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La Izquierda Diario
20 de août de 2021 Twitter Faceboock

Crise en Afghanistan
Le Drian refuse de reconnaître le régime Taliban… jusqu’à quand ?
Pepe Balanyà

Les hésitations et la position attentiste du gouvernement français vis-à-vis du régime des talibans reflètent une difficulté à concilier les enjeux de la situation politique interne marquée par la préparation des présidentielles et les intérêts stratégiques en jeu actuellement en Asie Centrale.

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Cette semaine, avec un pragmatisme caractéristique de l’Etat Français quand il s’agit de défendre ses intérêts économiques et politiques à l’étranger, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves le Drian, n’a pas exclu un dialogue avec les talibans s’ils font « la preuve de respectabilité et honorabilité » et s’ils s’engagent dans un gouvernement « inclusif ». Sans surprise, comme au Tchad ou en Arabie Saoudite, l’Etat français est prêt à blanchir des régimes politiques réactionnaires tant qu’ils ne sont pas une entrave à ses intérêts impérialistes.

En effet, ce mardi, interrogé sur France Info, Jean-Yves le Drian déclarait : « C’est vrai que ce n’est pas la même génération, c’est vrai qu’ils sont entrés dans des négociations, en particulier avec les Etats-Unis. Ils déclarent vouloir acquérir respectabilité et honorabilité, c’est à eux d’en faire la preuve. Ils ont annoncé qu’ils respecteraient les droits acquis au cours des vingt dernières années en Afghanistan, il faut qu’ils le démontrent. Et la meilleure preuve serait de faire en sorte qu’il y ait un gouvernement de transition qui soit vraiment inclusif et représentatif ».

Alors que de nombreux témoignages afghans montrent que les pratiques répressives du régime n’ont pas changé malgré les communiqués des leaders taliban, les déclarations du ministre ont soulevé une indignation qui n’a pas tardé à être reprise hypocritement par l’ensemble de la classe politique. Ainsi Ian Boucard député LR (parti à l’initiative de la participation à cette guerre impérialiste de 20 ans qui a fini par renforcer les taliban et les conduire aujourd’hui au pouvoir) dénonçait sur Twitter l’ « Effondrement total de notre ministre des affaires étrangères qui nous explique que les talibans ont peut être changé… un gouvernement inclusif et pourquoi pas paritaire ? L’optimisme rime parfois avec la naïveté ». De son côté le leader du PS ironisait aussi sur son compte Twitter : « Avec la burqa mais sans le grillage… ». Pourtant à l’époque, le PS n’avait pas seulement appuyé l’intervention militaire en Afghanistan, mais sous le mandat d’Hollande, en 2014, l’Etat français ne semblait pas avoir de soucis avec le financement de Lafarge parl’Etat Islamique en Syrie.

À moins d’un an d’une élection présidentielle où le volet sécuritaire et « l’islamo-gauchisme » prennent les devants et alors que des images de répression en Afghanistan commencent à arriver, ces réactions ont poussé le gouvernement à reculer partiellement et à temporiser. Ainsi ce mercredi Le Drian a expliqué sur BFMTV que « la question de la reconnaissance [de l’Afghanistan] n’est pas une question d’actualité pour la France aujourd’hui ». En effet l’Elysée est dans l’attente. Comme l’exprimait le ministre des affaires étrangères sur un tweet publié aussi ce mercredi : « J’ai demandé que les Taliban démontrent par des actes qu’ils ont changé comme ils le disent. A eux d’en faire la preuve. La France se tient aux côtés du peuple afghan. ».

Ces hésitations ainsi que la position attentiste du gouvernement reflètent une difficulté à concilier les enjeux de la situation politique interne marquée par la préparation des présidentielles et le volet sécuritaire comme dit plus haut, et les intérêts stratégiques en jeu actuellement en Afghanistan.

La recette des puissances occidentales : du pragmatisme pour garder une influence et Afghanistan et en Asie centrale

La conférence de presse suite à la prise du pouvoir où les Taliban ont essayé d’afficher un profil plus modéré, n’était pas seulement un coup de communication, elle reflétait aussi la nécessité du régime d’assurer sa stabilité sur deux plans. D’abord en donnant des gages à la population des grandes villes qui a pu jouir d’un régime plus « ouvert » pendant l’occupation des Etats-Unis et ses alliés ; et plus important encore, la nécessité pour le régime d’avoir accès au financement international pour reconstruire une économie détruite après 40 ans de guerre et très dépendante. En effet le pays dépend à 75% du soutien international selon la Banque Mondiale.

Dans ce contexte où les pressions internationales qui touchent le régime Taliban se mélangent au retrait des États-Unis, l’enjeu actuel consiste à savoir si l’Afghanistan va s’aligner dans un bloc avec la Chine, le Pakistan, la Russie et l’Iran, qui sont déjà en pourparlers avec les talibans ; ou si l’Afghanistan adoptera une position plus neutre qui permettra aux pays occidentaux de garder une certaine influence sur le pays et l’Asie Centrale.

L’enjeu est de taille. L’Afghanistan occupe une position stratégique en Asie Centrale car sa position peut lui permettre de contrôler le flux des ressources naturelles de la région, qui est riche en pétrole, en gaz et en minéraux. Quant à lui, le pays est aussi riche en terres rares et minéraux comme le lithium qui sont des composantes centrales pour le développement des nouvelles technologies. La Chine n’a pas hésité à profiter du recul des États-Unis pour manifester son intérêt pour pacifier le pays et l’intégrer à l’initiative commerciale « Belt and Road », voire à l’Organisation de Coopération de Shanghai avec la Russie, l’Inde, le Pakistan, l’Ouzbékistan, le Kirghizistan et le Kazakhstan. Dans le contexte de polarisation avec la Chine, un scénario d’alignement de l’Afghanistan avec ces pays fermerait toute position des puissances occidentales dans l’Asie Centrale et, entre autres, affaiblirait les tentatives des États-Unis et leurs alliés de freiner l’ascension de Pékin.

 
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