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La Izquierda Diario
13 de mars de 2022 Twitter Faceboock

Des superprofits mais rien pour les salariés
Thales : une grève nationale inédite pour les salaires
Rafael Cherfy

L’un des leaders mondiaux de l’industrie connaît une mobilisation inédite de ses salariés. À l’origine de la colère, des bénéfices records qui finissent dans la poche des actionnaires quand les salaires, eux on été gelés en 2021. Dans un contexte d’explosion des prix, les grévistes refusent la proposition méprisante de la direction et sont en grève tous les jeudis depuis un mois et demi.

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Des supers profits, pour les actionnaires, mais pas pour les salariés

Tandis que la BCE vient de publier des prévisions à la hausse très inquiétantes avec 5,1 % d’inflation prévu pour 2022, les négociations annuelles obligatoires (NAO) proposées par les directions de nombreuses entreprises sont totalement méprisantes pour les travailleurs. Systématiquement, ces propositions sont en dessous de l’inflation, ce qui revient à perdre de l’argent. Une situation inacceptable pour des millions de salariés qui ont déjà fait de nombreux efforts pendant la pandémie.

Le mépris est d’autant plus fort quand il s’agit d’une multinationale comme Thalès qui ne connaît pas la crise avec un bénéfice net multiplié par deux en 2021 et un carnet de commandes rempli pour le futur. C’est plus d’un milliard de bénéficie net réalisé l’année passée, surtout grâce aux activités de défense dans un contexte d’une militarisation toujours croissante dans le monde, incarnée en ce moment par le conflit en Ukraine.

Malgré ces chiffres records, Thalès ne veut rien céder et propose seulement 3,5 % d’augmentation après avoir gelé les salaires en 2021. De plus, l’entreprise joue sur le calendrier en proposant que cette augmentation de salaires soit différée, une preuve de plus du mépris d’une direction qui cherche à gratter le moindre centime quand il s’agit des salariés. Pourtant, selon le syndicat FO, Thalès aurait distribué 130 M € cette année aux actionnaires (qui sont principalement l’État et Dassault).

En conséquence, sur de nombreux sites en France, les salariés de Thalès se mobilisent tous les jeudis depuis six semaines. Une mobilisation inédite dans une entreprise où le dernier conflit social remonte à une dizaine d’années.

Un mouvement de grève national totalement inédit

Le mouvement de grève est national et touche de nombreux sites de Thalès, un géant qui compte à lui seul, plus de 30 000 salariés en France. « C’est totalement inédit » affirme Thomas, élu CGT Thalès. « Avant, on se mobilisait de façon locale, depuis que je suis dans l’entreprise, il n’y avait jamais eu de mouvement national coordonné. On a tiré le bilan des luttes isolées et on a construit un mouvement qui prend de l’ampleur et risque de se durcir dans les prochaines semaines ».

Du côté des grévistes, il y a un clairement un « problème de répartition des richesses » comme nous raconte Carole, aussi syndiquée CGT qui fait partie des 5 % d’ouvriers du site de Thales Alenia Space à Toulouse, l’un des plus important du groupe avec 2600 salariés. Sur le site, des centaines de salariés étaient à nouveau en grève ce jeudi 10 mars et bloquaient les accès de livraisons. D’après Carole, « 500 salariés se sont réunis en assemblée générale ce midi, soit 20 à 25 % du site, c’est énorme, la grève touche de nouvelle personnes ».

 Sur les grilles du site toulousain, on aperçoit une inscription sur une pancarte réclamant « 6,5 % » d’augmentation, mais certains grévistes affirment que leur revendication n’est pas totalement fixée, surtout dans un contexte d’explosion des prix. Depuis le début des négociations, l’intersyndicale CGT, FO, CFE CGC CFDT boycott les réunions de NAO et a tenu a être clair : en dessous de 4 % d’augmentation, pas de négociation. Les discussions sont donc au point mort avec une direction qui reste sourde à ces conditions.

Les salariés sont d’autant plus remontés par le jeu de calendrier que tente d’imposer la direction avec une application des salaires différés dans le temps. Les salariés revendiquent l’abolition définitive de ce jeu de dupes avec une application des hausses de salaire à compter du 1er janvier, comme avant la pandémie. « C’est le minimum qu’on nous doit, surtout quand on voit les chiffres que réalise le groupe grâce au travail de l’ensemble des salariés » nous confie Carole.

Cette mobilisation à l’échelle de tout le groupe Thalès est à suivre de près, car le mouvement risque de se durcir dans les prochaines semaines. Déjà, ce jeudi 10 mars une action nationale a réuni plus de 800 salariés devant le siège de Thalès à la Défense en parallèle des nombreux piquets de grève qui se sont tenus comme à Toulouse. Selon Carole, « La dynamique est positive, certains qui débrayaient seulement une heure il y a quelques semaines maintenant font grève toute la journée. On sent que le mouvement va se durcir si la direction ne bouge pas. »

Multiplication de luttes pour les salaires, comment gagner ?

Plus largement, une colère existe dans de nombreuses entreprises sur cette même question des salaires. La hausse brutale des carburants et l’inflation galopante menacent l’ensemble des travailleurs si les salaires ne suivent pas. Si le ministre de l’économie, Bruno Le maire, nous demandait le 7 mars de « faire des efforts », c’est au patronat de payer, et non pas aux salariés.

Tandis que le conflit en Ukraine vient approfondir la hausse des prix déjà forte depuis septembre et menace particulièrement les prix de l’alimentaire et des carburants, le groupe Thalès va surtout bénéficier de la demande accrue en cybersécurité. En témoigne son action en bourse qui a gagné plus de 20 % ces derniers jours. Malgré ces chiffres record réalisés par différents groupes du CAC 40, les salaires ne suivent pas.

Face à ce mépris, il va falloir arracher ces augmentations par la grève, comme l’ont montré différentes mobilisations dans des entreprises ou la grève n’était pas une coutume. De Leroy Merlin à Sephora, en passant par la sous traitance aéronautique avec Dericheboug, AHG, ou encore Daher de nombreux salariés ont fait grève, pour certains avec beaucoup de radicalité exprimant la colère de la première et seconde ligne.

Seulement, pour obtenir une véritable victoire, il manque un plan de mobilisation pour l’ensemble des secteurs du travail qui sont nombreux à accumuler de la colère sur la question des salaires, mais pas encore mobilisé. C’est le seul moyen d’obtenir une véritable hausse du salaire minimum, mais aussi des augmentations conséquentes pour tous, notamment avec l’indexation de l’ensemble des salaires sur l’inflation.

Si l’intersyndicale nationale appelle à une nouvelle journée de mobilisation interprofessionnelle le 17 mars sur les salaires après celle du 27 janvier qui n’as pas été à la hauteur de la colère existante, cet appel isolé ne suffira pas à motiver des milliers de salariés à se mettre en grève s’ils n’ont pas l’impression que le jeu en vaut la chandelle. Autrement dit, les secteurs déjà en lutte ou ayant lutté chacun sur son entreprise expriment une colère à la base, à laquelle il faut donner une perspective offensive qui dépasse les journées de grève isolées et espacées de plusieurs mois.

Il est donc fondamental de construire un plan de bataille qui cherche à soutenir et coordonner ces conflits pour les faire connaître de toute une frange de la population qui n’est pas encore mobilisée, tout cela dans la perspective d’un grand mouvement d’ensemble en défense des salaires qui permettrait réellement de gagner une hausse générale conséquente. Les prix augmentent, c’est au patronat qui a engrangé des profits historiques depuis deux ans d’en payer le prix !

 
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