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23 de décembre de 2021 Twitter Faceboock

Amerique latine
Chili. L’extrême droite a subi une défaite électorale mais n’a pas encore été vaincue
Seb Nanzhel

La défaite électorale de l’extrême-droite est indéniable mais pour écraser la réaction qu’elle incarne il faudra plus qu’une victoire électorale.

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Crédit Photo : AFP/ JAVIER TORRES

Dimanche 19 décembre, Gabriel Boric a remporté les élections présidentielles du Chili à la tête d’une coalition large de la gauche. Sa victoire large face à José Antonio Kast, candidat d’extrême droite nostalgique de la dictature de Pinochet, est l’expression d’un rejet populaire de ces idées nauséabondes. Toutefois, dès son discours de victoire, Boric s’est montré prêt à un dialogue avec Kast et les secteurs les plus réactionnaires de la bourgeoisie. Cette ouverture à la compromission révèle toutes les limites de la lutte contre l’extrême droite sur le terrain purement électoral et institutionnel.

Devant des dizaines de milliers de personnes et des drapeaux chiliens, syndicaux, LGBTIQ+, du peuple Mapuche, le vainqueur de l’élection présidentielle du Chili Gabriel Boric a dimanche soir prononcé son discours de victoire. Avec près de 56% des votes et une participation record depuis la fin du vote obligatoire en 2012, le candidat de la coalition large de gauche « Aprueblo Dignidad » l’a emportée face à José Antonio Kast, candidat d’extrême droite derrière lequel s’étaient rangés les secteurs les plus réactionnaires du patronat et les nostalgiques de la dictature militaire de Pinochet.

Cette victoire électorale est bien entendu l’expression d’un vote de classe, des milieux ouvriers, travailleurs, de la jeunesse ainsi que des opprimés, rejetant l’extrême droite. Toutefois, si en France cette victoire été accueillie par Jean Luc Mélenchon, Anne Hidalgo ou Fabien Roussel comme une « victoire contre le fascisme », le discours de victoire de Boric, dans lequel il remercie son adversaire d’extrême droite et affirme sa volonté de prendre en compte ses « idées et propositions », au même titre que celles des autres candidats, vient tempérer ce triomphalisme.

En effet, tout au long de sa campagne, Boric s’est efforcé de donner des gages au patronat. Il a affirmé son soutien à la police, déclarant qu’il serait de son côté si elle devait faire face à des « manifestants violents », et que plus de police et un agenda sécuritaire renouvelé étaient nécessaires. Alors que celle-ci a réprimé implacablement et impunément les soulèvements d’octobre et novembre 2019 contre les politiques austéritaires et ultra-libérales, infligeant à de nombreux manifestants des lésions oculaires, des violences sexuelles et des actes de torture.
Boric ne s’est également pas positionné en faveur de la libération des milliers de prisonniers politiques faits par le gouvernement de droite de Piñera lors de ces soulèvements. Pire, il a, avec son parti « Frente Amplio », accordé son soutien aux lois de criminalisation des barricades, permettant l’emprisonnement massifs des manifestants.

Le Frente Amplio a également participé à un accord signé avec les partis institutionnels permettant de sauver le gouvernement de Piñera face à la mobilisation, d’assurer l’impunité des forces de répression et de réaliser une contention de la radicalité s’exprimant dans la rue.

Les gages ne se sont pas arrêtés à la question de la répression, Boric ayant affirmé lors du débat d’entre deux tours qu’il ne reviendrait pas sur le système privé de retraites et s’est engagé à respecter les équilibres budgétaires votés par la droite pour 2022, mettant en avant l’argument de la « responsabilité fiscale ».

Boric n’est donc pas le candidat de la rupture qu’il affirme être, ni avec l’extrême droite, ni avec le néo-libéralisme. Il est d’ailleurs considéré par l’éditorialiste Binyamin Appelbaum spécialiste des affaires et de l’économie du New York Times comme un simple réformiste social-démocrate, alors que Foreign Policy soutient qu’à la différence de Kast, Boric n’est pas un candidat extrémiste dangereux, sous-entendu n’est pas un problème pour le patronat.

La lutte contre l’extrême droite et le patronat au profit duquel elle attaque les conditions de travail, les salaires et entretient la division des travailleurs ne peut pas se subordonner à la stratégie institutionnelle de Boric, qui n’a aucun souci à s’allier avec des représentants de ce patronat, à soutenir les forces de répression et même à assumer un dialogue avec cette extrême droite qu’il prétend combattre. L’extrême droite a indéniablement subi une défaite électorale. Mais c’est loin de la politique institutionnelle et des compromis avec le patronat que les secteurs opprimés et exploités peuvent triompher de l’extrême droite. C’est bien en s’organisant en toute indépendance, dans la rue, les lieux de travail et d’études que l’extrême droite sera véritablement vaincue. Comme le souligne le Parti des Travailleurs Révolutionnaires du Chili, organisation sœur de Révolution Permanente, « les patrons, ont déjà annoncé, de leur côté, que face à une croissance faible et face à l’inflation, ce sera au peuple et au monde du travail de payer. Ils feront tout leur possible pour faire obstacle à n’importe quel changement en faveur des intérêts des classes populaires. Boric a déjà annoncé qu’il respecterait le cadre établi et les règles du jeu institutionnel. C’est bien pour cela qu’il nous faut reprendre plus que jamais les revendications d’octobre, renforcer les organisations syndicales, étudiantes et du mouvement social, la coordination par en bas et l’auto-organisation, pour reprendre le chemin de la mobilisation ».

 
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