http://www.revolutionpermanente.fr/ / Voir en ligne
La Izquierda Diario
7 de janvier de 2016 Twitter Faceboock

Chronologie d’un fiasco
« Attentat » à la Goutte d’or. Folie meurtrière ou folie policière ?

{{}}{{}}

Mathilde Brunel

Le tableau était pourtant idyllique pour l’exécutif et les médias dominants : un attentat « anniversaire » un an après les attaques à Charlie Hebdo, une revendication religieuse au cri d’« Allah Akbar » et un engin explosif. Mieux encore : une réponse « exemplaire » des forces de l’ordre, repus des éloges rendus par Hollande le jour même. Tout était bien en place pour un nouvel épisode de la République-avec-son-grand-air, répondant avec brio face à la barbarie venue de l’étranger. Pourtant, les éléments apparus au fil de la journée ont peu à peu mis à mal la version officielle. Jusqu’à en faire de l’attentat à la Goutte d’or une affaire de bavure policière ?{{}}

Link: https://www.revolutionpermanente.fr/Attentat-a-la-Goutte-d-or-Folie-meurtriere-ou-folie-policiere

13h. Les médias à l’affût du « buzz » terroriste, Cazeneuve dépêché sur place


Pour les médias et les hommes politiques, l’affaire est déjà classée, certainement avant d’avoir pu entendre même la version des policiers. Dès le début d’après-midi, les médias dominants passent en boucle la même information : un attentat dans Paris contre un commissariat, commis par un individu armé, « courant » vers les policiers et disposant probablement d’une ceinture explosive comme le laissent penser les « fils » qui dépassent de sa veste. Les policiers sur place sont félicités pour leur acte de bravoure, eux qui ont tiré et tué un homme « sans nul doute » terroriste islamiste.

Le quartier est bouclé, les voisins du commissariat sont tenus de rester enfermés chez eux et de ne pas regarder à leurs fenêtres. Les écoles du quartier sont confinés. Les forces républicaines montrent les crocs face à ce terroriste d’ors et déjà jugé et condamné à mort par les policiers, qui l’ont probablement déjà déchu de sa nationalité. Les médias relaient massivement une rumeur, érigée au rang d’information exclusive : l’homme aurait crié « Allah Akbar ». Les policiers n’auraient ainsi fait qu’appliquer à la lettre les notes du Ministère de l’Interieur en cas d’attentat, qui préconisent d’« engager un tir de neutralisation » en cas de risque. Devant le commissariat, un robot démineur est chargé d’inspecter le corps étendu, mais aussi de démontrer les nouvelles technologies acquises par les forces de l’ordre française en matière de lutte contre le terrorisme. Déjà l’on s’émeut à l’idée qu’un jour peut-être, ce robot, mortellement court-circuité par un fil rouge et un fil bleu, sera , tout comme Diesel, médaillé de la République pour sa bravoure.

Cazeneuve, arrivé sur place, salue ses troupes et, soulagé, explique aux journalistes que les policiers ont été « obligé » d’abattre l’individu. Il promet une enquête rapide (n’est-elle pas déjà conclue ?) pour déterminer l’identité du coupable. De l’autre côté de l’Atlantique, Donald Trump, enquêteur hors pairs, a déjà trouvé la réponse et la délivre en un tweet sans équivoque : « Un homme a tiré à l’intérieur d’un poste de police à Paris. J’avais annoncé que la menace terroriste était à son plus haut niveau. L’Allemagne est un bazar total. Soyez intelligents ! » L’Allemagne est ici présentée comme la cause de l’attentat du fait de sa politique officielle « d’accueil » envers les réfugiés, politique que Donald Trump n’a de cesse de dénoncer pour son « laxisme ». Suivez mon regard, le suspect est un migrant, un étranger, un barbare venu d’ailleurs. {{}}

15h. Un drôle de terroriste...

Au fur et à mesure de l’après-midi pourtant, le récit devient plus confus. En lieu et place d’arme, on apprend que l’individu avait une feuille de boucher, c’est à dire une petite hache utilisée en boucherie. Quelques temps plus tard, la ceinture explosive devient un engin factice, et de bien mauvaise facture. Après fouille du corps, on découvre sur lui un téléphone avec, selon certaines sources, des messages en arabes (sans que soit précisé ce qu’il y est dit), ainsi qu’un papier mentionnant que le suspect aurait « prêté allégeance » à l’Etat Islamique et qu’il justifie son acte par une vengeance contre les attaques en Syrie. Certains médias parlent d’un drapeau de Daesh « dessiné » sur ce papier. Autant d’éléments étranges ou partiels, qui ne font penser ni à un terroriste réellement organisé, ni surtout à une enquête aboutie jusqu’à pouvoir en tirer l’ensemble des conclusions éclairées qu’en ont tirées les journalistes depuis le début de l’après midi...

Mais ce sont surtout les témoignages qui sont le plus perturbants. Au cours de l’après-midi, sur BFM, Le Point ou encore Le Monde, des éléments divergents commencent à se faire entendre – sans pour autant qu’aucun de ces journaux ne modifient leur ligne éditoriale, encouragé par le gouvernement et les dirigeants des forces de police qui continuent à montrer les gros bras. Sur Le Point, une journaliste retranscrit la parole d’un témoin, expliquant que « Les policiers auraient alors demandé [à l’assaillant] de reculer. L’homme aurait obtempéré, avant de revenir près du commissariat les deux bras en l’air et de se voir une nouvelle fois sommé de reculer par les policiers. Ce témoin assure que l’homme est resté silencieux. », sans crier « Allah Akbar ». Sur BFM, deux témoignages vidéos concordent avec cette vision. Enfin, sur Le Monde, un témoin raconte que « Des gens criaient : “Mais ça ne va pas ! Il ne faut pas lui tirer dessus !” » avant que le policier ne lui lance le fameux « tir de neutralisation » de cinq balles mortelles. {{}}

18h. Un déséquilibré « sans aucun lien avec la radicalisation violente ». Mais qui est le plus fou ?

A la fin de la journée, c’est donc un tout autre film qui passe sous nos yeux. La ministre de la Justice, Christiane Taubira commence elle-même à devoir reconnaître que l’ennemi n°1 de la journée rentre peut-être moins que prévu dans les codes du terroriste classique de Daesh. Quoique son identité ne soit pas encore établie de manière tout à faire sûre, elle a dû reconnaître qu’il n’avait « aucun lien avec la radicalisation violente, aucun », et qui s’agissait peut-être d’un « déséquilibré ». Une définition qui convient mieux en effet aux caractéristiques de l’agresseur en question, non-masqué, armé d’une seule hache de boucher et d’une fausse ceinture d’explosive et qui a attaqué seul un commissariat d’une des plus grandes capitales d’Europe.

Que cette société sécuritaire, emplie d’angoisses xénophobes, produise en son sein des déséquilibrés de ce type est loin d’être étonnant. Que les guerres menées par nos gouvernements au Moyen Orient engendre des folies de revanche et d’allégeance à un chef religieux mythifié ne l’est pas non plus. Malheureusement, on ne s’étonnera pas non plus de la réponse donnée à ce genre de situation par les forces de police devenues aussi forces de justice grâce à l’état d’urgence de Hollande et Valls. On s’étonnera encore moins de la réponse des médias dominants, prêts à tout pour faire le buzz autour de cette nouvelle ambiance d’angoisse permanente. Mais de cet assaut minable contre un pseudo-terroriste en carton jusqu’aux assignations à résidence, en passant par les perquisitions des mosquées et les interdictions de manifestations, jusqu’aux agressions et meurtres policiers, il n’y a qu’une fine frontière, que le gouvernement entend bien franchir dans les prochains mois. Cette affaire révèle que tout les moyens sont bon pour légitimer l’instauration d’un état d’urgence liberticide, quitte a falsifier les faits. Une nouvelle confirmation, si besoin en était encore, de faire de la lutte contre l’islamophobie d’Etat et contre l’état d’urgence un combat primordial pour les travailleurs et les jeunes aujourd’hui !

 
Revolution Permanente
Suivez nous sur les réseaux
/ Révolution Permanente
@RevPermanente
[email protected]
www.revolutionpermanente.com