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La Izquierda Diario
18 de avril de 2021 Twitter Faceboock

Pour un Parti Révolutionnaire des Travailleurs !
Adrien Cornet : « Il nous faut un parti ouvrier pour révolutionner toute la société »
Adrien Cornet, CGT Total Grandpuits

Dans le cadre de notre proposition de Parti Révolutionnaire des Travailleurs, nous avons interrogé différents militants du NPA – Révolution Permanente sur leurs trajectoires. Adrien Cornet revient sur son parcours de raffineur, la contradiction vécue entre syndicalisme et politique et l’engagement dans la construction d’un parti révolutionnaire & d’une stratégie hégémonique.

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Crédits photo : LouizArt

Dans le cadre de notre proposition de Parti Révolutionnaire des Travailleurs nous avons demandé à des militants du NPA - Révolution Permanente de revenir sur leur parcours et leur engagement révolutionnaire.

A la recherche d’un syndicalisme « politique »

J’ai grandi dans le 77 et j’ai été élevé dans des valeurs de gauche dans une famille de profs. J’ai commencé par travailler chez les sapeurs-pompiers de Paris. J’adorais le métier mais l’ambiance militaire et raciste de l’institution a fini par me dégoûter, moi qui ai grandi dans des collèges et lycées populaires. J’ai ensuite été agent sécurité à la tour TF1 pour un sous-traitant. Payé au SMIC avec des horaires de jour, des horaires de nuit, j’y ai découvert la galère de ces métiers où le donneur d’ordre change le contrat régulièrement, les salariés sont baladés d’une entreprise à une autre. Dans ces conditions tu te sens vraiment comme une marchandise, matière première remplaçable à tout moment, un objet qui passe d’une boîte à une autre, d’un site à un autre. La raffinerie de Grandpuits m’a permis de sortir de cette précarité.

Les Grandpuits à la manifestation contre la réforme des retraites du 16 janvier 2020
Les Grandpuits à la manifestation contre la réforme des retraites du 16 janvier 2020

Très tôt je prends ma carte à la CGT pour sa ligne politique qui à l’époque me convient, c’est un syndicat de gauche. En 2010 je participe à la grève contre les retraites et je découvre l’immensité du rapport de forces qu’on est capables d’opposer au gouvernement avec notre grève qui crée une pénurie de carburant. Je vois aussi la répression puisqu’on finira par être réquisitionnés et réprimés après avoir tenté de bloquer la reprise du travail. En parallèle de mes premières expériences de travail je me politise à gauche, je lis le Monde Diplomatique, Lordon, Friot, Mermet. En 2012 je suis la campagne de Mélenchon avec attention. A Grandpuits, je vis très fortement une contradiction entre cette politisation et le syndicalisme que je trouve très corporatiste, qui ne parle que de choses très limitées. Et en même temps, j’ai l’impression de voir le capitalisme s’effondrer dans ma boîte : les négociations salariales sont proches de 0, il faut batailler pour tout, il y a une contraction évidente des dépenses et on le ressent notamment dans la maintenance de l’usine.

Finalement j’organise mon premier mouvement de grève au sein des pompiers de la raffinerie autour de revendications salariales en 2018. On refuse la logique du dialogue social et des négociations qui prévaut alors et on joue tout au rapport de forces, en menaçant de partir en grève. C’est une victoire et avec cette démonstration je rejoins le bureau de la CGT en tant qu’élu titulaire. Ensuite il y a le mouvement des Gilets jaunes, mais c’est vraiment en 2019 que j’opère un tournant. J’ai toujours vécu le syndicalisme avec le sentiment que si celui-ci ne devenait pas politique, il allait mourir. En 2019 je comprends jusqu’au bout ses limites et le moyen de les dépasser.

Une organisation politique pour l’auto-organisation des travailleurs

2019 c’est le déclic, l’équipe de jeunes radicaux dont je fais partie prend la main au sein de la CGT. Avec Paulo, un camarade de la CGT, on prépare le conflit depuis septembre, on analyse la réforme, on assiste à des cours en ligne, on essaye de creuser ce qui va se passer. Il y a énormément de débats sur le fait d’arrêter ou non la raffinerie, la tête de la CGT en local refuse par peur que ce soit un prétexte pour ne jamais la redémarrer. Nous on va à l’encontre des réflexes bureaucratiques, on défend l’arrêt de la raffinerie, on cherche à s’ouvrir à l’Interpro. Justement, un jour une petite centaine de grévistes de la SNCF et de la RATP viennent sur le piquet et je rencontre Laura, une cheminote qui nous propose de manifester en tête avec le cortège de la Coordination RATP-SNCF. Cette première expérience aux côtés d’autres secteurs est marquante, comme le sera le meeting du 10 mars aux côtés de tous les secteurs : éboueurs, profs, RATP, opéra de Paris, SNCF…

Meeting de la grève le 10 mars 2020
Meeting de la grève le 10 mars 2020

Toujours à l’initiative de la Coordination RATP-SNCF, on participe également à une réunion avec les secteurs stratégiques en grève. On est en gros deux par secteurs : RATP bus, métro, l’énergie, la SNCF et les raffineries. Et là c’est une révélation parce qu’on se retrouve entre dirigeants de la grève, à discuter de comment on peut taper sur le même clou en même temps, avec quelle capacité de blocage. J’ai une révélation je me dis : « c’est ça qu’il faut faire : c’est avec eux qu’on va la plier la réforme » et en même temps je comprends que c’est précisément ce que la bureaucratie syndicale ne fait pas, et ce qu’elle ferait si son rôle était vraiment d’organiser la lutte. Je n’avais pas lu une ligne de Marx ou de Trotsky et Lordon ou Friot ne traitent pas ces questions, mais je commençais à aller jusqu’au bout de ma compréhension de limites du syndicalisme et du rôle de la bureaucratie.

A ce moment je suis très impacté par le fait que la Coordination RATP-SNCF qui regroupe de nombreux grévistes de différents dépôts RATP et gares SNCF ait été impulsé consciemment par des militants politiques du NPA - Révolution Permanente. Je continue de discuter avec ces militants et je lis le Programme de Transition de Trotsky. Sur l’aspect syndical je comprends jusqu’à bout qu’il faut une boussole et que ce n’est pas possible dans le cadre d’un syndicat qui pense les problèmes aux bornes d’une entreprise ou d’une branche. Je vois aussi le lien, loin d’être évident, entre organisation politique et auto-organisation. Je me rappelle d’avoir formulé dans ma tête ce que j’en comprenais : « Une organisation politique au service de l’auto-organisation dans la lutte des classes », tout en voyant bien l’apport que ça représentait pour les périodes de « paix », dans le sens de réfléchir et d’intervenir constamment sur l’ensemble des problèmes de la société.

Grandpuits et la possibilité d’une politique écologique ouvrière et révolutionnaire

En 2019, j’ai fini de comprendre que le syndicalisme allait mourir s’il ne se politisait pas. J’ai compris qu’on était dans une période où la seule solution était de remettre du politique pour avoir une boussole et une stratégie, fondée sur l’auto-organisation des travailleurs et les méthodes de la lutte de classe, et que dans ce combat l’organisation politique était un outil indispensable pour penser une stratégie à l’échelle de l’ensemble de la société. Ce constat était amplifié par celui de la gravité de la situation d’un point de vue écologique. L’environnement est une question qui m’a énormément politisé en tant qu’enfant d’une zone rurale et le capitalisme a démontré qu’il était irréconciliable avec l’écologie. J’ai même envisagé un temps de quitter la raffinerie pour faire de la permaculture avant de voir l’impasse d’une perspective précaire mais aussi très limitée politiquement.

La grève de Grandpuits a été une formidable expérience pour voir en pratique tout ce qu’il était possible de faire à tous ces niveaux avec une approche plus politique d’un conflit ouvrier, centré sur l’emploi. La stratégie basée sur l’auto-organisation, le choix de la méthode de la grève contre le dialogue social, la lutte pour l’emploi, mais aussi toute la réflexion autour de l’environnement, du contrôle ouvrier et l’alliance avec le mouvement écolo ont été le fruit d’une réflexion stratégique révolutionnaire qui s’est trouvée en phase avec l’état d’esprit de toute une partie des grévistes. Dans la grève on a voulu insister sur cette idée que nous les travailleurs de Grandpuits on est aussi les habitants du 77, qui vivent dans la nature environnante, se baignent dans les rivières, dont les enfants jouent dans les parcs. L’écologie pour nous c’est très concret. Et ce n’est que si les raffineries n’étaient plus guidées par le profit mais sous contrôle des ouvriers pour répondre aux besoins de la société et à la nécessité de protéger l’environnement qu’une véritable politique écologique serait possible.

AG à la raffinerie de Grandpuits le 7 janvier 2021
AG à la raffinerie de Grandpuits le 7 janvier 2021

Sur ce sujet, moi qui venais de ces réflexions sur les limites du syndicalisme d’une part et les limites d’une politique de gauche réformiste de l’autre, j’ai été très marqué par la mise en pratique des réflexions politiques sur « l’hégémonie ouvrière ». Si les marxistes considèrent que la classe ouvrière est le sujet central de la révolution du fait de sa position stratégique dans la production, l’hégémonie pose la question de l’articulation du combat de la classe ouvrière aux combats de l’ensemble des autres couches opprimés de la société. C’est le fameux problème de la convergence des luttes, mais articulé autour de la position centrale de la classe ouvrière et avec le parti révolutionnaire comme acteur fondamental de cette articulation qui ne surgit pas spontanément. Notre capacité à rallier le mouvement écolo à une lutte contre un plan social a été une démonstration forte, y compris au sein de la FNIC dont toute une partie remettait en question ce choix, de la force d’une telle stratégie sur laquelle repose toute une partie de l’écho de cette grève. Grandpuits n’a pas été la seule grève reconductible contre un plan social, mais si elle a réussi à percer un peu le silence médiatique c’est parce qu’elle réussissait à interroger l’ensemble de la société.

Aujourd’hui, je pense qu’il faut faire la révolution parce que le capitalisme menace l’Humanité à court ou moyen-terme. Mais pour cela je suis convaincu de la nécessité d’un parti révolutionnaire des travailleurs parce que je crois qu’il faut faire ce qu’on a fait à Grandpuits, ce qui a été fait dans le mouvement contre la réforme des retraites, ce que font d’autres camarades dans leurs secteurs à l’échelle de la société entière. Aujourd’hui il n’existe pas de projet qui assume jusqu’au bout cette logique et c’est une tâche fondamentale de créer un parti implanté dans la classe ouvrière, mais aussi dans toutes les couches de la société, en phase avec les jeunes syndicalistes comme moi et guidé par une stratégie hégémonique qui s’adresse à l’ensemble de la société. C’est cette organisation que je veux contribuer à construire.

 
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