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La Izquierda Diario
9 de août de 2021 Twitter Faceboock

Crise sanitaire
Face à la quatrième vague, lutter contre l’autoritarisme du gouvernement et pour une véritable stratégie sanitaire !
Mahdi Adi

Morgue pleine en Martinique, hôpitaux surchargés et Plan Blanc en Occitanie, PACA et en Corse : la 4ème vague est en marche. Alors que Macron tente d’en rejeter la responsabilité sur la population avec son pass sanitaire liberticide, il faut imposer des moyens pour une campagne de vaccination massive et pédagogique, et pour briser les chaînes de contamination.

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Au CHU de Fort-de-France en Martinique, les malades du Covid-19 en détresse respiratoire sont accueillis dans des tentes faute d’espace. Crédit photo : Lionel Chamoiseau / AFP

La quatrième vague de Covid-19 était annoncé depuis la fin du mois de juin par l’institut Pasteur. Malgré tout, la gestion de la crise par Macron se fait toujours dans l’urgence, à renforts de mesures autoritaires comme son pass sanitaire, dispositif liberticide qui vise à faire peser la responsabilité de la crise sanitaire à la population plutôt qu’au gouvernement. Ainsi en PACA, en Occitanie et en Corse le plan blanc a été activé la semaine dernière. Celui-ci est est symptomatique de la tension dans les hôpitaux, et vise à adapter les capacité d’hospitalisation aux besoins, en obligeant les soignants à revenir de congés, et en déprogrammant les opérations jugées non urgentes pour faire de la place aux patients victimes de formes graves du Covid-19.

Pendant ce temps, la Martinique et la Guadeloupe subissent les conséquences de la gestion coloniale de la crise sanitaire. Les taux d’incidence y sont supérieurs à 1.000 cas pour 100.000 habitants contre une moyenne de 226,1 cas pour 100.000 habitants sur l’ensemble du territoire français. Au CHU de Martinique « les décès sont si nombreux que la morgue de l’hôpital est encombrée » rapporte ainsiFranceInfo. A ce titre, les mesures prises par le gouvernement comme l’ouverture de 10 lits supplémentaires de réanimation par l’armée française en Martinique, ainsi que l’envoi de deux médecins et huit infirmières, ou encore le transfert de trois malades vers des hôpitaux en métropoles, apparaissent comme une goutte d’eau face aux besoins réels de la population.

Face à la nouvelle vague de Covid-19 et à la gestion catastrophique de la crise par le gouvernement, il s’agit donc d’opposer une perspective pour vaincre la pandémie.

5 millions de personnes à risque non vaccinées : avec le pass sanitaire le gouvernement veut masquer l’échec de sa campagne pour vacciner les plus fragiles

Le 18 juillet, l’Assurance Maladie décomptait 5 millions de non vaccinés souffrant au moins d’une pathologie, considérées comme des « personnes qui sont en situation à risque au moment où repart l’épidémie » par Dominique Martin, médecin-conseil national de la CPAM. Le directeur de l’Assurance maladie Thomas Fâtome a tenté de tempérer en indiquant dans Les Échos que ce chiffre « recouvre une part de pathologies qui n’emportent pas de risque direct vis-à-vis du Covid » comme « le tabagisme, près de un million de personnes, ou les traitements anti-dépresseurs », et qu’« il date du 11 juillet » arguant qu’« on est donc maintenant sur des chiffres inférieurs ».

Malgré tout, alors que l’âge reste le premier facteur de risques, plus de deux millions de personnes de plus de 65 ans n’ont reçu aucune injection, toujours selon Les Échos. Par ailleurs, L’Express qui a détaillé ces chiffres, indique que plus de 45% des personnes obèses et 40% des personnes souffrant de maladies respiratoires ne sont pas vaccinées non plus. Mercredi 21 juillet, Jean Castex lui-même reconnaissait que trois millions de personnes de plus de 50 ans et souffrant de comorbidités n’étaient « pas du tout immunisés ».

Si l’Assurance Maladie note une forte progression de la vaccination depuis les annonces de Macron le 12 juillet, son directeur affirmant que le chiffre de 5 millions « date du 11 juillet » et qu’« on est donc maintenant sur des chiffres inférieurs », le docteur Gérald Kierzek, interrogé dans Le Figaro, s’inquiète que le pass sanitaire « n’incite pas les bonnes personnes à se faire vacciner » et explique que « ce sont les jeunes pour lesquels la balance bénéfice-risque est la moins favorable qui le font » tandis que « ceux à risque (plus de 50 ans avec comorbidités, plus de 65 ans et obèses quel que soit l’âge) ne sont toujours pas vaccinés exhaustivement ».

Cette limite du pass sanitaire est redoublée par effets pervers du pass sanitaire qui « pourrai[en]t aggraver l’épidémie » selon le médecin urgentiste.

Face au variant Delta, la nécessité de briser les chaînes de contamination

Si la vaccination a prouvé son efficacité à 90% contre l’apparition de symptômes grave du Covid-19, des études réalisées en Israël montre que le vaccin Pfizer-BioNtech n’est efficace qu’à 39% pour empêcher les contaminations au variant Delta qui aurait une charge virale 1260 fois supérieure à la souche originale.

A ce titre, la stratégie du gouvernement qui mise tout sur une campagne de vaccination coercitive tout en renonçant à s’attaquer aux chaînes de contamination du virus est problématique et inquiète les spécialistes. Et pour cause, Olivier Véran a rappelé ces derniers jours que l’extension du pass sanitaire s’accompagnerait de la levée des gestes barrières dans les lieux de loisirs et culturels pour les titulaires du pass sanitaire. Il a également annoncé la fin de l’isolement de sept jours pour les cas contacts dès lors qu’ils sont vaccinés. Des mesures dont certains craignent qu’elles ne favorisent l’apparition de variants résistants au vaccin.

En effet, une étude parue dans Nature réalisée par des chercheurs issus de plusieurs pays européens explique qu’« alléger les gestes barrières, tels que le port du masque et la distanciation physique, à un moment où toute la population n’est pas encore vaccinée, accroît sensiblement le risque d’apparition de variants du coronavirus résistants au vaccin » note Le Monde. Ce phénomène répond à « la pression de sélection », qui désigne le développement de souche plus résistantes capables de s’adapter à un environnement plus compétitifs au sein d’une population qui a en partie acquis des anticorps contre le virus. Selon les chercheurs qui ont réalisé cette étude, une situation dans laquelle la population est vaccinée à plus de 60% mais n’a pas encore atteint l’immunité collective (au-delà de 90% de la population immunisée), est propice au développement de variants plus résistants aux anticorps et au vaccin.

Afin de favoriser la reprise économique et de faire accepter son pass liberticide, Macron est pourtant prêt à prendre des décisions qui vont favoriser dans les faits le brassage et les contaminations, et à ouvrir la voie à la potentielle apparition de nouveaux variants plus contagieux et plus résistants. A l’inverse, alors que le monde médical s’accorde à dire que le variant Delta est deux fois plus contagieux que la souche originale, il est urgent de prendre des mesures pour briser les chaînes de contamination, comme le maintien du port du masque à l’intérieur qui réduit au moins de 18 à 31% les risques d’infection, l’isolement des cas contacts vaccinés ou non, mais aussi la mise en place de systèmes d’aération efficaces. Ces derniers sont essentiels dans les lieux fermés tels que les écoles, cinémas ou trains, alors qu’il y a quelques mois un rapport de l’Inspection du Travail pointait les potentiels clusters dans les TGV du fait de l’absence de filtres à air efficaces.

Pass sanitaire et défiance vis-à-vis des politiques de santé publique

Cette inefficacité d’un pass sanitaire autoritaire totalement déconnecté d’une stratégie sanitaire rationnelle ne risque pas de convaincre ceux qui demeurent défiants face à la vaccination, dont ils déplorent parfois à raison qu’elle soit présentée comme une panacée. A l’image de Blanquer qui n’avait pas hésité à mentir ouvertement fin juillet en expliquant : « quand vous êtes vacciné vous ne risquez pas de contaminer les autres alors que si vous n’êtes pas vacciné vous faites courir ce risque. » Un mensonge total, mais qui s’inscrit dans la volonté du gouvernement de ne mettre l’accent que sur la seule vaccination.

Dans ce cadre, la mise en place du pass sanitaire n’a pas réglé les causes à l’origine de la non-vaccination des personnes vulnérables, en particulier chez les plus isolés et les plus précaires. Les mobilisations qui ont réuni à nouveau plus de 200.000 personnes en France ce samedi montre même que la nouvelle offensive autoritaire du gouvernement a pu accroître encore la défiance. Aux Antilles et dans les territoires d’Outre-mer, ces difficultés sont exacerbées par la gestion coloniale de la crise. L’Agence Régionale de la Santé à La Réunion expliquait par exemple dans un communiqué le 8 juillet que « plus de 37% des personnes de plus de 75 ans ne sont pas encore vaccinées à La Réunion, contre 17% seulement en métropole ».

De fait, la campagne de vaccination y a débuté un mois plus tard qu’en métropole, le nombre de doses de vaccins livrés par habitant est plus faible (38,2 doses pour 100 habitants, contre 54 en métropole), et surtout les mensonges d’État sur le chlordécone (9 antillais sur 10 sont contaminés par ce produit chimique utilisé massivement dans les plantations de banane) ont créé un terreau très favorable au sein de la population à la défiance vis-à-vis des politiques de santé publique en général et de la vaccination en particulier.

Une situation que le gouvernement n’a pas du tout cherché à résoudre, se contentant d’injonctions à la vaccinations doublées de mesures liberticides. Or, comme le note Jérôme Martin de l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament dans Basta Mag : « il existe des facteurs sociaux qui sont des freins à la vaccination, y compris dans la volonté ou pas de se faire vacciner ; car l’accès à l’information est aussi inégalement réparti. La Seine-Saint-Denis est un des départements les moins vaccinés, alors qu’il a été pourtant parmi les plus touchés par la première vague de l’épidémie en 2020. Ce n’est pas parce qu’il y aurait plus d’anti-vaccins en Seine-Saint-Denis, c’est parce que c’est une population qui, du fait notamment des revenus, aussi parfois à cause de la barrière de la langue, de l’exclusion de certains étrangers de la couverture maladie, est confrontée à des inégalités dans l’accès au vaccin. On connaît ces inégalités, elles sont parfaitement documentées. Les collectivités territoriales ont tenté de compenser cela, mais les moyens donnés par l’État ont été totalement insuffisants pour y faire face. Il n’y a pas de traducteurs pour appeler les gens, aucun relais directement sur le terrain. »

A l’inverse, pour combattre cette défiance amplifié par la gestion chaotique et autoritaire de la crise par le gouvernement, il serait essentiel de défendre la nécessité d’une campagne à destination des personnes non-vaccinées entre les mains des travailleurs et de la population. Une campagne basée sur la pédagogie que les syndicats et les associations de terrain pourrait prendre en charge de façon volontariste, en indépendance de la gestion autoritaire du gouvernement. Pour s’attaquer aux causes structurelles de la défiance, cette campagne devrait aller de pair avec la revendication de la levée les brevets et de la nationalisation sous contrôle des travailleurs et de la population des entreprises pharmaceutiques, pour que la santé ne soit plus une source de profits.

L’échec du « tester, tracer, isoler » : un symptôme de la casse néo-libérale des services publics et de la gestion capitaliste de la crise

Tous ces éléments pointent la nécessité d’une stratégie sanitaire cohérente, très loin de celle que le gouvernement a imposé, guidé par la nécessité de maintenir l’économie en marche. Une stratégie que l’on pourrait résumer en « prévenir, tester, tracer, isoler », et qui n’a rien à voir avec ce qui a été fait jusque-là.

A propos du traçage des variants, Samuel Alizon, directeur de recherche au CNRS en biologie de l’évolution interrogé par Marianne->https://www.marianne.net/societe/sciences-et-bioethique/sequencage-du-virus-pourquoi-cest-important-et-pourquoi-nous-sommes-nuls] explique : « Depuis des années, on traque la moindre dépense des scientifiques. Alors forcément, au début de la pandémie, tout le monde n’avait pas le matériel nécessaire pour le séquençage haut débit, loin de là ». Une situation qui explique le désarmement de la France concernant le séquençage du virus, essentiel pour traquer les variants. En ce sens, afin d’être en mesure de détecter l’apparition de ces nouveaux variants, il serait nécessaire de mettre des moyens à dispositions du système de santé publique et pour la recherche, grandes victimes de la casse des services publics ces dernières années.

De même, concernant le traçage et l’isolement des cas positifs et de leurs cas contacts, le manque de moyen alloué au dispositif mis en place avec l’assurance maladie fait qu’il est loin d’être en mesure de briser les chaînes de contamination. Par exemple le rétro-tracing qui consiste à remonter ces chaînes pour identifier de potentiels clusters et isoler les personnes co-exposées, est plus coûteux en moyens humains. En outre, la logique du gouvernement de laisser circuler le virus entre les moments de confinement tout au long de l’épidémie a drastiquement limité la possibilité de ce dispositif d’être efficace.La Caisse Nationale d’Assurance Maladie expliquait ainsi que « cet hiver, le niveau de contaminations était encore trop important pour permettre le déploiement de cette méthode, du fait de la charge importante que supposent les enquêtes ».

Pire, en mettant fin au remboursement des tests PCR sans ordonnance, le gouvernement va plus loin et s’apprête carrément à renoncer à tester, tracer et isoler les personnes contaminer afin de briser les chaînes de contamination. En effet, cette mesure freine l’accès au dépistage des personnes exposées ou contaminées, et réduit donc la possibilité de briser les chaînes de contamination par l’isolement et le traçage des cas contact.

Ainsi Macron poursuit sa gestion guidée par les intérêts économiques, au mépris des considérations des spécialistes de santé et des dangers encourus par la population. Une gestion qui explique la succession des vagues épidémiques, sans anticipation, et sans transformation profondes du système de santé alors que les soignants réclament depuis le début de l’épidémie des moyens supplémentaires, de même que les professeurs.

Alors que le pass sanitaire doit entrer en vigueur, et que le gouvernement tente par-là de faire oublier ses propres responsabilités dans la crise, il s’agit d’imposer par nos mobilisations une stratégie sanitaire par en bas, c’est-à-dire contrôler par les personnels soignants et la population, afin d’en finir avec l’épidémie pour de bon. Une telle stratégie doit avoir pour objectif pour tâche de mener une campagne de vaccination massive à commencer par les plus fragiles, fondée sur la pédagogie et non sur la répression, y compris en informant les secteurs les plus isolés et les plus précaires, tout en cherchant à briser les chaînes de contamination en se donnant les moyens de réellement tester, tracer et isoler.

Enfin, afin de vaincre une pandémie mondiale, une telle stratégie ne peut se cantonner au territoire national et doit imposer la levée des brevets sur les vaccins qui empêche les peuples sous domination d’accéder à la vaccination comme en Tunisie ou en Inde. Une situation qui favorise l’émergence de nouveaux variants et les drames dans des pays aux systèmes de santé déjà fragiles.

 
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