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La Izquierda Diario
14 de septembre de 2021 Twitter Faceboock

Un million de voix pour le Front de Gauche et des Travailleurs – Unité
Argentine. Derrière les scores de la gauche révolutionnaire, une mobilisation par en bas
Claude Piperno

Le résultat des élections primaires qui se sont tenues ce dimanche n’en finissent pas de faire la une des médias en Argentine. Parmi l’un des thèmes les plus discutés sur les plateaux, le score du Front de Gauche et des Travailleurs – Unité, la coalition de la gauche révolutionnaire qui arrive en troisième position au niveau national avec 6%, un peu plus de un million de voix, son meilleur score depuis 2011, date de sa création.

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Le gouvernement péroniste de centre-gauche a encaissé un sacré coup, dimanche soir, à l’issue d’une intense journée électorale qui est la première étape avant la tenue des élections législatives et sénatoriales de mi-mandat qui se tiendront en novembre. Le score des justicialistes dégringole de près de vingt points par rapport aux présidentielles de 2019, qu’ils avaient pourtant remportées dès le premier tour. De son côté, la droite arrive en tête, au niveau national, avec 40,5%.

Une Argentine qui bascule à droite ?

Il serait néanmoins faux d’analyser cette séquence électorale comme l’expression d’un virage à droite dans le pays. En effet, non seulement elle récolte deux millions de voix en moins par rapport aux élections de 2019 mais avec 6%, soit un peu plus d’un million de voix, on retrouve en troisième position le Front de Gauche et des Travailleurs – Unité, qui réalise des scores encore plus importants, localement, avec des pointes à plus de 20% dans le Nord du pays.

Pour ce qui est de la contreperformance sans appel de la coalition gouvernementale, Myriam Bregman, qui se présentait sou les couleurs du FIT-U dans la capitale où elle a fait 6,23%, l’explique à un double niveau : « ce gouvernement s’est montré extrêmement lâche vis-à-vis des riches. (…) Chaque fois que la droite a montré ses muscles, il a reculé. Quand cela se combine avec ces privilèges des politiciens [en l’occurrence des scandales à répétition, en lien avec la gestion catastrophique de la pandémie, mais pas uniquement], étalés de façon obscène, alors clairement il est impossible de faire un bon résultat et c’est ce qui fait que la droite apparaisse comme la grande gagnante alors qu’elle fait plus ou moins la même quantité de voix [qu’en 2019] ». Par ailleurs, continuait-elle lundi soir, invitée à l’antenne de l’un des principaux programmes de C5N, « le FMI écrase le pays, les mesures d’austérité appliquées par [Martín] Guzmán [le ministre de l’Economie] font que la droite relève la tête. Voilà les explications des résultats. Cela fait partie des mesures politiques adoptées par le gouvernement : il a réduit les prestations sociales, les salaires sont au plus bas [depuis 2015], le salaire réel est en chute libre pour la quatrième année consécutive. Dans ce cadre, pourquoi voter pour la coalition gouvernementale ? »

Cela ne signifie donc pas pour autant que la droite aurait le vent en poupe. En témoignent les scores de l’extrême gauche trotskyste. Comme le mettait en avant Nicolás Del Caño, figure de proue du FIT-U, toujours sur C5N, « aujourd’hui, l’extrême gauche est la troisième force politique au niveau national, et c’est un message très clair ». Malgré un certain blackout médiatique au cours des semaines précédant les élections, les principaux journaux et chaines de télévision ont dû se rendre à l’évidence comme le montrent les multiples éditos et articles qui ont souligné le très bon score des anticapitalistes qui n’est jamais que la confirmation de la montée en puissance de la gauche révolutionnaire en Argentine depuis la fondation du FIT-U, en 2011.

Une campagne militante et par en bas

Le million de voix s’explique par le fait, toujours selon Del Caño, que « de nombreux secteurs ouvriers, du monde du travail, sont très en colère contre le gouvernement et ont appuyé le FIT-U ». Cela ne s’est pas uniquement traduit sur le plan électoral, mais au niveau d’une participation active à la campagne menée par le FIT-U dans laquelle se sont impliqués de nombreux travailleurs et travailleuses du rang qui ont choisi de faire le pas et de rompre avec le justicialisme, tuteur et référent historique du monde du travail et des classes populaires en Argentine depuis plus d’un demi-siècle : c’est dire à quel point les résultat de ces élections, pour la gauche révolutionnaire, sont historiques et révélateurs de mouvements de fond s’ils venaient à se confirmer en novembre.

Ce dimanche, le FIT-U ne présentait pas seulement plusieurs militantes et militants qui ont été aux avant-postes des luttes qui ont parfois réussi à briser le carcan imposé par la bureaucratie syndicale et des mouvements sociaux, liée au gouvernement péroniste, à l’instar des travailleurs de la santé et de l’éducation, dans la province de Neuquén ou de Buenos Aires, des travailleurs de l’industrie vinicole et fruitière, à Mendoza et Tucumán ou encore ceux des transports dans certains secteurs industriels qui ont connu une certaine agitation au cours des derniers mois. Pour pallier les tentatives de fraude et s’assurer de la comptabilisation de l’ensemble des bulletins d’extrême gauche, les militants et, surtout, les sympathisants du FIT-U, souvent rencontrés dans le cadre des mouvements sociaux, se sont relayés dans les moindres bureaux de vote après avoir mené, de concert, une campagne militante et par en bas pendant plusieurs semaines.

Des résultats à deux chiffres

C’est ce qui explique les très bons scores enregistrés dans plusieurs circonscriptions électorales du pays. A Neuquén, en Patagonie, où se trouvent plusieurs usines récupérées et sous contrôle des travailleurs, à l’instar de Zanon, le FIT-U fait mieux qu’en 2019 et se hisse à 8%, avec des pics à 10% dans certains quartiers populaires de l’ouest de la capitale provinciale ou des localités de l’intérieur comme Centenario, Plottier ou encore Cutral Co, l’un des berceaux du mouvement piquetero, au milieu des années 1990. A Buenos Aires, le FIT-U fait un peu plus de 6,2%, du jamais vu dans l’histoire électorale de la capitale. Ce chiffre atteint même 10% si l’on ajoute aux scores du Front ceux de Luis Zamora, autre candidat d’extrême gauche qui se présentait en dehors du FIT-U, et ceux des autres listes d’extrême gauche qui n’ont pas dépassé le seuil des 1,5% pour pouvoir se présenter aux élections générales de novembre. Ces forces devraient, selon toute logique, appeler à voter pour Myriam Bregman qui pourrait ainsi faire son entrée au Congrès.

Le FIT-U fait également 9,4 et 7,8% dans les provinces de Chubut et de Santa Cruz, dans le Sud du pays, ou encore près de 5% et 4,3% dans les provinces de Mendoza et de Córdoba. Dans la province de Buenos Aires, qui concentre 40% de l’électorat du pays, absolument centrale pour les équilibres politiques et sociaux, le FIT-U a fait 5,2%, avec des pointes avoisinant parfois les 10% dans le grand cordon industriel de la capitale, dans les localités de Merlo, La Matanza, Almirante Brown, Moreno, José C. Paz, Malvinas Argentinas, Florencio Varela, Echeverría, Berisso ou encore Presidente Perón où s’est déroulé le mouvement pour la terre et le logement de Guernica qui a défrayé la chronique en octobre 2020 en raison de la répression qui s’est abattue sur les 1400 familles qui occupaient les terrains. Le score le plus important et emblématique est bien entendu celui obtenu à Jujuy, l’une des provinces les plus pauvres du pays, où Alejandro Vilca, éboueur, l’une des principales personnalités militante de la région, a fait 23,6%.

Se préparer pour les combats à venir et accélérer la rupture du monde du travail avec le péronisme

L’ensemble de ces résultats sont donc le reflet d’une campagne à laquelle ont adhéré et participé des secteurs importants du monde du travail, de la jeunesse et des classes populaires. Face à la droitisation et au raidissement du péronisme au pouvoir, le FIT-U, selon Bregman, « a dit "non ! nous allons nous opposer au renforcement de l’armement de la police, nous allons nous battre pour la journée de six heures pour qu’il y ait du travail pour toutes et tous, nous allons dénoncer le pacte mortel passé avec le FMI qui coule le pays". Et le soutien dont nous avons bénéficié a à voir avec tout cela ».

Le défi, aujourd’hui, à partir de ces résultats du FIT-U, est non seulement de préparer les batailles à venir, contre le programme austéritaire de Fernández et Kirchner, mais plus stratégiquement, comme le met en avant Christian Castillo, membre de la direction nationale du PTS, « de structurer toute cette force militante pour que le monde du travail en finisse avec l’idée du [centre-gauche] comme d’un moindre mal et dépasse son expérience avec le péronisme ». Les élections générales du 12 novembre pourraient représenter une nouvelle étape dans cette perspective afin de consolider, voire de renforcer, le groupe parlementaire trotskyste au Congrès.

 
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