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24 de août de 2021 Twitter Faceboock

La victoire des talibans ou le « moment Saïgon » des États-Unis en Afghanistan
Omar Floyd
Santiago Montag

A 20 ans de la chute des Tours jumelles et l’invasion de l’Afghanistan par les États-Unis pour faire chuter les talibans sous prétexte qu’ils hébergeaient le cœur du terrorisme international, le pays se retrouve paradoxalement dans la même situation qu’il y a 20 ans avec les talibans de nouveau au pouvoir.

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L’entrée des talibans à Kaboul constitue d’ores-et-déjà un fait historique, mais dont l’impact reste encore à mesurer. L’effondrement tragique de l’État afghan est devenu une réalité dimanche, avec l’entrée des talibans dans le palais de Kaboul. Elle a fait suite à une offensive dévastatrice mettant le gouvernement à genoux en un rien de temps. Les talibans contrôlent désormais l’ensemble du territoire, et les images apocalyptiques de l’aéroport international de Kaboul, envahi par les combattants islamiques, avec de l’autre côté l’armée américaine tirant sur les Afghans cherchant désespérément à fuir le pays, nous renvoient deux décennies en arrière.

Actuellement, les talibans contrôlent déjà plus de territoire que l’Émirat islamique d’Afghanistan, installé par les talibans et renversé en 2001 par l’opération "Liberté immuable" menée par les États-Unis, l’OTAN et ses alliés locaux de l’Alliance du Nord.

Depuis le début de leur offensive il y a deux mois, les talibans et autres groupes d’insurgés islamiques ont pris possession de plus de 200 districts (sur 410), et se sont emparés de 21 capitales provinciales sur les 34 que compte l’Afghanistan. Au cours de l’année 2021, au moins 5 500 personnes ont été tuées et blessées (principalement des femmes et des enfants) et 500 000 personnes ont été déplacées de leurs foyers, selon la Mission des Nations Unies en Afghanistan (MANUA).

La clé de ce retournement a été le retrait quasi unilatéral des États-Unis du théâtre des opérations. Laissant derrière eux un gouvernement faible, dépourvu de légitimité et divisé entre le président Ghani, le vice-président Abdullah Abdullah qui exerce des fonctions exécutives et les chefs de guerre encore influents, dont la plupart sont accusés de crimes contre l’humanité, comme l’ancien vice-président Abdul Rashid Dostum. Mais les États-Unis laissent également derrière eux 250 000 morts (parmi les civils, les soldats et les combattants talibans) et un pays dévasté dont le gouvernement dépend à 75 % de l’aide internationale et qui sombre à nouveau dans une probable guerre civile.

Pour les États-Unis, après 20 ans d’occupation militaire, l’évacuation de l’Afghanistan rappelle celle du Vietnam - bien qu’avec des différences historiques – et notamment l’épisode du retrait de Saigon. En effet, la guerre en Afghanistan a approfondit le déclin hégémonique relatif de l’empire américain, et a marqué l’échec de sa politique d’intervention militaire ainsi que l’échec du changement de régime et de la propagande (l’imposition) du « Siècle américain ». Une géostratégie conçue par les néoconservateurs pour le réaménagement régional de l’Asie centrale et du Moyen-Orient (comme ils l’ont poursuivi plus tard avec l’invasion de l’Irak) visant à empêcher le développement de puissances régionales (Chine et Russie notamment), matérialisée par la fondation de l’Organisation de coopération de Shanghai quelques mois avant la chute des tours jumelles le 11 septembre 2001 et l’invasion de l’Afghanistan. L’Afghanistan redevenait ainsi un pays clé dans la course au contrôle de l’Asie centrale.

L’avancée des Talibans

En février 2020, des négociations ont été ouvertes à Doha (capitale du Qatar) entre des diplomates américains et la délégation talibane dirigée par le mollah Abdul Ghani Baradar. De très brefs accords ont été signés, fixant trois axes à remplir dans un délai de quelques mois, selon les intérêts du président de l’époque, Donald Trump, et excluant le gouvernement afghan d’Ashraf Ghani.

Ces dernières semaines, une délégation dirigée par le vice-président Abdulah Abdulah - à la tête d’un prétendu "Conseil de réconciliation nationale", qui n’est apparemment qu’une simple chambre d’enregistrement - a amené le gouvernement civil afghan à participer à un nouveau cycle de négociations à Doha, dans l’intention de négocier un retrait "ordonné" de l’armée nationale afghane et de ses forces de sécurité. On ne sait pas clairement dans quelle mesure il existe un accord avec Ghani. La faiblesse de Kaboul suggère que les conditions de négociation restent sur les lignes fixées en février 2020 : les Talibans ne soutiendraient pas d’autres groupes djihadistes (Al Qaïda, l’État islamique Khorasan), des progrès seraient réalisés dans les négociations de paix avec le gouvernement officiel, et une date limite serait fixée pour le retrait des forces américaines et de l’OTAN sans attaques. En contrepartie, les talibans ont obtenu la libération de milliers de prisonniers.

Ces négociations se font cependant dans le cadre du rapport de force réel imposé sur le territoire afghan. Ainsi, la nouvelle administration de Joe Biden a modifié les délais fixés lors des négociations de l’année dernière, et a annoncé unilatéralement son retrait de la guerre la plus impopulaire de son histoire pour le 11 septembre de cette année. Une date qui fait coïncider le retrait des troupes avec l’anniversaire de l’attaque des tours jumelles, ajoutant ainsi une dose de symbolisme et d’épique à ce qui constitue clairement une défaite pour les américains. Alors que les négociations du haut commandement taliban s’engagent à tenir une feuille de route "responsable" qui respecte les droits fondamentaux des populations, des milliers de rapports d’abus et de violences ne cessent d’affluer. Cela montre qu’en réalité, soit la direction des talibans est déconnectées du corps de ses forces (composé de chefs tribaux intéressés), soit les négociations ne sont qu’une façade pour gagner du temps sur le territoire afghan.

Alors que les troupes américaines quittent le pays, y compris la base emblématique de Bagram, les talibans gagnent du terrain dans de nombreuses provinces : ils contrôlent déjà 21 capitales provinciales sur 34 avec une force estimée à 100 000 combattants. La plupart d’entre eux ont été conquis sans résistance. D’une part parce que les forces gouvernementales battent en retraite, désertent ou rejoignent les divisions moudjahidines dans un processus inverse des affrontements de 2001, lorsque les talibans ont changé de camp. D’autre part, parce que, face à la faiblesse de l’armée nationale afghane, les anciens des villages interviennent pour empêcher les massacres et une plus grande violence. Les populations les plus engagées dans l’occupation fuient vers des camps de réfugiés précaires, où l’on compte environ 300 000 personnes.

Depuis 2014, les talibans ont pris pied dans le nord du pays (ancien bastion de l’Alliance dite du Nord, une coalition anti-talibans qui a résisté à leur domination entre 1994 et 2001) et de là, ils se sont étendus au centre et au sud, établissant patiemment un siège de plus en plus serré sur Kaboul. Les dernières villes conquises par les talibans ont été Kandahar - la deuxième plus grande ville du pays, où le mouvement taliban est né en 1994 - Herat, Lashkar Gah, Ghazni et Pul-e-Alam, à seulement 150 km de la capitale. Les combattants talibans ont aussi conquis l’enclave nord anti-talibane de Mazar-i-Sharif, une ville dont l’organisation militaire est dirigée par le vétéran chef de guerre ouzbek Dostum (ancien chef de l’Alliance du Nord) et son armée personnelle.

Les conquêtes écrasantes des talibans dans les villes du nord, habitées par des Tadjiks et des Ouzbeks et dans d’anciens endroits qui constituaient des points d’appuis de l’invasion américaine en 2001, révèlent une nouveauté inquiétante. La stratégie des talibans dans le cadre de leurs offensives vers les centres urbains (dont beaucoup comptent plus d’un million d’habitants) a consisté à prendre d’abord le contrôle des zones rurales avant d’encercler leurs capitales, tout en sécurisant les villes et les passages frontaliers stratégiques. De cette façon, au niveau national, ils ont réussi à couper une grande partie des lignes d’approvisionnement de la capitale, Kaboul, faisant de sa chute une question d’heures.

Le retrait des États-Unis et de l’OTAN ?

L’arrivée des États-Unis en Afghanistan a inauguré le déclin hégémonique de la principale puissance mondiale. Il est intéressant d’observer les va-et-vient des administrations américaines en matière de politique étrangère. Ces mouvements répondent non seulement à la vision que les différentes administrations se font d’elles-mêmes en tant que "centre du monde libre", mais ils répondent également aux nécessités de la politique intérieure américaine. Ce fût le cas par exemple du raid mené à Abbottabad, au Pakistan, afin de capturer le chef d’Al-Qaïda de l’époque, Oussama Ben Laden.

Biden poursuit actuellement le retrait initié par Trump, et acte comme perdue la bataille pour l’Afghanistan, afin de concentrer le maximum de ressources sur le "pivot vers l’Asie" initié sous Obama. Cependant, les États-Unis, après avoir bombardé les positions des talibans ces derniers jours, enverront tout de même 3 000 soldats (au moment de la rédaction de cet article 1 000 soldats supplémentaires étaient envoyé à Kaboul pour former une force de 5 000 hommes) afin de sécuriser l’aéroport international de Kaboul et organiser l’évacuation du personnel de l’ambassade américaine, sans donner l’asile aux milliers d’Afghans qui tentent de fuir le pays.

Mais lorsqu’on a demandé au porte-parole du Pentagone, John Kirby, pourquoi tant de troupes étaient envoyées, il a répondu qu’il s’agissait d’une mesure de "préparation prudente", ajoutant : "Nous voulons nous assurer que nous avons suffisamment de troupes disponibles pour nous adapter à toute éventualité".

L’annonce de ce déploiement est intervenue le jour même où les talibans ont capturé la ville de Ghazni à 150 kilomètres de Kaboul. Alors que les puissances occidentales se préparent à partir, le bilan est tragique : des milliers de personnes sont mortes, des millions sont devenues réfugiées et des milliards de dollars de ressources ont été dépensés pour que l’Afghanistan se retrouve dans la même situation qu’il y a 20 ans.

Avec ces redéploiements de troupes actuels, l’armée américaine semblent vouloir éviter de revivre les scènes du 30 avril 1975 lors de la chute de Saigon, nom de la capitale du Sud-Vietnam de l’époque. En effet, la chute de Kaboul n’a pas été négociée et les États-Unis tentent désespérément de défendre l’intégrité de leurs conseillers, de leurs contractants diplomatiques et de protéger nombre d’informations et de documents sensibles. Pourtant il est d’ores et déjà acté que les américains ne parviendront pas à rapatrier l’ensemble de ces personnels et des alliés afghans qui ont collaboré à l’occupation américaine dans les temps impartis.

L’émergence des talibans et les zones d’influence

L’Afghanistan occupe une position stratégique en Asie centrale et est considéré comme un "État pivot", qui pourrait contrôler le flux des ressources naturelles de la région, riche en pétrole, en gaz et en minéraux (lithium notamment). Pour cette raison, elle a été convoitée par plusieurs empires au cours de l’histoire, qui furent repoussés à plusieurs reprises par les peuples de la région afghane.

Comme l’explique Gabriel Merino, sociologue et chercheur au CONICET (équivalent du CNRS en Argentine), l’Afghanistan est un État tampon qui est apparu dans le Grand Jeu du XIXe siècle entre l’Empire britannique et ses possessions coloniales en Inde, qui cherchait à pousser vers le nord en direction de l’Asie centrale, et l’Empire russe, qui cherchait un débouché vers l’océan Indien. Cet affrontement a été décisif dans la délimitation de ses frontières. Tout au long du XXe siècle, le pays s’est trouvé à la croisée des chemins entre les intérêts de puissances régionales telles que l’URSS, le Pakistan et la Chine, ce qui a entraîné une instabilité constante, des modernisations limitées et des changements de régime politique.

En 1978, une République populaire pro-soviétique est mise en place. Celle-ci tente d’imposer une nouvelle structure politique et sociale - qui, tout en développant le pays dans certains domaines tels que la santé, l’agriculture, l’industrie et l’éducation - a sous-estimé l’importance des intérêts tribaux et des traditions religieuses des peuples. Cela a entraîné des soulèvements contre le gouvernement pro-soviétique, qui ont rapidement conduit à une intervention de l’URSS pour empêcher l’effondrement de l’État afghan. Cette intervention avait pour but d’éviter l’émergence d’autres soulèvements en Asie centrale et de réaffirmer le rôle de l’URSS comme puissance régionale. Et ce dans un contexte où à la frontière de l’Afghanistan, dans la toute récente République islamique d’Iran, un processus révolutionnaire venait de renverser la monarchie pro-occidentale du Shah Reza Pahlavie et ouvrait ainsi la voie à une intervention américaine.

L’occupation a donné aux moudjahidines (« guérillas islamiques »), comme le dit Ezekiel Kopel, « un récit de résistance pieuse presque rêvée (...) Le djihadisme afghan a été renforcé par le récit de la confrontation avec des étrangers envahisseurs, mais il est aussi l’enfant bâtard des dysfonctionnements et des divisions inhérents à ces sociétés ».

De leurs côtés, la République islamique d’Iran et son leader, le clerc chiite Rouholla Khomeini, ont changé la situation au sein de l’Islam, en radicalisant les positions des tendances rigoristes sunnites telles que le wahhabisme, dominant en Arabie saoudite et qui cherchait à reprendre l’initiative et à contrer l’influence perse. La monarchie saoudienne a ainsi commencé à financer des centres d’études islamiques au Pakistan, en Égypte et dans d’autres pays de la région.

C’est alors que sont nés les premiers moudjahidines qui ont combattu l’URSS en Afghanistan (1979-1989) avec le soutien de la CIA et de son homologue pakistanais, l’Inter-Services Intelligence Directorate (ISI), ainsi que des troupes chinoises. Pour ces différents acteurs, il était essentielle de contrer l’influence de l’URSS en Asie centrale, et celle de nombreux mercenaires et fanatiques religieux venus de tout le monde islamique.

Les Talibans se sont formés en 1994 suite au retrait des troupes soviétiques (1989) et après l’expulsion de ce qui restait du gouvernement laïc (1992). Il s’agissait d’une faction ultra-orthodoxe des moudjahidines dirigée par le religieux Mullah Omar. Ils ont été rejoints par de jeunes membres de tribus pachtounes qui ont étudié dans des madrassas ou séminaires pakistanais financés pour la plupart par l’Arabie Saoudite. Le mot "taliban" signifie d’ailleurs "étudiants" en pachtoune. Les Pachtounes vivent en grande majorité en Afghanistan et constituent le groupe ethnique prédominant dans une partie importante du sud et de l’est du pays. Ils représentent également un groupe important dans le nord et l’ouest du Pakistan.

Nous pouvons définir les Talibans comme un mouvement nationaliste ethno-religieux bourgeois. L’objectif de ce mouvement est de reconstruire un Afghanistan fort à partir d’un passé fantasmé, et des schémas de pouvoir et de commerce ancrés régionalement. Les Talibans revendiquent également la capacité pour l’Afghanistan de défendre ses propres intérêts surtout au niveau local. L’émergence de cette force religieuse obscurantiste et « anti-moderne » est aussi bien le produit des contradictions internes à la société afghane, que le produit de la politique stalinienne soviétique et de l’impérialisme américain.

Le mouvement a attiré un certain soutien populaire à l’ère post-soviétique en promettant la stabilité et l’état de droit après quatre années de conflit (1992-1996) entre des groupes rivaux de moudjahidines. En novembre 1994, les talibans sont entrés dans Kandahar pour pacifier cette ville du sud déchirée par les conflits. Et en septembre 1996, ils ont pris la capitale, Kaboul. Cette année-là, les Talibans ont déclaré l’Afghanistan émirat islamique, reconnu par le Pakistan, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, et étaient également en pourparlers avec d’autres pays, dont la Chine. A cette période, le régime contrôlait près de 90 % du pays avant son renversement en 2001.

Les talibans ont alors imposé une justice rigide tout en consolidant leur contrôle territorial. La jurisprudence talibane s’inspire du code tribal pachtoune préislamique et des interprétations de la charia alimentées par les doctrines wahhabites des madrasas saoudiennes. Le régime taliban a délaissé les services sociaux et d’autres services publics de base de l’État, tout en interdisant des comportements que les talibans considéraient comme non islamiques. Les femmes devaient ainsi porter des burqas de la tête aux pieds, la musique et la télévision étaient interdites et tout homme dont la barbe était jugée trop courte était emprisonné.

Depuis que les États-Unis sont arrivés en Afghanistan avec le prétexte douteux de démanteler les réseaux terroristes internationaux, les talibans ont résisté aux opérations de contre-insurrection menées par l’alliance militaire la plus puissante du monde, l’OTAN, et par trois administrations américaines, ainsi qu’à une occupation militaire qui a atteint jusqu’ à 130 000 hommes en 2011.

L’Asia Foundation a constaté en 2009 que la moitié des Afghans, principalement les Pachtounes et les Afghans des zones rurales, sympathisaient avec les groupes armés opposés au gouvernement, principalement les Talibans. Le soutien des Afghans aux talibans et aux groupes alliés est dû à l’échec des institutions étatiques mises en place avec le soutien impérialiste.

Mais en 2019, une réponse à la même enquête a révélé que seuls 13,4 % des Afghans sympathisaient avec les talibans. Lorsque les pourparlers de paix intra-afghans se sont enlisés au début de l’année 2021, une majorité écrasante de personnes interrogées a déclaré qu’il était important de protéger les droits des femmes, la liberté d’expression et la constitution actuelle basée sur une République islamique mais qui autorise divers droits sociaux et politiques. Ces données montrent que le gouvernement taliban risque bien de manquer de légitimité dans les territoires qu’il occupe.

La nouvelle course pour l’Asie centrale ?

L’avancée accélérée des talibans après le retrait des forces américaines a alerté Pékin et Moscou, qui ont dû s’engager auprès des islamistes pour conclure des accords de coexistence de base et de sécurité le long de leurs frontières respectives.

La Chine a ainsi fait part de son intérêt pour « pacifier » le pays et l’intégrer à l’initiative "Belt and Road", voire à l’Organisation de coopération de Shanghai. À cet égard, la Russie et la Chine ont récemment mené des exercices militaires conjoints à Ningxia, une province de l’ouest de la Chine proche du Gansu et du Xinjiang, cette dernière étant limitrophe des pays d’Asie centrale et abrite plus d’un million de musulmans ouïgours, dont des milliers sont emprisonnés dans des camps de concentration et potentiellement radicalisés par la situation régionale. Partageant une frontière étroite avec l’Afghanistan, Pékin prend des mesures qui semblent montrer l’intérêt de Xi Jinping pour conclure de possibles accords avec les talibans dans le but de freiner les mouvements séparatistes dans ces régions de la Chine.

Alors que le Pakistan est actuellement confronté à l’activité de groupes islamiques radicaux sur son propre territoire, le pays va sans doute chercher à consolider son influence en Afghanistan afin de garantir des projets économiques vitaux mis en place dans le cadre du corridor économique Chine-Pakistan (CPEC).

Depuis janvier de cette année, des diplomates iraniens se sont également entretenus avec des dirigeants talibans. Ces derniers ont été reçus à Téhéran par le ministre iranien des Affaires étrangères, Javad Zarif, et le secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale, Ali Shamkhani. Les discussions ont porté sur la nécessité de former un « gouvernement inclusif » en Afghanistan et sur les questions de sécurité liées au trafic de drogue et à la violence générée par les groupes séparatistes baloutches présents à la frontière de des deux pays.

Les perspectives du théâtre afghan

La victoires accélérée des talibans s’inscrit dans un contexte mondial particulier, marqué par le déclin relatif de l’hégémonie américaine, qui conserve une suprématie mondiale incontestée. Cette défaite vient donc davantage saper l’hégémonie américaine. Selon les analystes, les scénarii possibles pour le théâtre afghan sont les suivants : dans un avenir immédiat, on peut penser à une aggravation du conflit civil et à une situation de fragmentation territoriale dans laquelle des tendances opposées émergent au sein des Talibans. Exprimant les brutales différences régionales, tribales, ethniques et religieuses qui caractérisent le paysage afghan.

Un tel contexte sera propice à l’établissement de zones d’influence par la Chine, le Pakistan, l’Inde, la Russie et l’Iran, semblables à celles établies en Syrie après la guerre civile. La mise en place d’un gouvernement d’ « unité nationale » qui viendrait contenir, au moins partiellement, la violence entretenue par l’énorme fragmentation d’intérêts entre différentes puissances, est un scénario beaucoup moins probable. Un tel gouvernement nécessiterait un plan de financement global permettant de remplacer les revenus issues de l’économie illégale (pillages, enlèvements, trafic d’êtres humains, armes et drogues) qui constituent aujourd’hui la principale source revenu tant pour le gouvernement afghan que pour les talibans.

Enfin, il est également possible que les talibans maintiennent leur unité interne, obtiennent un minimum de soutien international et parviennent à établir une administration stable, moins corrompue et fragmentée que l’actuelle. Cela constituerait, selon Ezequiel Kopel, « la véritable défaite des États-Unis » montrant qu’une bande de fanatiques avec une idéologie ancrée au VIIe siècle peut être plus efficace dans l’administration et la gestion de la violence que les gouvernements fantoches imposés par l’impérialisme.

La tragédie de l’Afghanistan doit être suivie de près par les travailleurs et les socialistes du monde entier. Lutter pour le retrait de toutes les troupes impérialistes qui ne profiteront qu’aux mêmes alliés et qui n’ont rien à voir avec les intérêts du peuple travailleur afghan, et lutter pour empêcher que d’autres catastrophes et interventions de ce genre ne se produisent est donc une nécessité.

 
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