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La Izquierda Diario
16 de avril de 2021 Twitter Faceboock

Offensive sécuritaire
Sécurité Globale : que contient le texte de loi définitivement adopté ?
Youri Merad

La Loi Sécurité Globale a été votée pour de bon. Entre renforcement de la police, de son immunité, et l’élargissement de ses pouvoirs à la police municipale et la sécurité privée, cette loi représente une attaque sans précédent sur le plan sécuritaire et contre nos libertés démocratiques.

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Crédits photo : O Phil des Contrastes

Ce jeudi, le texte de loi pour une “Sécurité Globale préservant les libertés” a été adopté, après avoir été voté à l’assemblée par 75% des députés. Ce projet de loi, présenté en novembre et réclamé depuis plusieurs années par les syndicats de police, renforce les pouvoirs de la police et les élargit aux agents de la police municipale et de la sécurité privée. Il a fait l’objet d’une contestation générale de la population, avec des centaines de milliers de personnes qui sont descendus dans les rues pour dénoncer le renforcement de l’immunité policière en criminalisant notamment la diffusion des images de violences policières.

En pleine mobilisation en France et aux États-Unis contre les violences policières et alors que les images de telles violences se succédaient, la pression de la rue avait poussé le gouvernement à amender le texte à plusieurs reprises, avant d’être finalement voté définitivement ce jeudi. Mais dans sa version finale, la totalité des attaques anti-démocratiques et répressives du texte de loi sont toujours présentes.

À commencer par ce fameux article 24 qui à l’origine prévoyait de rendre passible de prison la diffusion d’images et de vidéos de policiers. Le ministère de l’Intérieur avait d’abord tenté de le reformuler, puis de le déplacer dans la loi séparatisme. Aujourd’hui, bien qu’il n’y soit plus fait mention en particulier de la « diffusion de l’image  » de policiers, c’est désormais « la provocation à l’identification d’un agent de la police nationale [...] dans le cadre d’une opération de police  » qui est puni de 5 ans d’emprisonnement et 75 000€ d’amende. Une formulation qui remplit exactement le même objectif qu’à l’origine : empêcher la diffusion des vidéos de violences policières, puisqu’elles permettent dans la plupart des cas l’identification des policiers en question.

Cet article vient donc réaffirmer l’immunité des agents de police, qui, déjà systématiquement impunis en cas de procès, ne pourront même plus être menés en justice par les victimes de violences policières qui n’auront aucun élément de preuve à fournir face à des fonctionnaires d’État assermentés.

Tout en criminalisant la visibilisation des violences policières, le texte de loi ouvre également la voie à la mise en place d’une vidéosurveillance généralisée de la population sur de nombreux plans.

Dans le cadre de « leurs missions de maintien de l’ordre  », c’est-à-dire dans leurs opérations de répressions des mouvements sociaux, les forces de police pourront désormais être équipés de caméras individuelles qui seront « transmises en temps réel au poste de commandement  » si « la sécurité des agents [...] et des biens est menacée  ». Ce à quoi s’ajouteront les images transmises en direct par des drones que la police aura désormais le droit d’utiliser durant les opérations de maintien de l’ordre. Bien que pour ces derniers il soit précisé que « sont prohibés la captation du son  » ainsi que «  l’analyse des images [...] au moyen de dispositifs automatisés de reconnaissance faciale  », ces précisions ne sont pas faites quant à l’utilisation des images fournies par les caméras embarquées.

Avec ces images, la police s’offre donc la possibilité de réprimer encore plus durement les manifestations et généralise l’identification des manifestants qui facilitera ainsi les opérations de répressions ciblées. Mais le Sénat prévient, ces images ne pourront être utilisées que par les forces de police, dans leurs propres intérêts, et ne permettront en aucun cas de témoigner de violences policières, comme c’est parfois le cas aux États-Unis : «  leur diffusion directe dans les médias a été écartée, pour ne pas risquer d’alimenter une véritable “bataille médiatique” ».

Toujours sur le terrain de la surveillance généralisée, les moyens supplémentaires alloués pour réprimer les mouvements sociaux vont se retrouver aussi dans les quartiers populaires, où se perpétuent déjà impunément les violences policières. L’article 20bis notamment, d’abord abrogé par les sénateurs puis réintroduit en dernière lecture, facilite l’installation de caméras jusque dans les halls d’immeubles au motif de «  prévention de la délinquance  », et permet la transmission des images directement aux services de police de la ville.

Des policiers qui, en bonus, seront maintenant autorisés à porter leur arme de service dans les lieux publics, même quand ils ne sont pas en service.

De plus avec cette loi, la mise en place de toutes ces caméras s’accompagne d’un élargissement des pouvoirs accordés à la police municipale et aux agents de sécurité privée, qui seront, grâce au même article 20 par exemple, tous habilités désormais à visionner les images des dispositifs de vidéosurveillance.

Et cet élargissement des pouvoirs auparavant réservés à la police nationale, est un axe important de cette nouvelle loi. En effet, elle permet au gouvernement de démultiplier les effectifs de son appareil coercitif. La totalité des agents de police municipaux pourront désormais distribuer des amendes forfaitaires allant de 200€ à 1000€, et dresser des procès verbaux pour “consommation de stupéfiants”, “occupation des espaces communs ou des toits des immeubles”, “vente à la sauvette” et “traçage d’inscriptions sur les façades, la voie publique ou le mobilier urbain” entre autres.

Des habilitations qui s’élargissent aussi pour les agents de sécurité privé : « Les agents du Conseil national des activités privées de sécurité qui sont commissionnés par son directeur et assermentés sont habilités à rechercher et à constater par procès-verbal, à l’occasion des contrôles qu’ils réalisent, les infractions prévues au présent livre  » (nouvel Art. L. 634-3-2 du code de la sécurité intérieure). Désormais assermentés, les agents de sécurité pourront ainsi, comme le décrypte Médiapart, «  être autorisés par le préfet à effectuer des missions de surveillance de la voie publique dans le cadre de la lutte antiterroriste. Ils n’auront également plus besoin d’habilitation pour procéder à des palpations de sécurité dans le cadre de certaines manifestations, notamment sportives et culturelles  ». 

Avec ces nouvelles dispositions, entre la police municipale et la sécurité privée, le pouvoir s’arme donc d’une flotte gigantesque pour appliquer ses mesures sécuritaires. 

D’ailleurs, dans la lignée de sa loi contre les séparatismes, le ministre de l’Intérieur n’a pas non plus manqué l’occasion de glisser dans cette réforme de la sécurité privée des mesures racistes et xénophobes. Ainsi, alors que ces postes précaires de sous-traitance dans la sécurité sont principalement réservés aux populations issues des quartiers populaires, la loi établit désormais que personne ne pourra prétendre à un poste d’agent de sécurité «  s’il ne justifie pas de son aptitude professionnelle, notamment de sa connaissance des principes de la République  » et de la «  maîtrise du français  », et les ressortissants étrangers devront attester de la détention d’un titre de séjour depuis au moins cinq ans pour postuler.

Mais face à ces attaques, la réponse de la coordination #StopSécuritéGlobale, aux côtés des députés de l’opposition qui compte saisir le Conseil Constitutionnel est totalement inconséquente. En effet, cette institution de l’État, composée de neuf membres nommés directement par le président de la République, ne cesse de briller par son caractère anti-démocratique au service du pouvoir, à tel point que Castex lui-même prévoyait de le saisir lorsque les contestations à la loi se faisaient entendre.

Ce projet de loi avait engendré une mobilisation massive en novembre dernier, qui s’était traduite par des manifestations massives dans tout le pays, contre le racisme d’État et les violences policières, dans le sillage du mouvement Black Lives Matter. Des centaines de milliers de manifestants, pour la plupart très jeunes, exigeaient alors le retrait total de ces lois liberticides et sécuritaires. Alors, contre l’illusion d’une bataille dans les institutions, il est urgent de reprendre la rue, pour combattre l’ensemble des lois autoritaires et racistes, qui augmentent considérablement l’arsenal répressif, car il en dépend de nos droits et de nos libertés !

 
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