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La Izquierda Diario
11 de mai de 2021 Twitter Faceboock

Répression syndicale
« S’ils virent Ahmed, on perd toutes ! » Les agents RATP mobilisés contre la répression et les violences sexistes
Cécile Manchette

L’émotion et la colère étaient vives ce lundi place Lachambeaudie à Paris, où des centaines de manifestants ont protesté en soutien à Ahmed Berrahal, syndicaliste CGT menacé de révocation pour avoir dénoncé des agressions sexuelles à la RATP. Face à une direction inflexible, la suite ne peut être que celle de la construction d’un rapport de force d’ampleur pour stopper la procédure disciplinaire en cours.

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Depuis l’annonce de son conseil de discipline, Ahmed Berrahal et son comité de soutien ont cherché à mobiliser largement, et faire de la journée du 10 mai une journée de grève sur le dépôt de bus Flandre à Pantin où travaille Ahmed, pour qu’aucune sanction ne tombe. Malgré l’afflux de nombreux soutiens, et l’indignation exprimée dans une série d’interventions poignantes, la RATP est restée ferme sur ses positions : au terme de plus de 4 heures d’entretien disciplinaire, autour d’un dossier monté de toutes pièces, celle-ci a demandé la révocation du lanceur d’alerte. La direction générale du groupe dispose désormais d’un délai d’un mois pour confirmer ou infirmer la sanction ; l’occasion de renforcer le rapport de force pour la faire reculer.

La RATP n’en n’est pas à sa première tentative pour sanctionner et aujourd’hui révoquer Ahmed. En effet, celui-ci en est à sa troisième procédure disciplinaire en un an et demi. Cette fois-ci, la RATP l’accuse de harcèlement moral à l’encontre d’un chef accusé lui-même ces derniers mois de harcèlement sexuel à l’encontre d’une salariée. Une salariée qui avait cherché du soutien auprès d’Ahmed, en tant que secrétaire CSSCT et référent harcèlement, lui transmettant la main courante qu’elle avait déposée contre son supérieur. C’est ce qu’a rappelé Ahmed ce lundi, place de Lachambaudie, avant de se rendre à son entretien disciplinaire, sous les acclamations : « C’est pas moi qu’on attaque réellement, mais toutes les femmes qui ont osé dénoncer le harcèlement sexuel dans l’entreprise. Et oui j’ai osé dénoncer mais il y a quand même 33 femmes qui ont fait une vidéo, qui n’ont pas eu peur de la direction, en 17 ans à la RATP je n’ai jamais vu ça ! (...) Le chef visé par une main courante pour avoir touché les seins d’une femme bizarrement il m’accuse de harcèlement moral ? Face à la direction je n’ai pas honte de les dénoncer, on ne mange pas à leur table, on ne négocie pas avec eux, on les combat jour et nuit ».

Au-delà du fait qu’il s’agit clairement d’une tentative de la RATP de museler un syndicaliste combatif qui a été de toutes les grèves, dont celle contre la réforme des retraites, et de tous les combats, dont celui d’avoir exigé des protections dignes pour tous les salariés en pleine crise du Covid, la direction s’attaque également à celui qui défend de nombreuses salariées femmes victimes de violences sexistes et sexuelles dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions.

Au milieu des interventions de plusieurs syndicalistes de la RATP et d’ailleurs, plusieurs interventions de femmes salariées de la RATP ont capté l’attention de l’ensemble des travailleurs de la RATP, des syndicalistes et des soutiens venus au rassemblement. Ces salariées font partie de celles qui, suite à l’annonce du conseil de discipline à l’encontre d’Ahmed, ont témoigné des violences sexistes et sexuelles subies au travail, et de la façon dont la RATP étouffe systématiquement ces affaires quand elle n’est pas elle-même à l’origine de ces violences.

C’est ainsi que courageusement, pour la première fois devant une si grande assemblée, Dylia Goloko a témoigné du harcèlement qu’elle a subi par la RATP, entreprise soi-disant à la pointe de la lutte féministe : « Ils m’ont accusée d’avoir écrasé un cycliste avec des fausses pièces à conviction. Et suite à tout le harcèlement, j’ai perdu mes deux enfants à 5 mois de grossesse. Ils ont détruit ma vie, ils m’ont détruite en tant que femme, en tant que mère, mais ne sont toujours pas condamnés. ». Elle, comme les trente autres salariées de la RATP qui sont sorties du silence et ont témoigné en soutien à Ahmed, a remercié chaleureusement Ahmed de son aide précieuse et de les avoir encouragées à tenir tête à la direction de la RATP, et ce malgré les obstacles érigés sur leur chemin. Dans l’émotion, Christelle a témoigné également de l’agression sexuelle qu’elle a subit au sein de la RATP puis de la manière dont la direction a cherché à étouffer l’affaire, à la faire culpabiliser avant de classer l’affaire.

Trouver le courage de libérer cette parole et de se rassembler est le fruit du travail de militant.e.s de terrain comme Nadia, machiniste sur le même dépôt qu’Ahmed et syndiquée au cours de la lutte contre la réforme des retraites. Dans une intervention puissante elle a interpellé l’ensemble des salarié.es de la RATP pour les inviter à tenir bon et tenir tête à la RATP : « Ahmed il se met en danger, si aujourd’hui ils le virent on le perd toutes, qui va nous défendre ? La RATP prépare la privatisation qui arrive, et ils vont tous nous déglinguer si on se laisse faire ».

Une manière très concrète de souligner que défendre et se mobiliser pour Ahmed revient à défendre toutes les collègues contre les violences sexistes et sexuelles, et à rappeler que les hommes et les femmes ont les mêmes intérêts face aux patrons, qui profitent et encouragent ces violences pour diviser le collectif de travailleurs.

Les prises de paroles de Nadia, Dylia, Christelle, ont fortement impacté l’assemblée et les interventions qui s’en sont suivies parce que la réalité des violences sexistes, sexuelles et sociales au travail sont bien souvent tues et banalisées. Rares sont les militant.e.s qui osent les combattre coûte que coûte, et cherchent à ce que les salariées femmes s’organisent contre ces violences, face à des directions patronales prêtes à tout.

Photos : Michel-André Bono. De gauche à droite : Christelle, Dylia, Nadia, Rozenn, Khadija

Rozenn, militante à la CGT Chronodrive et au collectif féministe Du Pain et des Roses, en a fait l’expérience. Elle est venue de Toulouse où elle vit et étudie, pour rapporter l’expérience de son combat contre le Groupe Auchan en tant que lanceuse d’alerte contre les violences sexistes : « A Chronodrive on a fait une grève féministe contre les violences sexistes. Aujourd’hui pour Ahmed on doit faire pareil ». Elle a ainsi défendu que face à des directions patronales revanchardes, la construction d’un rapport de force par la grève sur le terrain, et l’unité des travailleurs, est essentielle. De par son engagement militant à Du Pain et des Roses, et au NPA-Révolution Permanente, elle incarne également cette jeune génération de militantes syndicales qui sont convaincues que leur lutte sont des luttes politiques qui nécessitent de s’organiser politiquement pour défendre, depuis leurs entreprises, un combat contre l’exploitation salariale, et les oppressions comme l’oppression sexiste.

C’est à partir de la compréhension de la nécessité de construire le rapport de force sur le terrain et du sens profond de lier la lutte contre la casse du service public, la libéralisation de la RATP à celle de la lutte pour les droits des femmes, que Nadia, syndiquée CGT a rappelé la nécessité pour les travailleurs et travailleuses de se réapproprier les organisations syndicales pour en faire des outils au service de celles et ceux qui luttent.

Dans le même sens, Anasse Kazib, militant Sud Rail et au NPA, a insisté sur la nécessité de « construire un rapport de force d’ampleur » tout en déplorant que « plusieurs organisations syndicales ne soient pas là, comment on peut ne pas venir soutenir Ahmed ? ».

Si certains ont brillé par leur absence, d’autres secteurs étaient présents comme les grévistes de l’Infrapôle SNCF Paris Nord, Fabien Villedieu de Sud Rail, des militants de la CGT Monoprix, de la CGT de la raffinerie de Grandpuits, l’ancien Conti Xavier Mathieu, l’inspecteur du travail réprimé Anthony Smith, ou encore Nathalie Arthaud pour Lutte Ouvrière, et les députés de la France Insoumise Mathilde Panot et Eric Coquerel.

Face à la décision de la RATP de révoquer Ahmed Berrahal, la bataille pour sa réintégration dans l’entreprise est celle de toutes celles et ceux qui luttent contre les politiques patronales, et les violences sexistes et sexuelles. Une bataille qui nécessite de montrer que derrière Ahmed, il y a tous les salariés de la RATP toutes étiquettes syndicales confondues, mais également toutes celles qui luttent contre les violences sexistes et sexuelles, comme Khadija, qui se bat contre la justice pour que son ex-conjoint soit condamné pour viol, venue en soutien à Ahmed et aux salariées de la RATP ce lundi.

Signer la pétition Tous Ahmed

 
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