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14 de mars de 2022 Twitter Faceboock

Souffrance au travail
Éducation nationale en souffrance : à Blois, une enseignante de 64 ans se défenestre en plein cours
Tristane Chalaise

Au lycée professionnel Sonia-Delaunay de Blois, une enseignante s’est jetée par la fenêtre devant l’une de ses classes. Un geste qui en évoque d’autres et qui vient illustrer les conséquences du dynamitage de l’école dont sont responsables les gouvernements successifs, qui s’est approfondi sous le ministère Blanquer et avec la crise sanitaire.

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Crédit photo : AFP - Boris HORVAT

D’après les informations relayées par La Nouvelle République et Le Parisien, l’enseignante âgée de 64 ans, professeure d’économie-gestion, a sauté par une fenêtre du deuxième étage de son établissement, alors qu’elle était en classe avec des élèves de terminale et l’une de ses collègues. Victime de plusieurs fractures, elle a heureusement survécu à sa chute et son état de santé s’est aujourd’hui stabilisé.

Un geste qui en évoque d’autres et qui interpelle sur la souffrance dans l’Éducation nationale

Les premiers éléments relayés par la presse laissent peu de doutes sur le fait qu’il s’agit d’une tentative de suicide. Un geste malheureusement loin d’être isolé dans l’Éducation nationale : une des rares enquêtes publiées sur le sujet, en novembre 2019, révèle qu’en moyenne, un agent de l’Éducation nationale s’est suicidé toutes les semaines durant l’année scolaire 2018-2019. Une situation qui touche surtout les plus de 45 ans, soit les personnels les plus anciens dans l’Éducation nationale, et en augmentation si l’on compare à la précédente enquête, parue… en 2002.

Des suicides dans lesquels l’institution est parfois directement mise en cause, notamment lorsqu’ils ont lieu sur le lieu de travail. En septembre 2019, Christine Renon, directrice d’école à Pantin, s’est ainsi donné la mort à l’intérieur de son établissement, laissant derrière elle une lettre dans laquelle elle pointe directement la responsabilité de l’Éducation nationale. Depuis, d’autres personnels de l’Éducation se sont suicidés à cause de leur travail. En 2020, Bruno Delbecq, directeur d’école à Saint-Laurent dans le Var, se suicide sur son lieu de travail. En 2021, le rectorat de l’académie d’Orléans-Tours est contraint de reconnaitre la responsabilité de l’institution suite au suicide de la principale d’un collège sur son lieu de travail, tandis que, la même année, l’inspection académique du Var reconnait « l’imputabilité de ses services » suite au suicide d’un instituteur.

Le mal-être enseignant, résultat de la dégradation profonde des conditions de travail

Le suicide de Christine Renon en 2019 a donné lieu à plusieurs de journées de mobilisation, qui ont permis aux personnels de l’Éducation nationale d’exprimer leurs souffrances qui, loin d’être un problème individuel, sont structurelles. Elles sont en effet le résultat de politiques qui ont progressivement dégradé les conditions de travail des personnels, devenues aujourd’hui insoutenables pour certain.e.s.

Les différentes réformes de l’école ont en effet conduit à multiplier les tâches des personnels, qui doivent faire toujours plus avec toujours moins – pour rappel, depuis la présidence de Nicolas Sarkozy, plus de 60 000 postes ont été supprimés dans l’Éducation nationale, tandis que le nombre d’élèves reste relativement stable. Alors que les personnels dénoncent depuis des années le manque de moyens dans l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer a réussi le tour de force de rendre 200 millions d’euros du budget qui était alloué à son ministère en 2021. Le refus d’embaucher du personnel a conduit à la multiplication des heures supplémentaires, désormais obligatoires dans le second degré. Des choix politiques qui conduisent à une surcharge de travail et à l’épuisement, voire à des burn-outs. Une étude du ministère de l’Éducation nationale publiée en 2019 précise que 10% à 14% des enseignant.e.s ont connu un burn-out en début ou en fin de carrière, tandis que presque 30 % en présentent des symptômes !

À cela s’ajoute un accroissement des pressions de la part de la hiérarchie. Le ministère Blanquer marque en cela un approfondissement, non seulement dans la répression des personnels « contestataires », mais aussi par le recours à des stratégies de plus en plus managériales. Désormais, les chefs d’établissement pourront être recrutés dans le privé, tandis que le renforcement de « l’autonomie » des établissements va soumettre davantage les personnels à leur direction, en charge de distribuer les bons et les mauvais points. Des pressions qui se couplent avec un profond mépris de l’institution envers ses personnels. Non seulement la médecine du travail est (quasi) inexistante dans l’Éducation nationale, mais la gestion de la pandémie a été un révélateur du peu de cas que fait le ministère de ses personnels. D’abord « envoyés aux fraises », les enseignants ont en ensuite eu le sentiment – justifié – d’être envoyés au front sans protection. Un mépris qui a culminé lors du scandale du « Protocole Ibiza », le ministre de l’Éducation nationale ayant transmis le protocole sanitaire à appliquer dans les écoles deux jours avant, dans un journal payant… et depuis Ibiza !

À l’approche des élections, le gouvernement Macron prévoit ainsi de continuer à dynamiter le statut des enseignants, en mettant définitivement fin au recrutement à vie pour précariser davantage le secteur, et rendre les personnels corvéables à merci. Le report de l’âge de la retraite va avoir aussi un impact sur les enseignants : il n’est pas anodin que les personnels les plus âgés, épuisés, témoins de la multiplication des attaques ces dernières décennies, soient plus susceptibles de tenter de mettre fin à leurs jours. L’enseignante de Blois a 64 ans, tandis que Christine Renon avait 58 ans et Bruno Delbecq 63 ans.

La tentative de suicide de Blois s’ajoute à la triste liste des gestes désespérés de la part de nos collègues, que nous déplorons, et au nom desquels nous continuerons à mener la bataille pour renverser un système qui nous broie, prêt à sacrifier des vies pour faire toujours plus d’économies tandis que d’autres voient s’accumuler leurs profits. Nous souhaitons un prompt rétablissement à cette collègue et lui apportons tout notre soutien, ainsi qu’à sa famille et à ses collègues.

 
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