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31 de mars de 2021 Twitter Faceboock

Politique
Régionales. Pourquoi le NPA - Révolution Permanente s’oppose aux alliances avec LFI
Comité de Rédaction

Dans le cadre des élections régionales, une partie du NPA a annoncé un accord électoral en Nouvelle Aquitaine avec La France Insoumise autour de la liste menée par Clémence Guetté (LFI). Si la presse a relayé l’idée d’un accord NPA/LFI, il est nécessaire de préciser que cet accord n’engage aucunement le NPA dans son ensemble mais seulement une minorité de camarades. Pour ce qui concerne le NPA-Révolution Permanente nous nous opposons à ce type d’alliance, qui pourrait aussi avoir lieu en Occitanie. En voici les raisons.

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Crédits photos : Imprime écran de la conférence de presse

L’annonce officielle du lancement de la liste intitulée « On est là » a été faite ce mercredi 24 mars au cinéma Utopia à Bordeaux. Si la composition de la liste n’est pas encore connue, plusieurs des porte-paroles de la liste emmenée par Clémence Guetté (LFI) sont maintenant désignés. L’actuelle coordinatrice du projet pour l’élection présidentielle de 2022 sera accompagnée par son binôme Loïc Prud’homme (LFI), Manon Labaye et Philippe Poutou du NPA, Nordine Raymond, restaurateur et porte-parole de Bordeaux En Luttes (BEL).

Une liste qui n’engage pas l’ensemble du NPA mais une minorité de camarades

Si la liste « On est là » a été présentée unanimement par la presse comme un accord entre le NPA et LFI, la réalité est cependant autre. Et Philippe Poutou, lui-même, ne s’en cache pas : « Le NPA est coupé en deux, c’est la suite logique de BEL. Il y avait une partie à fond dans cette démarche unitaire, une partie du NPA qui est pas du tout dans la démarche et est hostile », précise-t-il dans son intervention. Pour autant, ce que n’explique pas l’ancien candidat à la présidentielle, c’est que cet accord ne concerne en réalité qu’une minorité de camarades du NPA de Nouvelle-Aquitaine et de Bordeaux, et n’a pas fait l’objet de discussions menées démocratiquement comme le dénonce le NPA Charente. Pire, c’est dans une publication Facebook du 20 mars que la plupart des camarades ont découvert la finalisation de cet accord en tractation. En définitive, donc, cet accord électoral n’engage en rien l’ensemble du NPA, mais bien une minorité de camarades.

Une alliance électorale avec la FI : pour quelle stratégie et quel programme ?

En introduction à la conférence de presse, la tête de liste LFI Clémence Guetté a présenté la stratégie portée par le collectif. Tout en disant s’inscrire en lien avec les « mobilisations populaires et sociales de ces dernières années », l’objectif principal et affirmé de la liste est « de faire entrer les Néo-Aquitains au conseil régional » pour « combattre le modèle de Rousset (PS), qui dirige depuis vingt-trois ans la région et la méga région ». En somme, se faire le porte-voix des luttes, certes, mais surtout maintenir le centre de gravité de sa stratégie sur le terrain institutionnel.

Et pour cause, pour la liste « On est là », les Conseils Régionaux constituent un échelon déterminant pour modifier en profondeur la vie de la population. Pour Clémence Guetté, la région se révèle ainsi comme un « levier d’action réel » pour « changer des choses pour l’emploi » de sorte qu’il s’agirait de ne plus verser un sou aux entreprises qui polluent. De même, Loïc Prud’homme, porte-parole LFI de la liste, affirme même que « la région a tous les leviers, financiers, politiques » pour engager une « bifurcation de notre modèle de production alimentaire en Nouvelle-Aquitaine ».

« On est là » : une stratégie institutionnelle pour canaliser les mobilisations dans les urnes

Ces propositions s’inscrivent dans une logique générale que la tête de liste Clémence Guetté a posé comme une « évidence » : « le rôle de l’État n’est pas une question régionale », a-t-elle répondu aux journalistes. On sait pourtant, que loin de toute autonomie, les marges de manœuvres budgétaires des collectivités territoriales (régions, départements, intercommunalités et communes) sont déterminées en premier lieu par l’État, de sorte que la principale dotation budgétaire a subi une saignée notamment sous François Hollande qui l’a divisée quasiment par deux en cinq ans (41,3 milliards d’euros en 2012 contre 26,9 milliards en 2017). Dès lors, la logique générale dans laquelle s’inscrit la liste, tend à donner l’illusion qu’il s’agirait de choisir le bon bulletin de vote pour que « les meilleures décisions soient prises », le tout en ne remettant même pas en cause le carcan austéritaire imposé par l’État et les différents gouvernements qui se sont succédés.

Cette orientation s’inscrit ainsi sur un terrain purement institutionnel qui, loin d’œuvrer à poser la question de la mobilisation comme seul moyen de construire le rapport de force, tend à la canaliser dans une logique parlementariste. Pire, en déliant le rôle de l’État dans les budgets régionaux, la liste tend à s’adapter aux logiques austéritaires plus générales. Tout une logique de moindre mal qui ne se résout même pas à affronter les politiques d’austérité, mais préfère se contenter, pour constituer l’unité la plus large possible, à influer sur les budgets régionaux réduits à peau de chagrin, qui ne redistribuent que des miettes pour le monde du travail et la jeunesse.

Une alliance FI/camarades du NPA : jusqu’où … ?

Mais il se peut que la dynamique que Philippe Poutou veut « unitaire » puisse aller encore plus loin, plus loin qu’il ne le souhaite lui-même. En effet, la position de la liste au sujet des alliances de second tour n’est encore aucunement tranchée de sorte que le message adressé à EELV qui ressort de la conférence de presse pourrait se synthétiser ainsi : « laissez tomber Alain Rousset (avec lequel ils sont alliés dans l’actuelle majorité régionale) et venez parler avec nous d’une alliance pour le deuxième tour » comme le présente le journal La Tribune.

De son côté, Philippe Poutou résume la problématique ainsi : « On a discuté de ce deuxième tour là, comme on en avait discuté à Bordeaux en Luttes. Dans le cadre de BEL, on avait tranché très clairement dès le départ : il n’y aurait pas d’accord avec la liste PS-EELV ». Avant de continuer « Là on ne l’a pas tranché comme ça, mais dans l’accord politique on dit qu’on discutera avec les listes sur la base de notre anticapitalisme, sur la base de notre programme radical, et ça limite quand même pas mal les éventuelles discussions ». Cependant « on n’est pas tombés d’accord sur le fait qu’il faille clarifier cette position-là aujourd’hui, on imagine bien comment ça va se passer que les verts vont retrouver leurs amis du PS. Du coup, sur cette position-là, on est clair. »

Au contraire de la clarté, c’est plutôt une discussion gazeuse, et un accord de circonstance pour ne pas exploser la liste, qui s’est conclu. De la sorte, une discussion se mènera probablement au second tour en fonction de « l’état des rapports de force » comme le développe la tête de liste Clémence Guetté. « On pourra tirer un premier bilan programmatique de ce qui sera avancé durant cette campagne, moi je ne peux pas m’avancer sur les engagements des autres candidats, je n’ai aucune idée s’ils sont potentiellement compatibles avec nous, et si on aura envie de mener une discussion après trois mois de campagne. On se reverra entre les deux tours. »

Une liste qui tend à brouiller la frontière entre stratégie institutionnelle et anticapitaliste

Si dans la première partie de l’article, nous avons volontairement mis en exergue les interventions de Clémence Guetté, c’est que LFI en tant que tête de liste donne naturellement le ton en termes de stratégie et de programme. Et pour cause, La France Insoumise a non seulement la tête de la liste mais fait aussi légitimement peser de tout son poids la figure politique que représente Clémence Guetté, co-responsable de la plateforme programmatique de LFI pour la présidentielle de 2022.

Aussi, si au cours de son intervention, Philippe Poutou, a dénoncé un système capitaliste « profondément injuste et inégalitaire » et a pointé que tout ne va pas changer grâce aux élus, force est cependant de constater que le contenu stratégique de la liste et ce qui en ressort est clairement inscrit sur le terrain institutionnel. De sorte que son programme intègre même les limites de cette stratégie : « Plus un sou d’argent public pour les entreprises qui polluent ou licencient », ce qui induit que les grands patrons « responsables » auraient légitimement droit à une aide. Un point de programme qui n’est pas sans rappeler que le député Loïc Prud’homme, député La France Insoumise, n’a pas hésité à voter les dizaines de milliards d’aides au grand patronat. Une limite qui s’est exprimée également au sujet de l’emploi, lorsque Philippe Poutou a abordé la « question de l’intervention politique des pouvoir publics » qu’il assimile à tort à l’« expropriation ». Une proposition particulièrement ambiguë tant elle tend à donner des illusions sur le rôle de l’État, qui ne serait pas entièrement au service des grands patrons, et pourrait être sujet à une « confrontation entre pouvoir politique et pouvoir économique ».

Tout cela sans compter le programme sur la question de la police dont il n’est pas encore fait mention. Pourtant, il est clair qu’elle ouvrira des contradictions importantes au regard du programme porté par LFI qui prône « une police républicaine ». En ce qui concerne la question de l’emploi, Clémence Guetté prône ouvertement des mesures protectionnistes : « Au niveau étatique, il faut des mesures protectionnistes, sans ça on n’y arrivera jamais. Par exemple, aujourd’hui, Renault décide de produire ses carters avec un groupe espagnol au lieu de produire en France avec Liberty et les Fonderies du Poitou. C’est un problème. » Une position « protectionniste de gauche » qui, en tendant à opposer travailleurs français et travailleurs espagnols, est particulièrement glissante, voire réactionnaire, pour tout internationaliste.

De ce point de vue donc, à mille lieues de mettre en avant une bataille de stratégies entre réformisme et anticapitalisme, c’est tout au contraire les frontières entre réformes et révolutions, entre bataille sur le terrain institutionnel et luttes de classe, qui sont brouillées, mélangées, voire confondues.

Plus que jamais, la nécessité d’une indépendance politique des révolutionnaires

Pour les révolutionnaires, la question des élections ainsi que la forme dans laquelle nous y apparaissons revêt une question en premier lieu tactique. Ce qui prime donc, c’est la nécessaire clarté sur la question des principes, à savoir une liste qui se doit de décliner a minima une stratégie et un programme réellement anticapitalistes, délimitées clairement du réformisme et de l’alliance avec les institutions de la bourgeoisie, plaçant ainsi la question de l’indépendance de classe comme une ligne rouge. Une indépendance de classe claire que ce soit vis-à-vis du gouvernement, des politiciens professionnels, du grand patronat, et plus généralement par rapport aux institutions, à l’État et sa police.

De ce point de vue, ce qu’on ne peut reprocher à la liste « On est là », c’est a minima la clarté de la ligne stratégique qui en ressort : à savoir une ligne s’inscrivant clairement sur le terrain institutionnel qui cherche à batailler au sein des conseils régionaux pour de meilleurs budgets. Ou encore son rapport au grand patronat quelque peu conciliant, épargnant notamment celui qui serait « responsable », ne licencierait pas ou ne polluerait pas, celui qui exploite « correctement », ou celui qui se conformerait à une politique protectionniste. De ce point de vue, se retrouver avec comme tête de liste la secrétaire du groupe LFI à l’Assemblée nationale, groupe qui a voté les dizaines de milliards d’aides au grand patronat illustre clairement le problème. Loin de tout profil anticapitaliste donc, encore moins révolutionnaire, c’est la conciliation de classes qui prime.

De ce point de vue, cet accord électoral tend donc non seulement à mêler les drapeaux révolutionnaires et réformistes, mais à se subordonner stratégiquement et sur le terrain du programme à La France Insoumise. Or nous avons de nombreux désaccords qui nous séparent politiquement des camarades de la France Insoumise, que ce soit sur le terrain du rapport aux institutions et de leur « révolution par les urnes », ou de leur stratégie populiste qui cherche à mettre en avant l’appellation de « peuple » ou de « citoyens » afin de diluer volontairement la classe ouvrière, les travailleurs, qui ne sont plus, selon Jean-Luc Mélenchon, le sujet de transformation de la société. Sans compter la question de la police, c’est aussi sur le plan du rapport à la Nation et du discours protectionniste de La France Insoumise, que nous avons d’importants désaccords en raison de nos conceptions profondément internationalistes.

Plus généralement, cet accord électoral derrière la France Insoumise pour les élections régionales s’inscrit dans un contexte où Jean-Luc Mélenchon et son mouvement souhaitent se servir des élections régionales comme pré-campagne aux présidentielles de 2022. De la sorte, cette alliance avec le NPA sonne comme un argument pour démontrer la disposition non-sectaire du leader insoumis et le poser comme le potentiel candidat d’une « union de la gauche » allant jusqu’à EELV. Elle lui permet notamment d’affirmer comme il l’a fait il y a quelques jours au micro de France Inter : « Nous avons fait la preuve dans les Haut-de-France que nous, insoumis, sommes le plus grand dénominateur commun et que nous sommes capables de nous entendre avec tout le monde, avec des Verts, avec des communistes et même avec le NPA ».

De notre côté, en tant que NPA-Révolution Permanente, nous n’avons pas la moindre intention de soutenir, de près ou de loin, la candidature de Jean-Luc Mélenchon aux présidentielles. Au contraire, nous comptons défendre une candidature révolutionnaire indépendante, avec un profil ouvrier et lutte de classe, qui s’adresse aux centaines de milliers de travailleurs, de travailleuses et de jeunes dégoûtés de cette « gauche de gouvernement » qui, par sa politique, a conduit au renforcement de la droite et de l’extrême-droite. Toute une génération qui a pris part aux mobilisations qui ont traversé la France depuis 2016. Ils sont à la recherche de radicalité et d’un projet de société dépassant le cadre des institutions et du mode de production capitaliste. C’est à eux, c’est à elles, qu’il faut s’adresser et proposer une candidature radicalement alternative.

 
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