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La Izquierda Diario
21 de octobre de 2021 Twitter Faceboock

Vague de luttes à venir ?
Corée du Sud. Plus d’un demi-million de grévistes montrent la faillite du modèle néolibéral sud-coréen
Irène Karalis

En Corée du Sud, plus d’un demi-million de travailleurs étaient en grève ce mercredi. Une mobilisation massive qui démontre une crise du modèle sud-coréen néolibéral et pose les bases d’une alternative pour la classe ouvrière et la jeunesse coréennes.

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Ce mercredi 20 octobre, une grève générale a éclaté en Corée du Sud pour exiger de meilleures conditions de travail, une augmentation des salaires et la nationalisation des secteurs clés de l’industrie et des services essentiels. Les chiffres ne peuvent que nous impressionner : près de 1000 livreurs en grève, des dizaines d’écoles bloquées par manque de travailleurs dans les cantines, plus de 27 000 manifestants à Séoul, pour un total de 550 000 grévistes dans le pays ! Cette mobilisation massive s’est faite malgré la répression du gouvernement, qui a profité de la crise sanitaire pour imposer le Niveau 4, des mesures de distanciation sociale imposées dans la zone métropolitaine de la capitale pour empêcher tout rassemblement ou manifestation. Mis devant le fait, Moon Jae-In, le président du pays, a été forcé d’envoyer 16 000 policiers et 500 bus à Séoul pour faire barrage.

La mobilisation remonte à plus loin : déjà au début de l’année, les concierges de LG Twin Towers ont campé devant le bâtiment du siège social de la société pendant 136 jours en hiver pour protester contre les licenciements et leurs conditions de travail. La réponse de la direction a été d’envoyer des groupes de briseurs de grève. En réalité, la colère est bien plus latente et laisse à penser un début de crise du modèle sud-coréen. Ce n’est pas pour rien si les manifestants ont repris les costumes de Squid Game, une série qui met en scène des joueurs qui s’affrontent dans un jeu mortel pour un prix et dont beaucoup d’internautes disent qu’elle est une allégorie de la situation en Corée.

La fin du modèle sud-coréen et du mythe du « miracle de la rivière Han » ?

Derrière le « miracle de la rivière Han », expression qui désigne le développement économique accéléré de la Corée du Sud de ces quarante dernières années, se trouve une réalité plus mitigée. En réalité, les États-Unis ont occupé le pays pendant des années et étendu leur mainmise sur l’économie coréenne pour l’intégrer au système capitaliste international. L’organisation de presse Truth Out explique ainsi : « Une description générale brosse un tableau effrayant : la participation à la guerre du Vietnam, la séparation des familles et la vente d’enfants par le biais du système d’adoption transnational, la gestion par l’État d’une industrie du sexe destinée à occuper les troupes américaines, et des décennies de loi martiale et de terreur d’État anti-communiste ont joué leur rôle dans la montée des chaebols [nom donné aux grands groupes industriels coréens, NDLR] ».

En effet, Truth Out explique que depuis la dictature de Chun Doo-hwan des années 80, le pays a vu se multiplier les réformes néolibérales. Aujourd’hui, la Corée du Sud est le troisième pays où le nombre d’heures de travail annuelles est le plus élevé au monde et en 2015, elle était le troisième pays de l’OCDE où le nombre de décès au travail était le plus élevé. Les pensions des retraités sont parmi les plus basses d’Asie et le taux de pauvreté des personnes âgées avoisine les 50%. Selon le Korea Suicide Prevention Center cité par le journal Nikkei Asia une branche du ministère de la Santé et du Bien-être, le taux de suicide des personnes âgées est, pour les plus de 70 ans, de près de 48,8 personnes pour 100 000 personnes. Pour les plus de 80 ans, il est de 70 personnes, contre une moyenne nationale de 24,3.

S’ajoutent à cela une crise du logement provoquée par la spéculation immobilière, la pression scolaire extrêmement forte et le chômage chez les jeunes qui touche 21,6% des 25-29 ans qui créent un sentiment de « génération perdue » chez les jeunes Coréens. Bref, les contradictions du modèle sud-coréen semblent éclater au grand jour.

Plus d’un demi-million de grévistes : une mobilisation populaire massive

Dans ce contexte, la mobilisation massive de ce mercredi donne des perspectives très encourageantes pour la classe ouvrière et la jeunesse sud-coréenne, d’autant plus par leurs revendications, très offensives et progressistes. Trois revendications phares ressortent.

D’une part, la fin du travail irrégulier et de meilleures protections pour les travailleurs. Selon The Straits Times, 36,1% des travailleurs coréens sont en situation de travail irrégulier (41% selon d’autres chiffres), c’est-à-dire qu’ils sont en temps partiel, temporaire, ou sont des travailleurs de plateforme, c’est-à-dire des travailleurs ubérisés qui n’ont pour seul choix que des jobs précaires. Cette situation de travail irrégulier, qui s’est étendue à partir de la crise financière de 1997, signifie pour tous ceux qui la vivent une absence de droits et des salaires de misère.

D’autre part, les grévistes revendiquent le pouvoir de prendre des décisions économiques en temps de crise, dénonçant la précarisation des emplois et l’incertitude grandissante avec l’arrivée de la crise sanitaire et l’accélération de la crise climatique. Pour refuser que les grands groupes industriels privilégient leurs profits sur leur dos, les travailleurs coréens exigent en ce sens de pouvoir avoir leur mot à dire sur la question des licenciements, des baisses de salaire et des conditions de travail.

Enfin, la dernière revendication principale consiste à exiger la nationalisation des secteurs clés de l’industrie et la socialisation des services essentiels comme l’éducation et le logement. En effet, comme l’explique sur twitter le groupe Nodutdol, un groupe de membres de la diaspora sud-coréenne aux États-Unis qui se revendique de la décolonisation et revendiquent l’auto-détermination pour la Corée et les îles Tortues, depuis la crise de 1997, plusieurs entreprises de pays impérialistes ont mis la main sur l’industrie coréenne. Ainsi, selon le journal The Korea Times, en 2018, l’entreprise Hyundai était détenue à 46% par des investisseurs étrangers, et 61% des investissements étrangers viennent des puissances impérialistes japonaise, américaine et européenne.

Financés par des entreprises de pays impérialistes, ces chaebol, tels que Samsung, Lotte, LG ou Hyundai, profitent de la précarité de la main-d’œuvre dans le pays. En ce sens, les grévistes coréens revendiquent la nationalisation des secteurs clés de l’industrie comme l’automobile, l’aviation, l’industrie navale et l’énergie, mais également un réel investissement dans les secteurs essentiels. Ils exigent ainsi l’embauche d’un million de travailleurs dans la santé et l’éducation, et l’augmentation des logements sociaux de 5% à 50%.

Selon Nodutdol, c’est la première fois que la KCTU, le principal syndicat du pays qui compte 1,1 million de membres, intègre des revendications sociales lors d’une mobilisation. Un changement qui pourrait s’avérer salutaire pour la classe ouvrière sud-coréenne, qui subit des années de néolibéralisme que la crise sanitaire a intensifié, mais également une forme de néocolonisation de la part des puissances impérialistes. À cinq mois des élections présidentielles, qui se tiendront en mars, la grève générale apparaît comme seule arme pour instaurer un rapport de force et esquisser une alternative pour les classes populaires du pays. Plus largement, on voit que dans le monde entier semble s’exprimer de plus en plus de mécontentement ouvrier et populaire, avec comme dernier exemple en date la vague de grèves aux États-Unis. En ce sens, il est essentiel pour la classe ouvrière et la jeunesse en France de se solidariser de ces mouvements qui montrent des possibilités de mobilisation et de contestation face à la crise.

 
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