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12 de août de 2021 Twitter Faceboock

Solidarité !
Incendies en Algérie : crise écologique et politiques néolibérales à l’origine de la catastrophe
Abdennour Agrawli

Ces derniers jours, l’Algérie est ravagée par des incendies dans le cadre d’un été caniculaire. Si le gouvernement tente de pointer la responsabilité de prétendus pyromanes, ce phénomène est indissociable du dérèglement climatique et de la destruction des services publics. Une manière de dédouaner le régime de ses responsabilités à l’heure où le président Abdelmadjid Tebboune réaffirme ses orientations libérales.

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L’Algérie ravagée par de violents incendies

Depuis trois jours, l’Algérie est ravagée par de violents incendies causés par des feux dans une bonne partie de ses départements du nord, en particulier la Kabylie. Selon le Premier ministre, Aïmène Benabderrahmane, il y a eu plus de 70 incendies dans 18 wilayas (départements). Cette épreuve à laquelle fait face le peuple algérien, a causé 65 morts parmi les civils, les pompiers et les militaires, ainsi que des dégâts matériels titanesques.

Les températures maximales qui sévissent actuellement, avec près de 47 degrés dans le Nord du pays, région qui avait enregistré une multiplication de canicules quelques jours auparavant, ont créé la combinaison idéale pour la propagation des feux. Ces derniers ont vite surpris ceux qui habitent près des bois, comme c’est le cas en Kabylie, du fait de son relief montagneux, ce qui explique en partie la gravité des feux dans cette région.

Des plantations fruitières, du bétail, des milliers d’hectares de forêts mais aussi des maisons ont été consumés par la propagation de ces incendies. De nombreux habitants des différentes localités, menacés par les feux, ont été contraints de quitter leurs habitations comme c’est le cas des localités du département de Tizi Ouzou à l’image de Larbaa Nath Irathen, Aït Toudert, Akbil...etc. À Aïn El Hammam, une autre localité du même département, les feux ont failli calciner l’enceinte de l’hôpital. Ce drame a été évité grâce à l’intervention de la population. Plusieurs départs ont été également maîtrisés dans d’autres localités, notamment à Souk El Tenine dans le département de Bejaia. La hausse du mercure qui a atteint 52 degrés combinée à des vents forts ont rendu le travail des secours quasiment impossible.

Un élan de solidarité face à une situation liée au réchauffement climatique

Face à cette terrible situation, un élan de solidarité s’est vite déclenché pour venir en aide aux familles sinistrées comme le rapporte un reporter du Point. Des maisons, des écoles, des structures de jeunesse sont mises à disposition pour les centaines de familles sans-abris, mais aussi un acheminement des denrées alimentaires entre les différents départements du pays pour subvenir à leurs besoins. Une mobilisation et une auto-organisation à la base se sont constituées d’une manière spontanée dans les différentes localités pour faire face à la propagation des feux aux côtés des éléments de la Protection civile et de la Conservation des forêts ainsi que l’Armée nationale populaire.

Ce phénomène n’est pas nouveau en Algérie, l’année dernière près de 44.000 hectares de taillis sont partis en fumée. Ces incendies sont par ailleurs loin d’être un cas isolé. Plusieurs pays comme le Canada et les États-Unis, mais surtout les pays du bassin méditerranéen comme la Grèce, la Turquie, l’Italie et l’Espagne étaient ravagés eux aussi par des feux ces derniers jours.

De fait, ces incendies qui se multiplient à travers le globe sont associés à divers phénomènes anticipés par les scientifiques en raison du réchauffement de la planète. Comme le pointent les derniers rapports du GIEC, le dérèglement climatique va de pair avec des canicules extrêmes qui favorisent la diffusion d’incendies. De même, un récent rapport de l’ONU pointe le fait que la région méditerranéenne constitue un « point chaud » de la crise climatique. Comme le note l’AFP : « Selon ce texte provisoire, les températures devraient grimper plus vite autour de la Méditerranée qu’au niveau mondial au cours des prochaines décennies, pesant sur l’agriculture, la pêche et le tourisme. Des dizaines de millions d’habitants supplémentaires seront touchés par des pénuries d’eau accrues, des risques d’inondations côtières et des chaleurs potentiellement mortelles ».

Le gouvernement pointe du doigt une prétendue « main criminelle » pour mieux dissimuler le manque de moyens et la casse des services publics !

De son côté, le gouvernement a insisté sur une origine « criminelle » des incendies. Le ministre de l’Intérieur, Kamel Beldjoud a estimé que ces incendies avaient une origine humaine. « Cinquante départs de feu en même temps, c’est impossible. Ces incendies sont d’origine criminelle » a-t-il déclaré lors d’un déplacement à Tizi Ouzou. Une rhétorique qui s’appuie sur une réalité, puisque le bassin méditerranéen se caractérise par la prévalence de feux provoqués par l’homme, de façon volontaire ou non. D’ailleurs, des présumés pyromanes ont été arrêtés dans certaines localités d’après les autorités comme le rapporte l’AFP.

Pour autant, ce discours est très utile au gouvernement pour dissimuler ses responsabilités dans l’inefficacité de la lutte contre ce genre de catastrophes où les enjeux humains et climatiques sont étroitement imbriqués. Lors du Conseil des ministres tenu le 25 juillet dernier, la seule mesure prise par le gouvernement pour lutter contre d’éventuels déclenchements d’incendies a été répressive, en mettant en place une peine pour déclenchement d’incendie qui peut aller jusqu’à 30 ans de prison ferme, exclus de mesures de grâce, et à la perpétuité si l’incendie entraîne des décès.

Or, cette gestion punitive de la crise dissimule les conséquences des politiques libérales qu’a connu le service public en général et forestier en particulier, depuis une quarantaine d’années. Un service public dévasté par les politiques des gouvernements successifs et qui a des conséquences telles que le manque de pistes agricoles pour accéder facilement aux feux pour les sapeurs-pompiers, le manque de moyens matériels et humains pour ce secteur du fait des coupes budgétaires, l’absences de personnel dédié à l’entretien du domaine forestier, le manque d’hélicoptères et de bombardiers d’eau pour mieux maitriser les feux, le manque de budgets alloués aux collectivités locales pour pouvoir agir en conséquence dans ce genre de situation, le manque de moyens pour les petits paysans, l’ absence des politiques de développement local, le manque de campagnes de sensibilisation sur la question écologique, ou encore l’absence d’une politique de traitement de déchets qui finissent souvent brulés dans des décharges sauvages et peuvent ainsi déclencher des incendies.

La réponse répressive du gouvernement aux incendies a par ailleurs des conséquences funestes, en attisant la recherche de coupables à punir. Ainsi, un présumé pyromane qui s’est avéré innocent, a été lynché à mort ce mercredi dans la localité de Larbaa Nath Irathen. Djamel Bensmail, l’homme tué, était originaire de la commune de Miliana, dans la wilaya de Ain Defla, et était venu pour aider les habitants de la ville de Tizi Ouzou. Interpellé par la police, il a ensuite été livré à une foule complétement déchainée par la terreur des feux qui a brûlé son corps. Un crime ignoble qui est indissociable de la propagation d’idées complotistes dans certains secteurs de la société. Dans le cas de l’homme lynché, il semble que ce soit des indépendantistes kabyles qui ont été à la manœuvre, alors que ceux-ci mobilisaient ces derniers jours une rhétorique pointant la « main criminelle du pouvoir » dans la propagation des feux en Kabylie pour conforter leur idéologie raciste et réactionnaire.

L’orientation du gouvernement : de l’argent à flot pour l’oligarchie et les multinationales !

Alors que les incendies révèlent les conséquences de la destruction des services publics, lors de l’entrevue périodique aux représentants de la presse nationale du 9 août dernier, le président de la république, Abdelmadjid Tebboune s’est exprimé sur plusieurs sujets à savoir l’Armée, la diplomatie, le nouveau Gouvernement, le Maroc, mais surtout sur les nouvelles orientations économiques qu’il compte engager dans les prochains mois.

Or, celui-ci n’a rien annoncé de nouveau, si ce n’est le durcissement du cap des politiques libérales orchestrées par ses prédécesseurs depuis une quarantaine d’années pour asphyxier encore plus les classes populaires, et faire toujours plus de cadeaux à l’oligarchie et aux multinationales. En clair, une politique qui suit la même trajectoire que celles qui ont causé la casse du secteur public et qui explique en grande partie les conséquences de la pandémie et des feux qui ravagent le pays actuellement. Le Président a ainsi déclaré vouloir vendre des participations des entreprises publiques et des banques dans le cadre des « réformes économiques tant attendues ». Cette réforme du secteur névralgique de toute économie, vise à permettre aux institutions financières internationales de garantir aux multinationales et aux investisseurs étrangers, mais aussi à l’oligarchie algérienne, de pouvoir profiter de nouveaux marchés, en ayant la mainmise sur les 95% des avoirs bancaires dont disposent les banques publiques.

Tebboune a ajouté que les banques publiques ont accordé des prêts d’une valeur de près de 81 150 milliards de dinars algériens aux entreprises, qualifiant cela de « bon investissement ». Il ajoute : « le projet d’ouverture des entreprises publiques aux capitaux privés entend trouver des "solutions efficaces" et éviter la "gestion administrative ». Un discours qui donne une idée claire de l’objectif des crédits accordés, et qui apparaissent comme une façon de récompenser les patrons pour leurs actes « charitables » comme les miettes accordées au service public hospitalier pour acquérir des générateurs d’oxygène. Tout cela alors que la majorité de ces lignes de crédits d’investissement ne sont que de l’argent du trésor public (l’argent du peuple) transféré vers les entreprises à travers les banques.

Toutes ces mesures se feront au détriment des entreprises publiques qui sont de leurs côtés destinées à être vendues et privatisées quand elles ne servent pas à amortir des investissements que la bourgeoisie nationale est incapable d’assumer à son propre compte. C’est dans cette perspective que Abdelmadjid Tebboune a annoncé l’augmentation de l’allocation chômage. Rappelons-le, la mise en place de ce dispositif est survenue lors des grands licenciements des années 1990 suite au plan d’ajustement structurel imposé par le FMI qui a causé près d’un million de licenciements. Cette fois, cette mesure vise à préparer le terrain pour une nouvelle vague de licenciements qui vont se greffer aux 500 000 licenciements déjà enregistrés pendant la pandémie.

En ce sens, l’intégration de l’économie algérienne au capitalisme mondial ne signifie rien d’autre pour les masses populaires que la casse des acquis sociaux et démocratiques de l’indépendance nationale - à l’image de la casse de la médecine gratuite pour toutes et tous dont la pandémie a montré les conséquences - ainsi que du bradage des richesses au profit d’une minorité d’oligarques et des puissances impérialistes. Face à cette politique, c’est par la constitution des comités populaires avec les pompiers, le personnel de santé et l’ensemble des travailleurs que les masses populaires peuvent faire face à la catastrophe et construire la solidarité au niveau national et international pour mieux maitriser les feux et venir en aide aux familles sinistrés. Une mobilisation qui doit s’inscrire dans la perspective de faire barrage au rouleau compresseur capitaliste qui privent des millions de personnes de leurs droits élémentaires, afin de répondre aux besoins sociaux et démocratiques de l’ensemble des travailleurs et des classes populaires.

 
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