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La Izquierda Diario
26 de octobre de 2021 Twitter Faceboock

Pour une santé au service de la population
Pénuries d’hormones pour les personnes trans : ne laissons plus la production aux capitalistes !
Matthias Lecourbe

Le laboratoire Novartis met fin à la production de ses patchs d’oestradiol, qui sont pourtant un des principaux traitements hormonaux de substitution féminins prescrits en France, laissant les personnes trans, intersexes et certaines femmes ménopausées sur le carreau.

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Crédits photo : Sébastien Bozon / AFP

Après plusieurs mois de pénurie inexpliquée, particulièrement pour les patchs à haut dosage qui sont principalement prescrits aux personnes transféminines, Novartis, producteur des patchs Vivelledot, a annoncé cesser la production des patchs d’oestradiol. Les patchs d’oestradiol sont très utilisés en France pour les traitements hormonaux de substitution prescrits aux personnes transgenres, aux personnes présentant un syndrome d’intersexuation et aux femmes ménopausées à risque d’ostéoporose. Vivelledot était une marque particulièrement prescrite et distribuée et l’on peut craindre une difficulté de la part des autres producteurs de patchs d’oestradiol à assurer une production correspondant aux besoins à court et moyen terme. Les pénuries d’hormones sexuelles sont fréquentes, mais la production de médicaments sous l’égide de monopoles de l’industrie pharmaceutique produit des pénuries pour de nombreux autres médicaments essentiels.

La situation est pour le moment meilleure concernant le seul traitement hormonal de substitution masculin remboursé en France, l’Androtardyl (énanthate de testostérone, une forme injectable de testostérone), produit par Bayer. Ce produit est toutefois resté en forte pénurie tout au long du printemps 2019, sans aucune alternative remboursable sur le marché. Cette spécialité, bien que tombée dans le domaine public, n’a pas de générique disponible faute d’une production suffisamment rentable. Bayer est donc le seul laboratoire produisant une forme de testostérone remboursée en France. Les autres formes de testostérone non remboursables sont très coûteuses, leur prix fait revenir le traitement à environ 60€ par mois au moins, sachant que le prix des médicaments non remboursés peut énormément varier d’une pharmacie à l’autre. Et il faut encore ajouter à cela le prix du matériel d’injection qui n’est presque pas pris en charge par la sécurité sociale.

Ces situations mettent les personnes transgenres, intersexes ou encore les personnes ne produisant pas naturellement suffisamment d’hormones sexuelles en difficulté. Elles doivent parfois se déplacer très loin pour trouver une pharmacie ayant toujours ces spécialités en stock. Ces traitements sont souvent décrits comme indispensables à une vie épanouie et à la sécurité des personnes transgenres en leur permettant d’être plus facilement perçues comme cisgenres dans l’espace public. Ils permettent de réduire les risques psychologiques auxquels font face les personnes trans dans une société transphobe ; mais ils sont même essentiels à la vie en bonne santé de toutes les personnes ne pouvant naturellement produire des hormones sexuelles entre 18 et 45 ans, qu’elles soient trans ou non. En effet, l’absence d’hormones sexuelles dans le corps expose à un vieillissement accéléré : fonte des masses osseuses et musculaires avec en conséquence un risque d’ostéoporose et d’insuffisance cardiaque ; risques de démences et de troubles mentaux.

Ces traitements ne sont pas les seuls à être régulièrement en pénurie. On peut ainsi donner l’exemple du lopinavir/ritonavir, un anti-rétroviral servant à lutter contre le VIH chez les personnes séropositives, qui s’est trouvé en tension au cours de l’année 2020 car il était utilisé dans des essais cliniques de traitements contre le Covid-19 ; ou encore de nombreux anticancéreux entre 2020 et 2021 en raison de l’impact de l’épidémie de Covid-19 sur les pays asiatiques qui en produisent les principes actifs. Pénuries d’anticancéreux qui se payent très rapidement en vies ou en infirmités graves, pourtant évitables.

La production de médicaments est un enjeu central pour la santé de toutes et tous. Toutefois l’industrie pharmaceutique relève du secteur privé, qui organise les chaînes de productions de façon opaque, tend à centraliser les lieux de production des médicaments, prend des décisions guidées par les profits plutôt que par les besoins effectifs de la population. Il est en l’état actuel des choses très difficile de prévoir quels stocks de médicaments seront disponibles à moyen terme par les institutions de santé publique, et toute la production peut se trouver bouleversée en cas de crise comme nous l’avons vu pendant la pandémie. De plus, la recherche des profits par l’industrie peut tout aussi bien conduire à des pénuries de médicaments essentiels, comme l’Androtardyl, qu’à des scandales sanitaires liés à une médication inutile de patients avec des médicaments pouvant entraîner des effets secondaires graves. Ces scandales tels que ceux du Mediator ou du Prolia concernent d’ailleurs particulièrement les femmes, dont le corps fait davantage l’objet de contrôle médical que celui des hommes.

L’industrie pharmaceutique illustre parfaitement les échecs de l’économie de marché : la production de médicaments est opaque, soumise aux crises, à la corruption et aux choix de production motivés par les profits au détriment de la santé des patient.e.s. Pour en finir avec cette situation il est essentiel que la production de médicaments soit nationalisée, et mise sous le contrôle des travailleurs de l’industrie pharmaceutique, des soignants ainsi que des usagers du système de santé, pour qu’elle réponde au mieux aux besoins de la population. Il faut également imposer la levée des brevets dans le secteur de la santé, pour que la production des principes actifs soit répartie à travers le monde, et non plus sous-traitée à des pays sous domination impérialiste où la production est moins chère. Tout cela afin de garantir une production même en cas de catastrophe naturelle ou de crise politique. Ces mesures bénéficieraient particulièrement aux femmes et aux personnes trans, dont la prise en charge médicale est rendue précaire par la recherche de profit des entreprises pharmaceutiques, et par des pratiques médicales et des préjugés transphobes ou misogynes concernant la nécessité de différents traitements. Mais elles apparaissent encore plus nécessaires pour participer à la reconstruction d’un système de santé au service des usager.e.s, alors que la crise du Covid a révélé la fragilité de ce système après des décennies d’abandon de la santé au secteur privé.

 
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