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La Izquierda Diario
16 de décembre de 2021 Twitter Faceboock

Stigmatisation et isolement
« Un calvaire » : un étudiant en fauteuil débouté face à la SNCF sur le manque d’accessibilité des trains
Émilie Vallée

Le 10 décembre, la Cour d’appel de Bordeaux a donné raison à la SNCF face à Kevin Fermine, étudiant en situation de handicap, qui dénonçait l’atteinte à sa dignité résultant du manque d’accessibilité des trains l’ayant poussé plusieurs fois à « s’uriner dessus ». Une nouvelle illustration du mépris dont l’Etat et la Justice font preuve à l’égard des personnes en situation de handicap.

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Crédit Photo : MYCHELE DANIAU / AFP

Le 10 décembre, Kevin Fermine, étudiant en situation de handicap, a été débouté de sa plainte contre la SNCF alors qu’il arguait que le manque d’accessibilité des infrastructures et des trains « portait atteinte à » sa « dignité ». Il a perdu ce procès devant la Cour d’appel de Bordeaux, qui a estimé que les manquements honteux de la SNCF envers lui et les personnes en situation de handicap ne constituaient pas une atteinte à leurs droits.

En effet, les juges ont mis en avant la possibilité pour la SNCF de mettre aux normes d’accessibilité ses trains jusqu’en 2024, refusant d’admettre toute atteinte à la dignité des usagers en situation de handicap du fait du défaut de telles infrastructures. Kevin a déclaré être « outré de cette justice qui n’a pas cherché à comprendre [sa] situation et s’est basée sur les allégations trompeuses de la SNCF ».

L’affaire commence en 2016, quand Kevin porte plainte car il ne pouvait pas accéder aux toilettes et au wagon-bar du train : « j’étais parfois obligé de m’uriner dessus » témoignait-il. En 2019, la SNCF est condamnée par la Cour d’appel de Toulouse à lui verser 5000€ de dommages et intérêts mais en 2020, la Cour de Cassation annule cette décision au motif que la SNCF disposait d’un délai supplémentaire jusqu’en 2024 pour se mettre aux normes. Ce 10 décembre, la Cour d’appel de Bordeaux a repris à son compte le raisonnement de la Haute juridiction civil et condamné Kevin au dépens, c’est à dire à rembourser tout ou partie des frais de justice de la SNCF. Une décision scandaleuse rendue au profit de la SNCF qui témoigne du mépris de la Justice envers les personnes en situation de handicap, qui devraient attendre 2024 pour espérer voyager dans des conditions dignes et décentes.

Cette situation n’est malheureusement pas suprenante : Kevin Fermine avait déjà été condamné à une peine de prison avec sursis il y a plusieurs mois pour avoir bloqué un train afin de dénoncer le manque d’accessibilité. Encore une fois, la Justice cherche à défendre le patronat face à ceux qui veulent faire valoir leurs droits et leur dignité.

Les transports sont extrêmement représentatifs de ce que peuvent vivre les personnes en situation de handicap aujourd’hui en France et le cas de la SNCF est emblématique. Même dans les trajets soi-disant accessibles, les personnes à mobilité réduite doivent prévenir 48 heures à l’avance qu’elles souhaitent prendre un train. C’est seulement à cette condition qu’elles peuvent accéder au service Accès Plus, qui donne accès à un service adapté. En outre, les personnes doivent se présenter 30 minutes à l’avance. Dans l’émission « On est pas des pigeons » en 2019, Gilles, une personne à mobilité réduite déclarait : « si tu arrives 28 minutes à l’avance et pas 30 minutes à l’avance parce que tu as merdé avec ton bus, on peut te refuser, ils ont le droit ».

La difficulté d’accéder aux transports illustre plus largement la complexité pour les personnes en situation de handicap de bénéficier de moyens et d’infrastructures leur permettant de vivre comme le reste de la population, ce qui renforce leur stigmatisation et leur isolement.

Depuis des années, la France doit se mettre aux normes d’accessibilité mais ne pose aucune mesure concrète dans ce sens. Si en 2005, avec la loi pour l’égalité des chances, elle a pris la résolution de rendre l’espace public totalement accessible – tout le monde est censé pouvoir accéder à l’ensemble de la vie en société, à l’école, dans la rue, dans les transports et dans les loisirs – depuis maintenant 17 ans très peu d’effort sont faits pour atteindre cet objectif. En effet, l’État repousse sans cesse la date à laquelle les travaux de remise aux normes d’accessibilités doivent avoir été effectués. La SNCF qui devait normalement être totalement accessible en 2015 dispose ainsi d’un délai jusqu’en 2024 pour se mettre aux normes.

La situation a même empiré avec la loi ELAN qui a fait passer l’obligation d’accessibilité pour les logements neufs de 100 % à 10 %. En effet, comme seulement 10 % de la population a une mobilité réduite, le gouvernement a estimé que cela été suffisant, empêchant ainsi les personnes en situation de handicap d’avoir le choix de leur logement, de son emplacement, de pouvoir déménager comme ils veulent, de se rendre chez leurs proches ou de fuir les violences intrafamiliales qui les touchent particulièrement.

Face à cette situation et ce qu’elle implique comme lot de souffrance et de misère, il faut revendiquer la mise en place de l’accessibilité totale et immédiate de l’ensemble des logements, infrastructures et transports, sans que les personnes n’aient à justifier de leur handicap.

 
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