités, ce mercredi matin sur Europe 1, elle a cette fois daigné parler de la situation des étudiants. Avant de taper sur les organisations étudiantes pendant la majeure partie de son entretien, elle a annoncée quelques mesures cosmétiques pour faire face à la précarité sans précédent dans laquelle la jeunesse est plongée.

Elle a en effet déclaré que les frais d’inscription à l’université seraient gelés pour la deuxième année consécutive – ils sont normalement indexés à l’inflation – tout en gelant du même coup les loyers des résidences CROUS. Des mesures amenées dans un discours faussement mielleux saluant le « le courage des étudiants », mais qui ne servent pourtant que de cache-misère. Car derrière le « courage », il y a la détresse d’une jeunesse étudiante, une détresse financière, sociale et psychologique, pour qui le gel des loyers ne changera rien au frigo vide, à l’isolement, et aux tendances dépressives. Les mesures prises par le gouvernement pour que la jeunesse « ne soit pas une génération sacrifiée » sont totalement insuffisantes face à la gravité de la situation, voire même des solutions qui tendent à pérenniser la précarité dans la jeunesse, comme la plateforme 1 jeune 1 solution.

Alors que la dégradation de la situation des étudiants avait mis au centre du débat la question de la réouverture des universités, Vidal s’est contentée de répondre avec des approximations. Pourtant, c’est la même ministre qui déclarait le 22 février dernier que « d’ici la fin du mois, l’intégralité des étudiants aura repris en présentiel », et qui s’est contentée aujourd’hui de répondre qu’il n’y avait pas de « délai précis ». Des effets d’annonce, donc, car sans moyens supplémentaires, la réouverture des facs paraît pour beaucoup illusoire.

Il est nécessaire de se battre contre l’offensive islamophobe du gouvernement sur les universités et cela doit s’articuler à l’exigence d’un investissement massif dans l’enseignement supérieur et dans le système public de santé, pour rouvrir nos facs dans de bonnes conditions sanitaires et mettre en place des réelles mesures pour lutter contre la précarité étudiante. Ce que le #VidalDémission qui a émergé ces dernières semaines exprime, c’est bien que c’est la même ministre qui a fait passer en force Parcoursup, la LPR et Bienvenue en France, et qui désormais s’attaque aux libertés académiques et aux recherches qui tendent à questionner le modèle politique qu’elle prône. Face à ses attaques racistes, islamophobes et sécuritaires, mais aussi à ses réformes précarisantes et qui ont considérablement approfondi la sélection sociale à l’université, il est plus que jamais nécessaire d’exiger la démission de Frédérique Vidal, et qu’elle s’en aille avec toute son œuvre.

 
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