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La Izquierda Diario
4 de mai de 2021 Twitter Faceboock

Complicité criminelle
Total organise et finance les intérêts de la junte militaire au Myanmar 
Julien Anchaing

La révélation de près de 120 000 documents internes de l’Etat myanmarais a mis en lumière et prouvé la responsabilité de Total dans le financement de la dictature. Une enquête du Monde a confirmé ces informations. 

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Le 10 mars dernier, dans un article publié sur Révolution Permanente nous nous interrogions déjà sur les sales affaires de Total au Myanmar et la responsabilité de l’entreprise impérialiste française dans le financement de la junte militaire. La récente publication par le site Distributed Denial of Secrets de près de 120 000 documents internes de l’Etat myanmarais qui servaient de registre des entreprises du pays a été analysé par l’organisation Justice for Myanmar ainsi que par le journal Le Monde. Une révélation qui vient prouver la gravité de l’imbrication du géant pétrolier français avec la junte militaire, et ce quelques mois après son coup d’Etat et la répression sanglante qui l’a accompagnée. 
 

Les preuves d’un large scandale de corruption et de financement de la dictature

 
 
Nous avions rappelé dans notre précédent article le rôle du projet Yadana, un champ gazier placé à 60 km des côtes birmanes et représentant près de 150 000 milliards de mètres cubes de gaz naturel majoritairement distribué en Thaïlande. Ce projet commencé en 1998 avait permis à l’entreprise Total de se placer comme actionnaire principal et opérateur de la Moattama Gas Transportation Company (MGTC). En plus de Total, sont impliqués dans les actions le géant américain Chevron, la PTTEP (entreprise thaïlandaise) ainsi que MOGE, Myanmar Oil and Gas Enterprise, une entreprise nationale contrôlée par les militaires myanmarais. 
 
Les récentes révélations analysées par Justice for Myanmar et le journal Le Monde démontrent avec plus de précisions le système de corruption qui entoure la MOGE ainsi que la production gazière au Myanmar. Pour rappel, la MOGE est une entreprise publique de production et distribution de gaz organisée au Myanmar d’une manière absolument opaque par des cadres de l’armée et dont les dividendes sont majoritairement redistribués à des membres de la junte militaire. 
 
Selon ces mêmes informations, les états financiers divulgués montrent que de 2017 à 2019, la société pipelinière a réalisé un énorme bénéfice avant impôts de 1,23 milliard de dollars US, c’est-à-dire un bénéfice de près de 98%, avant la mise en place d’un impôt sur "le transport des ressources" de seulement 11 millions de dollars. En d’autres termes, l’entreprise enregistrerait des bénéfices monstrueux par le biais de l’exploitation du site de Yadana, bénéfice redistribué sous formes de dividendes aux actionnaires directs de l’entreprise puis, de manière extrêmement minoritaire, par le biais d’un impôt extrêmement faible redistribué à l’Etat. 
 
Cela signifie que non contents de redistribuer l’une des ressources centrales de la population myanmaraise à l’étranger, les bénéfices tirés de son exploitation vont massivement dans les poches de la junte, de Total et de Chevron. Le gaz quant à lui véritablement distribué au Myanmar serait, cette fois selon Publish What You Pay, majoritairement redistribué à très bas prix à des entreprises directement détenues par des membres de l’armée myanmaraise.
 
« Ce dispositif complexe permet de maximiser les profits versés aux actionnaires de MGTC… et de minimiser les taxes versées à l’Etat birman, grand perdant de ce système. Les derniers résultats annuels publiés par Total en 2020 montrent que les sommes versées par le géant pétrolier français au ministère des finances birman sont trois à quatre fois inférieures à celles distribuées à son coactionnaire MOGE. Résultat : les bénéfices colossaux des opérations gazières ne transitent plus par les caisses de l’Etat birman, mais sont massivement récupérés par une entreprise totalement sous contrôle des militaires », écrit Le Monde
 
Enfin, les dividendes des géants actionnaires quant à elles restent toujours protégés, car, toujours selon Le Monde, le holding (entreprise propriétaire) est placée aux Bermudes, un paradis fiscal, depuis 1994. Le Monde révèle notamment que « selon une source haut placée dans le secteur des hydrocarbures en Birmanie, c’est Total qui a mis en place l’intégralité de ce montage au début des années 1990. Le groupe se contente, lui, d’assurer que tout a été « validé avec les autorités de l’époque et s’est poursuivi avec les gouvernements successifs jusqu’à ce jour » ». 
 

Dehors la junte militaire et l’impérialisme !

 
 
Il est désormais prouvé que Total a depuis 1994 profité massivement d’accords avec la junte militaire pour, main dans la main avec les dictateurs, spolier et exploiter les ressources du peuple myanmarais à leurs comptes en ne payant quasiment aucun impôt. De quoi faire relativiser les propos de Patrick Pouyanné, PDG de Total pour le JDD en début avril dernier qui déclarait que « le respect des droits humains est au cœur de notre code de conduite et de nos valeurs : le respect de l’autre est profondément ancré au sein de l’ADN de Total ». 
 
Des déclarations qui soulignent l’hypocrisie criminelle d’une entreprise impérialiste impliquée dans le financement et la corruption de la junte militaire myanmaraise qui réprime, tue et enferme des milliers de manifestants depuis février dernier. Alors que le bilan de la répression ne fait que s’alourdir de jour en jour, les larmes de crocodile de Pouyanné et de Total sont fortement remis en perspective par les révélations, cette fois, d’un autre article du Monde publié ce 4 mai et qui fait témoigner plusieurs des 300 salariés de Total au Myanmar. Parmi ceux-ci, plusieurs témoignent de pressions faites par l’entreprise sur les salariés du Myanmar pour leur interdire de participer aux contestations et à la mobilisation actuelle de la classe ouvrière et de la population contre la dictature. 
 
« Ils nous ont dit que si on rejoignait la contestation, on en paierait le prix, sans donner plus de détails, témoigne Min Thu. On a vite compris qu’un congé sans solde nous serait refusé et qu’on devrait démissionner ». Min Kha, qui travaille sur la plate-forme offshore de Yadana, va même jusqu’à accuser un supérieur de l’avoir « menacé » : « Il nous a dit que si on rejoignait le mouvement de désobéissance civile, on serait arrêtés à l’aéroport par les militaires, à notre retour par hélicoptère », lit-on dans Le Monde. 
 
Des preuves supplémentaires de la responsabilité extrême de Total en tant que maillon central de la position stratégique de la France en Asie dans la complicité avec la dictature et la junte militaire myanmaraise. Comme nous le rappelions dans de nombreux articles sur Révolution Permanente : « Tout cela indique que la lutte au Myanmar se dirige contre les militaires mais elle doit aussi se diriger contre les multinationales complices. La lutte anti-impérialiste est ainsi fondamentale, et avec elle la lutte contre la spoliation de Total ». 

 
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