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La Izquierda Diario
6 de septembre de 2021 Twitter Faceboock

Menace sur les droits des femmes
Lois anti-avortement : après le Texas, le danger d’une offensive généralisée contre les droits des femmes
Adrien Belarc

La semaine dernière, l’État du Texas a promulgué une loi anti-avortement avec le consentement de la Cour Suprême des États-Unis. Un précédent qui met en danger le droit fondamental des femmes à disposer de leur corps et qui fait de l’avortement un privilège de classe.

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Crédits photo : Sergio Flores - AFP

Nous en parlions ici la semaine dernière, l’État du Texas a promulgué une loi restreignant l’accès à l’avortement à seulement six semaines de grossesse, un temps durant lequel la plupart des personnes enceintes ne le savent pas encore pour des raisons diverses comme le retard des règles, les délais des prises en charge médical ou encore pour cause d’aménorrhée. Plus précisément, cette loi rend illégal tout avortement si le médecin détecte — ou n’arrive pas à détecter — une activité cardiaque chez l’embryon, ce qui arrive généralement au bout des six semaines de grossesse et donc plusieurs mois avant de devenir un fœtus. Cette mesure devrait barrer l’accès à 85 % du chiffre des avortements légaux actuellement pratiqués au Texas.

À cela s’ajoute une caractéristique unique et dangereusement liberticide de cette loi, le recours direct à la « vigilance » des citoyens texans qui sont encouragés à dénoncer les femmes qui iraient se faire avorter au-delà du délai de six semaines avec comme récompense à la clef un somme de dédommagement d’un montant d’environ 10 000 dollars (8 500 euros). Cette récompense menace aussi les personnes qui viennent en aide à ces femmes. Dans un article pour The Guardian, la juge Sonia Sotomayor déclare que : « Dans les faits, la loi texane confère à ses citoyens le statut de "chasseurs de primes", en leur offrant de l’argent en échange de la répression de la santé de ses voisins ».

Une attaque contre les femmes et les classes populaires

Avant le passage de cette loi, l’accès à l’avortement était déjà un processus compliqué dans l’ensemble du pays. En 2017, il y avait 1 587 établissements qui pratiquaient des IVG, un nombre déjà en baisse par rapport à 2014 où le pays en comptait 1,671 (baisse de 5 %). Durant la même année l’institut Guttmacher dénombrait que 89 % des comtés ne possédaient aucune clinique spécialisée. De la même manière, au Texas en 2017, ce chiffre s’élevait à 96 %.

Aujourd’hui, les conséquences de cette loi font que pour se faire avorter, toutes les texanes ne sont pas logées à la même enseigne. Les plus riches pourront se déplacer d’un État à l’autre sans problème alors que les restrictions sont plus fortes pour le reste de la population. En premier lieu, ce sont les femmes migrantes en situation irrégulière qui sont en danger. Les contrôles d’identité aux frontières leur font risquer l’arrestation et l’expulsion du territoire. Ensuite ce sont les classes populaires, principalement issues des populations noires et sud-américaines, qui sont touchées dans leur ensemble. Ces lois obligent donc les plus précaires à se mettre dans des situations de danger en ayant recours à des avortements illégaux.

Roe V. Wade : un château de cartes soumis aux intempéries

Cependant, cette législation n’est pas un éclair dans un ciel serein. Depuis 2010, l’accès à l’avortement aux USA n’a cessé de se faire attaquer avec une augmentation des lois visant à le restreindre. Entre Janvier 2011 et Juin 2019, c’est environ 483 nouvelles restrictions qui ont été mis en place. Dans la plupart des cas, il s’agissait de lois posant une myriade d’obstacles cherchant à dissuader les femmes d’avorter comme la nécessité de l’accord parental pour les mineurs, des campagnes politiques anti-avortements, des baisses de subventions ainsi qu’un nombre incalculable de règles imposées aux établissements pratiquant l’avortement.

La particularité du Texas est qu’il s’agit d’un coup déstabilisant pour l’arrêt Roe v. Wade, responsable de la légalisation de l’avortement en 1973 et qui agit comme rempart juridique face aux attaques contre ce droit fondamental. Déjà en 2018, l’État du Mississippi était menacé par une loi antiavortement de la même trempe. À cette occasion, le juge Carlton W. Reeves déclarait dans une interview : « L’État a décidé de faire passer une loi dont il connaissait l’anticonstitutionnalité dans le but de répondre à une campagne en cours depuis une dizaine d’années menée par des groupes aux intérêts nationaux, dans le but de demander à la Cour Suprême de renverser le décret Roe v. Wade ». Cette déclaration fait référence aux différents positionnements de l’ancien président Donald Trump, appuyé par les évangélistes américains, ayant nourri sa campagne de 2016 de déclarations anti-avortement, donnant ainsi un fil de continuité à son mandat avec la mise en fonction de Amy Coney Barrett aux côtés de Neil Gorsuch et Brett Kavanaugh, les trois agissant comme des atouts de la politique trumpiste d’affaiblissement du Roe v Wade.

Avant cela, des tentatives similaires ont eu lieu dans le Kentucky, dans l’Arkansas, dans l’Iowa etc.. Ici, c’est exactement cette situation qui se déroule sous nos yeux. Avec le laissez-passer de la Cour Suprême, un précédent a été créé et ouvre la voie à d’autres attaques dans les autres États du pays. Il est ainsi clair que la suppression de l’amendement Roe V. Wade ferait l’effet d’un départ de feu auquel rien n’empêche de dévaster l’ensemble des acquis des mouvements féministes américains.

De leur côté, les démocrates américains combattent ce début de feu de forêt avec des verres d’eau. Nancy Pelosi déclarait d’ailleurs il y a peu qu’il n’était pas obligatoire d’être pour l’avortement pour être démocrate. Bernie Sanders lui se défendait en 2017 de mener la campagne de Heath Mello, candidat pour les municipales d’une ville du Nébraska qui a présenté plusieurs fois des lois anti-avortements lors de sa carrière. Joe Biden, de son côté, s’est contenté de déclarer qu’il chargeait le Département de la Santé de la Maison Blanche « d’envisager par quels moyens le gouvernement fédéral pourrait assurer l’accès à des avortements légaux et sécurisés ». Pour l’instant, rien n’est dit des mesures concrètes préservant les femmes texanes — et plus largement américaines — des politiques anti-avortements.

Contre cette offensive, la seule solution c’est l’organisation !

Non seulement il s’agit d’une démonstration concrète de la fragilité du droit des femmes à disposer de leurs corps et de leurs projets de vie, mais aussi de l’anti-démocratie qui réside au cœur même des institutions américaines. Les droits des exploités et des opprimés sont laissés aux mains de membres non-élus de la Cour Suprême qui disposent de mandats à vie. De la même façon, il est significatif que depuis janvier 2021, les États les plus virulents contre le droit à l’avortement soit aussi ceux qui mènent le plus d’attaques contre les personnes transgenres.

Face à ce processus qui menace de supprimer nos droits démocratiques les plus élémentaires, Révolution Permanente et le collectif Du Pain et des Roses expriment leur solidarité envers les femmes et les LGBTI aux États-Unis, et se joint à l’appel de Left Voice, notre organisation sœur. Pour gagner et défendre le droit de disposer de nos corps et de nos vies, nous devons nous organiser et lutter massivement dans la rue !

 
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