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20 de octobre de 2021 Twitter Faceboock

Aéronautique
Licenciés, puis arnaqués dans une formation : la vie des anciens de l’aéro
Nathan Andreas

Dans la région toulousaine les dégâts sur l’emploi ont été vastes et variés. La formation, vendue comme un abri pour les ouvriers licenciés par le patronat, les directions syndicales et des nombreux groupes politiques s’est avérée être une arnaque pour ces anciens salariés de l’aéronautique

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Crédit photo : AFP

La formation : outil pour retrouver un emploi ?

Depuis le début de la crise aéronautique, nombreux sont les travailleurs qui ont payé deux fois la gestion patronale de la crise sanitaire : d’abord en perdant son travail, puis en étant arnaqués dans sa formation. Ainsi nous avons suivi le parcours déroutant, pendant sa formation, de 12 stagiaires, dont 9 avaient payé le lourd tribut des suppressions d’emploi dans l’Aéronautique

Avec l’espoir que le secteur aéronautique redevienne porteur une fois la situation sanitaire améliorée, comme le laissaient entendre le patronat, les directions et des nombreux partis politiques, ces stagiaires étaient entrés en formation de soudure à la mi-janvier de cette année 2021. Leur ambition pour la plupart d’entre eux, était d’acquérir de nouvelles compétences en métallurgie afin de profiter de l’accalmie pour booster leurs savoirs faire et retrouver à nouveau du travail.

« Nous nous souvenons tous des discours qui avaient accompagné les licenciements dans l’aéro. La formation est une solution pour ne pas subir la précarité des licenciement, la région va s’occuper des travailleurs du secteur qui la fait vivre... »

La réalité pour ces 12 stagiaires en a été toute autre malheureusement.

Ayant tous été positionnés sur une formation” diplômante” par pôle emploi et la Région, ces stagiaires ont tous cru qu’ils allaient pouvoir justifier des compétences acquises à leur sortie.

Concrètement, l’attestation de départ expliquait qu’ils obtiendraient en fin de formation un CQPM (Certificat de Qualification Paritaire de la Métallurgie).

Cependant lors de la première semaine un des deux formateurs avait annoncé qu’il y avait une erreur « bénigne » sur l’intitulé de l’attestation et qu’en réalité ils n’allaient pas obtenir le diplôme qui leur ré-ouvrirait les portes de l’emploi.

Si à ce moment-là les salariés se sont réunis à plusieurs reprises pour échanger sur le sujet, leur colère, comme ils nous l’expliquent, a été contenue par la nécessité de continuer leur formation et par les dires des formateurs sur le fait que l’obtention des qualifications de soudure n’étaient pas “une si mauvaise chose” en comparaison du CQPM pour lequel ils avaient signé. Ce qui était une deuxième mensonge car le CQPM permet de travailler en tant qu’ouvrier qualifié et c’est un diplôme qui n’a pas de date de peremption. Ce diplôme est même un prérequis pour accéder à l’embauche. Au contrarire, une qualification de soudure dure 6 mois si l’on ne pratique pas de soudure ou 2 ans maximum dans le cas où une entreprise atteste de la pratique du procédé et de la position pour lesquelles l’ouvrier est qualifié.

La situation a cependant basculé quand les salariés ont appris qu’un de leurs collègues qui avait été placé sur la formation compte tenu de sa situation administrative sensible (car sans papiers) et parce qu’il restait une place vacante et donc non financée, avait été exclu de la formation pour des questions d’assurance. Cette discrimination raciste au sein de la formation fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase.

« On ne sera ni une variable d’ajustement dans nos emplois ni lors de nos formations ! »

Comme en témoignent les stagiaires, le jour où le collègue sans-papiers avait été « invité à récupérer ses affaires », le climat était électrique. Sans même attendre la fin de la formation, les stagiaires se sont réunis sur place et ont commencé à partager leurs avis sur les différentes perspectives qui s’offraient à eux. Ce jour-là l’un d’eux a proposé de poser les outils de travail et d’aller à la Région pour demander des comptes.

« Les gars, nous sommes en pleine période d’élection régionale on peut tous aller à la région et interpeller Carole Delga, si on montre qu’on est pas d’accord et qu’on est prêt à se solidariser quitte à arrêter la formation, ils seront obligés de nous prendre au sérieux... »

L’option avait été retenue et accompagnée de la perspective de se rendre à la préfecture avec une seule et même revendication mise sur papier qui était celle que leur collègue soit réintégré.

Une débrayage en formation "grève de la formation" pour la réintégration du collègue sans papiers !

Après avoir collectivisé leurs idées et les avoir couchées sur papier, ils se sont tous rendus à la région. Les 12 apprentis soudeurs, en tenue pour la plupart, sont rentrés dans les locaux de la Région et sont repartis avec des contacts qu’ils se sont empressés de joindre. La nouvelle perspective après cette journée était de centraliser des témoignages des stagiaires sous forme d’attestations afin de constituer un dossier pour appuyer une demande de titre de séjour.

De retour sur leur lieu de formation, fiers et ravis comme ils nous l’expliquent, ils ont bouclé rapidement ce dossier même s ’ils ont dû attendre deux semaines auprès du responsable de la formation afin qu’il s’engage devant l’ensemble des stagiaires sur sa participation au dossier en tant que responsable. Deux longs mois ont passé avant que son collègue, déjà mis dehors de la formation, les appelle pour de leur partager sa joie d’avoir enfin obtenu un contrat entre lui et l’Etat stipulant que la préfecture avait dorénavant l’obligation de lui fournir un titre de séjour.

Ce jour-là l’ensemble des stagiaires étaient très émus et conscients d’avoir participé à la réalisation de quelque chose qui les dépassait tous. Leur collègue avait connu en Libye la prison, le travail forcé et des sévices corporels avant de regagner la France et tout le monde pensait que cette page allait pouvoir enfin se tourner pour lui.

L’arnaque de la formation : baisser temporairement les chiffres du chômage au prix de l’avenir des salariés

Contents de l’avancement de la situation pour leur collègue, l’ensemble des stagiaires s’est alors réuni afin d’évoquer de nouveau le fait de la duperie quant à la formation. Cette fois ci il leur fallait batailler contre la région et la direction du centre de formation pour obtenir ce qui leur avait été promis au départ : une formation diplômante.

À force de manifester leur colère, ils ont demandé à la direction du centre de rencontrer un responsable régional de la formation afin de lui faire remonter leur mécontentement et de le forcer à s’engager sur un accompagnement aboutissant à un diplôme équivalent à celui promis au départ. Mr Ait Ali, responsable de la formation de la région Midi-Pyrénées s’est donc présenté dans les semaines qui ont suivi, comme en témoignent l’ensemble des stagiaires.

« Il s’est engagé sur un accompagnement pour que l’on soit replacé sur une formation diplômante dès notre sortie de formation..."

Depuis ce jour, les stagiaires n’ont plus de réponse de la part du responsable régional. Comme ils le soupçonnaient, de même que la Région les a trompés sur la qualification, la Région les a trompés à nouveau dans le seul but d’éteindre leur colère. Tant sur le plan du diplôme que sur le titre de séjour pour son collègue qui est tout simplement retenu par la préfecture de Toulouse sans plus d’informations.

La formation étant terminée, c’est une réalité très dure à laquelle ils font face actuellement. Après avoir été les variables d’ajustement pendant la pandémie, les salariés de l’aéronautique se sont fait arnaquer par la Région dans le seul but de baisser temporairement et artificiellement les chiffres du chômage.

Une lutte contre la précarité, pour le droit au travail pour tous et toutes, avec ou sans papiers

Depuis le 31 juillet la formation est terminée. Le responsable de la formation n’ayant pas donné signe de vie, ces anciens collègues de formation soudure sont restés solidaires. Mais

bon nombre d’entre eux ont vu ou verront très prochainement leur droit au retour à l’emploi se terminer. Son collègue sans papiers, privé de la formation et du titre de séjour est lui aussi condamné à des jobs extrêmement précaires et à la persécution. C’est pourquoi ils ont contacté Révolution Permanente afin de visibiliser leur cas et dénoncer la complicité entre le patronat du secteur aéronautique, qui licencie les salariés malgré ses profits exorbitants, et la Région qui maquille la casse sociale en baladant les salariés dans des formations sans perspectives.

Le cas de ces anciens salariés de l’aéronautique met en lumière la manœuvre du patronat qui, pendant la pandémie, avait cherché à adoucir la vague de licenciements en la déguisant en « départs volontaires » en grande partie « soutenus » par des programmes de formation. La plupart des directions syndicales avaient décidé malheureusement d’accompagner ces manœuvres en négociant avec le patronat le chiffre de suppressions de postes.

Le cas de ces stagiaires montre à nouveau l’échec du dialogue social. Comme l’avaient déjà dit les salariés de Derichebourg à l’époque, alors que Force Ouvrière signait l’APC : « on ne négocie pas le poids des chaines ».

Malgré le silence de la Région, les stagiaires ne se sont pas résignés et ont continué leur lutte en rejoignant récemment le piquet de grève des Derichebourg. Un exemple du fait que la lutte pour l’emploi ne peut que passer par la solidarité entre salariés en poste et licenciés pour exiger 0 suppressions de poste, l’augmentation des salaires et le partage du travail entre tous et toutes.

 
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