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La Izquierda Diario
30 de septembre de 2021 Twitter Faceboock

Violences sexistes et sexuelles
Trafic sexuel, kidnapping, travail forcé : le chanteur R. Kelly condamné suite à #MeToo
Gabriella Manouchki

Aux États-Unis, la condamnation du très célèbre chanteur R.Kelly retentit comme un coup de tonnerre, marquant une nouvelle victoire du mouvement #MeToo. Si la peine définitive ne sera prononcée qu’en avril prochain, la star du R&B risque la prison à vie en raison des nombreux crimes sexuels, notamment pédophiles, dont il est accusé sur une période de plus de 30 ans et qui, sous la pression de la rue, ne peuvent plus aujourd’hui être ignorés par la justice.

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Photo : AFP - SCOTT OLSON

Cet article fait état de violences sexuelles, sa lecture peut être difficile.

Le procès du « système R. Kelly »

Auteur du tube « I Believe I Can Fly », incontournable classique des soirées américaines, R. Kelly risque la prison à vie à l’issue d’un procès de plusieurs mois durant lequel neuf femmes et deux hommes l’ont accusé d’une série de crimes sexuels des plus terrifiants, incluant « exploitation sexuelle de mineurs », « kidnapping » et « travail forcé ».

À la barre du tribunal de Brooklyn à New York, de nombreux témoins dont une grande partie de victimes mais aussi d’employés, racontent le traumatisme de leur confrontation au « système R. Kelly » : toute une logistique de prédation mise en place par ce grand ponte du showbiz pour assouvir ses fantasmes sexuels misogynes et pédophiles en toute impunité.

Parmi la vingtaine de témoignages récoltés par les procureurs pour l’État de New Yok, celui de Sonja* rapporté par Mediapart illustre la violence de ce système : ayant obtenu un simple rendez-vous pour interviewer R. Kelly afin de booster son début carrière de journaliste, la jeune femme de 21 ans se retrouve séquestrée dans une pièce sombre sans eau ni nourriture pendant de longs jours au domicile du chanteur avec la complicité de ses employés, avant d’être droguée à son insu puis violée par lui. De nombreux témoignages courent en ce sens, et si les lieux et les époques diffèrent, s’étalant sur plus de trente ans, le mécanisme ayant brisé la vie d’au moins onze jeunes filles et garçons reste le même. Et ce malgré la saisie des tribunaux par plusieurs jeunes femmes dans les années 1990, ainsi que le mariage illégal du chanteur avec la chanteuse Aaliyah en 1994, alors âgée de 15 ans.

Bien qu’elle reste partielle, une nouvelle victoire pour le mouvement #MeToo

Si, à la différence d’il y a trente ans, la justice s’empare aujourd’hui de l’affaire, c’est avant tout parce que le mouvement #MeToo a forcé par son ampleur la justice à reconnaître un nombre croissant de violences sexistes et sexuelles jusqu’ici normalisées comme des crimes, y compris lorsqu’elles sont perpétrées dans des milieux aisés, par des figures érigées en modèles de la réussite capitaliste. Ainsi, les procès d’Harvey Weinstein, Bill Crosby, et aujourd’hui R. Kelly sont ceux de millions de femmes qui ont relevé la tête face à la violence quotidienne d’un système qui protège les bourreaux et réduit les victimes au silence, et c’est en cela qu’il faut les considérer comme des victoires arrachées par la lutte féministe.

Cela dit, si la justice états-unienne a été contrainte dans des cas exceptionnels à condamner des grands noms sous pression de la rue, ne pouvant tergiverser face à des accusations de masse comme ce fut le cas avec les 90 femmes ayant fait condamner Weinstein, de tels procès ne permettent au mieux que des avancées d’ordre symbolique. Il suffit pour s’en convaincre de constater que la Cour Suprême américaine vient d’annuler la peine de Bill Crosby, pourtant condamné à 10 ans de prison après avoir été accusé de violences par 60 femmes en 2018. Face à cette réalité, comment les millions de femmes qui le plus souvent sont seules face à des violences sexistes et sexuelles quotidiennes dans leur foyer, sur leur lieu d’étude ou de travail ou encore dans la rue, sont-elles censées faire confiance à la justice ?

« Système R. Kelly », symptôme du système capitaliste patriarcal

En effet, la violence du « système R. Kelly » dont témoignent aujourd’hui les victimes et les complices du criminel se trouve non seulement dans ses actes cruels, mais aussi dans les rapports sociaux qui rendent possible leur perpétration : profitant de la situation de précarité des jeunes femmes qui l’entourent dans le milieu de la musique, des journalistes jusqu’aux chanteuses débutantes en passant par les techniciennes et autres exécutantes, le schéma de sa prédation consiste à leur faire miroiter des opportunités professionnelles, ou au contraire à les menacer de détruire leur carrière, afin de les attirer dans son piège dont la logistique est encadrée par une armée d’employés. Ce mécanisme central repose à tous les niveaux sur des rapports d’exploitation et d’oppression, exacerbés par le statut économique et social de R. Kelly, condition matérielle d’une loi du silence garantissant l’impunité du criminel malgré le grand nombre de personnes impliquées. Si le cas de R. Kelly est remarquable du fait de son statut, de l’atrocité, de la quantité et de l’impunité de ses actes, il n’est qu’une expression particulièrement violente de rapports de domination qui structurent l’ensemble de la société et dont les femmes précaires sont les premières victimes.

Ainsi, au-delà de la condamnation individuelle et symbolique de tous les R. Kelly et de tous les Weinstein du monde, ce sont leurs milliards de dollars que nous devons extorquer, pour les priver de leur système de prédation et dans le même temps financer un revenu digne pour toutes et tous, afin qu’aucune d’entre nous n’ait à être dépendante d’un patron, d’un père ou d’un conjoint violent. Ce sont ces milliards que nous voulons, pour accompagner les victimes et réquisitionner tous les logements vides afin d’y accueillir les femmes victimes de violence dans leurs foyers ainsi que leurs enfants. Ce sont ces milliards que nous voulons, pour investir massivement dans les secteurs de l’éducation et de la santé, pour une éducation affective et sexuelle et des soins accessibles à toutes et tous.

*Le prénom a été inventé

 
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