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La Izquierda Diario
14 de janvier de 2022 Twitter Faceboock

Contre le virus Blanquer
Grève historique dans l’Education nationale : le retour de la peur de la rue pour Macron et Blanquer
Ariane Anemoyannis

Ce jeudi, la grève dans l’Éducation Nationale, inédite par les taux de mobilisation et les secteurs impliqués, a déstabilisé non seulement Jean-Michel Blanquer mais aussi Emmanuel Macron, qui profitait jusqu’ici de la crise sanitaire pour se positionner au-dessus de la mêlée en vue de 2022. À 90 jours du 1e tour des présidentielles, le Président-candidat craint que la colère s’étende et tente de lâcher des miettes pour éviter que la mobilisation dans les écoles fasse tâche d’huile.

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Crédits photo : AFP

Un « jeudi noir » pour le gouvernement

C’est à 22h30 passées que Jean Michel Blanquer s’est exprimé ce jeudi devant les caméras pour rendre compte de la concertation avec les directions syndicales de l’Éducation Nationale. Une heure tardive qui témoigne de l’inquiétude du gouvernement au soir d’une mobilisation historique dans l’Éducation nationale. Une situation que celui-ci a tenté d’apaiser en agitant quelques miettes, pour la plupart déjà prévues : la distribution de 5 millions de masques FFP2 à certains personnels, l’embauche de 1 500 AEDs, et l’arrivée de masques chirurgicaux d’ici une semaine.

À trois mois du premier tour, la colère dans les écoles n’a en effet rien d’anodin pour le gouvernement. Ce jeudi, les 75% et 62% de grévistes dans le primaire et le secondaire sonnent comme un avertissement, alors que certaines Assemblées générales d’enseignants et de personnels ont appelé à reconduire la mobilisation la semaine prochaine, à l’instar de celle du Val d’Oise Est. Du point de vue des secteurs mobilisés, la journée est tout aussi inédite puisque même les chefs d’établissements et les inspecteurs - courroies de transmission des politiques de l’Etat - étaient appelés à la grève.

Ce que la presse bourgeoise appelle un « jeudi noir » témoigne d’une colère profonde de la part des travailleurs de l’Éducation Nationale, révélée par la gestion du variant Omicron par Jean Michel Blanquer. Au-delà du scandale des protocoles, c’est le manque de moyens structurel dans les écoles et la casse de l’Éducation Nationale que dénoncent massivement les enseignants et le personnel, quelques semaines après les mobilisations des AESH pour les mêmes raisons. Une colère qui pourrait se généraliser à d’autres secteurs qui ont fait les frais des mêmes politiques. De quoi inquiéter le gouvernement qui, tout en maintenant sa ligne autoritaire et pro-Medef, tente d’apaiser la situation au maximum avec les annonces de Blanquer afin d’éviter un embrasement alors que la question de la reconduction de la grève a été posée dans certains établissements.

L’école et Blanquer, maillons faibles de la macronie ?

Ministre modèle et indéboulonnable depuis 2017 du macronisme, à la tête de la réforme du Bac et des politiques néo-libérales et réactionnaires pour l’école, Blanquer incarne désormais pour le personnel du premier et du second degré la stratégie criminelle et pro-Medef du gouvernement. Au point que c’est Jean Castex qui a dû annoncer publiquement l’élaboration du 50e protocole sanitaire dans les écoles cette semaine. De nouveau au front jeudi soir pour rendre compte de la réunion avec les directions syndicales, le ministre doit cependant continuer à jouer son rôle de « paratonnerre pour gérer cette situation éruptive ». Dans ce cadre, Jean-Michel Blanquer, a présenté ce vendredi matin un très hypocrite mea culpa expliquant : « je ne suis pas parfait, je fais des erreurs », et abandonnant ainsi pour quelques secondes le mépris de ses dernières déclarations, lorsqu’il affirmait avec cynisme : « on ne fait pas grève contre un virus. »

Mais, de fait, l’obsession de l’école ouverte et du déficit de moyens incarnée par Blanquer, après avoir fait la force de l’exécutif, devient désormais une « impasse stratégique » explosive comme le note Nicolas Beytout, éditorialiste au journal pro-patronal et libéral L’Opinion. Le « vivre avec le virus » du gouvernement, au nom duquel les enseignants se font contaminer pour assurer une continuité pédagogique illusoire, devant des classes vidées d’une partie des élèves faute de moyens pour limiter les contaminations, les AEDs se retrouvent à assurer une charge de travail très lourde et les parents d’élèves multiplient les aller-retours en pharmacie pour tester leurs enfants qui évoluent dans des clusters géants, a noué un front inédit. En témoigne le soutien important de ces derniers à la mobilisation de ce jeudi.

Or, les écoles étant la pointe avancée de la politique sanitaire pro-patronale du gouvernement, « Blanquer ne se fragilise pas tout seul, il fragilise aussi la gestion de crise » comme l’indique un conseiller de l’exécutif. Et il est peu probable que les annonces annonces tardives du gouvernement sur la distribution de quelques 5 millions de masques FFP2, de l’embauche de 1 500 AEDs ou de 3300 CDD de 5 mois permettent d’apaiser la situation. Car ces mesures sont non seulement dérisoires, mais elles étaient pour la plupart d’entre elles déjà prévues. Dans ce cadre, le gouvernement a de quoi craindre que la mobilisation continue et se cristallise dans les semaines à venir. D’abord parce que si la situation sanitaire est un déclencheur, la colère vise l’ensemble du projet de Macron et de Blanquer pour l’école. Ensuite, parce que cette colère pourrait être encore intensifiée par l’aggravation de l’épidémie, avec une augmentation des contaminations, des hospitalisations et une saturation des hôpitaux.

Le retour de la peur de la rue pour Macron

Jusqu’ici, la crise sanitaire semblait plutôt profiter à Macron, et la vague Omicron avait même permis d’éclipser l’opposition qui tentait alors de jouer des coudes pour exister dans une séquence polarisée par le sanitaire, à l’instar de Valérie Pécresse et de sa surenchère sécuritaire. Mais si les adversaires du président se relaient toujours autant pour pointer du doigt ses errements – Mélenchon, Roussel et Hidalgo ont tous fait des apparitions à la manifestation parisienne – c’est davantage la colère du côté du personnel de l’Education Nationale que surveille « comme du lait sur le feu » le président candidat.

Pour Macron, le risque d’une mobilisation par en bas plus large se fait jour, et avec lui le danger de balayer ses prétentions pour 2022. Cécile Cornudet, éditorialiste politique au journal pro-patronal Les Echos note ainsi : « S’il y a un danger pour sa réélection, le chef de l’Etat le voit plus dans une éventuelle flambée sociale, dans le retour sous une autre forme des « gilets jaunes », que chez ses adversaires politiques. (…) Des tensions qui s’exacerberaient dans des secteurs de l’Etat aujourd’hui fragilisés comme l’Education nationale donc, mais aussi l’hôpital, voire la justice. »

D’ores et déjà, le dernier sondage Elabe témoigne d’une chute de quatre points de sa côte de confiance, qui atteint son seuil le plus bas depuis la pandémie. Près de deux interrogés sur trois disent « ne pas lui faire confiance » tandis qu’ils sont 37% à « ne pas lui faire confiance du tout ». « La résilience des Français face à la crise sanitaire et ses restrictions atteint ses limites. La fatigue de la société ne pouvait pas ne pas avoir d’impact sur la confiance envers le président de la République » » analyse pour Les Échos Bernard Sananès.

Alors que les dynamiques de grève dans le monde du travail à propos des salaires ne sont pas refermées, les salariés de Total ont hier obtenu une augmentation mensuelle de 100 euros après une grève nationale de 24 heures, et que le coût de la vie continue d’augmenter, la grève de l’Education nationale pourrait marquer une rupture et ouvrir à des mobilisations contre le gouvernement. « La tempête parfaite, celle qui réunit tous les facteurs de dangerosité absolue. Cette grande grève est symbolique d’un triple danger [exaspération, impasse stratégique et usure politique] qui va au-delà de l’école » résume l’éditorialiste des Échos sur Europe 1.

Cette situation indique les tâches du mouvement, et de tous ceux qui veulent en finir avec le gouvernement et sa politique. À l’heure où les directions syndicales négocient des miettes avec le gouvernement pour une sortie de crise, il faut travailler à l’extension de la mobilisation en développant l’auto-organisation dans les établissements, pour non seulement mettre en place des protocoles sanitaires d’urgence mais aussi construire le rapport de force nécessaire pour arracher les moyens suffisants pour étudier et enseigner dignement. Alors que le personnel de l’Éducation Nationale a été au cœur des dernières mobilisations, il faut imposer un plan de bataille qui permette d’entraîner les autres secteurs, pour construire un mouvement de l’ensemble du monde du travail en défense des services publics, contre la politique pro-patronale du govuernement, et pour refuser de payer la crise sanitaire et économique.

 
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