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La Izquierda Diario
21 de avril de 2022 Twitter Faceboock

Ni Le Pen, ni Macron !
« Tout sauf Macron » ? Pourquoi voter Le Pen, c’est voter contre son propre camp
Joël Malo

Face au second tour réactionnaire Macron - Le Pen, de nombreux travailleurs envisagent de voter pour Le Pen au nom du "tout sauf Macron". Une logique qui reflète la haine suscitée par le Président des riches, mais qui constituerait une erreur profonde. Pour nous ce sera ni Le Pen, ni Macron !

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Crédits photo : Est Républicain / Alex Marchi

Le résultat du premier tour a donné le résultat voulu et préparé par La République en Marche depuis de longs mois : imposer Marine Le Pen comme principale opposante, et faire un remake du second tour de 2017. Pourtant, par rapport à 2017, celui-ci n’a jamais été aussi serré. Après 5 années de macronisme, l’extrême-droite est plus forte que jamais et Marine Le Pen, qui a engrangé 456 000 voix supplémentaires, bénéficie d’une réserve de voix inédite. Dans ce contexte, la tentation du « tout sauf Macron » se diffuse chez de nombreux travailleurs, désireux de dégager Macron à tout prix, quitte à voter pour la candidate d’extrême-droite.

Une colère et une haine exacerbée contre Macron, le président des riches

La colère contre Macron ne vient pas de nulle part. C’est le résultat d’un quinquennat d’attaques sociales et d’autoritarisme débridés. Des ordonnances XXL de la Loi Travail à la casse sans précédent de l’assurance-chômage en passant par la suppression de l’ISF, la réduction des APL ou la réforme (avortée) des retraites, c’est une véritable guerre contre nos acquis sociaux qu’a menée le Président des riches.

Sur le terrain anti-démocratique et sécuritaire, l’inscription dans la loi des dispositions de l’état d’urgence, la loi sécurité globale, la loi séparatisme, les multiples cadeaux à la police, la gestion policière de la pandémie, le saut opéré dans la répression ultra-violente des mouvements sociaux et des classes populaires ont été les autres marqueurs de ce quinquennat autoritaire et de guerre sociale.

Le soulèvement historique des Gilets jaunes ne devait rien au hasard. Cette révolte, a été une réaction aux attaques profondes du gouvernement et au mépris de classe ouvert de Macron. Avec ses petites phrases méprisantes et ses promesses de sang et de larmes pour les classes populaires, le monarque républicain a rapidement incarné tout qu’il y a de plus détestable dans la Vème République.

Le Pen, une fausse candidate « anti-système » dopée par les trahisons de la gauche

Cette détestation absolument naturelle de Macron a ainsi pu amener à des logiques de vote « anti » ou de « tout sauf Macron » dès les élections européennes de 2019. Une réaction erronée consistant à faire payer à Macron, dans les urnes, ce qu’il avait infligé dans la rue et au quotidien, quitte à voter pour un programme pro-patronal, raciste et répressif comme celui de Marine Le Pen.

Face au Président des riches, cette dernière a cherché à se poser en principale opposante au gouvernement, avec la complicité de Macron lui-même, cherchant à installer ce duel. Le vote FN/RN a souvent été un vote de colère, par dépit et rejet du système. Le vote que les médias rejettent, contre lequel tous les politiciens haïs se rejoignent dans le fameux « front républicain ». Le Pen en a régulièrement joué pour se présenter comme « anti-système », expression fourre-tout reprise en général par tous ceux qui traînent justement, depuis toujours, dans ce système.

Cette image a pu prospérer grâce aux trahisons de ceux qui disaient représenter les intérêts du monde du travail, à commencer par le Parti Socialiste et le Parti Communiste. Au pouvoir, ces derniers se sont jetés dans les bras des classes dominantes, donnant lieu à l’alternance PS / droite traditionnelle, qui a dirigé le pays ces trente dernières années, multipliant les attaques sociales, avant de s’effondrer. Ce sont ces trahisons qui ont été au fondement de la confusion entre la gauche et la droite, permettant à Marine Le Pen de transformer un parti d’extrême-droite fondé par des néo-fascistes, des anciens de l’OAS et des nazis en organisation prétendant représenter une partie des classes populaires.

Alors que la gauche a par ailleurs systématiquement expliqué (jusqu’au troisième tour électoral de la FI) aux travailleurs que les jours heureux s’obtiendraient dans les urnes, tous les ingrédients sont réunis pour que la haine contre Macron débouche vers un vote Le Pen. C’est dans ce cadre aussi qu’autant d’électeurs ayant voté pour Mélenchon au premier tour finissent par voter Le Pen comme un moyen d’éviter Macron. Certains par calculs plus qu’hasardeux sur sa capacité à diriger le pays, d’autres en se disant que « ça ne pourrait pas être pire », d’autres par la croyance en la théorie (fumeuse et dangereuse) que le chaos déclenché générerait de la lutte de classe, d’autres enfin convaincus par l’affichage social de Le Pen. Examinons ce dernier point.

Le Pen n’est pas la candidate des classes populaires mais l’une des pires ennemis du monde du travail

L’expérience des attaques et de la répression tout au long du quinquennat n’a pu qu’alimenter la haine du système, sur laquelle Le Pen entend aujourd’hui capitaliser. Pour cela, elle a cherché tout au long de sa campagne de 1er tour à mettre en partie son projet raciste sous le tapis au profit d’un affichage plus « social ».

A regarder son programme, celui-ci n’a pourtant pas grand-chose de « social », et va plutôt à l’inverse de ce qu’ont pu porter les luttes populaires depuis 5 ans. Symbole particulièrement fort, Le Pen entend créer un ministère de la fraude sociale. Un ministère pour emmerder les chômeurs et celles et ceux qui touchent le RSA, les contraindre à accepter les moindres petits boulots de merde sous peine de leur couper les vivres. Une autre manière de formuler le programme de Macron qui a saccagé l’assurance-chômage et promet de faire travailler pour moins que le SMIC les allocataires du RSA.

Opposée à toute augmentation du SMIC, Le Pen ne promet en guise d’augmentation des salaires qu’une escroquerie traditionnelle de la droite. Elle veut ainsi baisser les cotisations sociales pour augmenter de 10 % le salaire net. Le résultat est couru d’avance, assèchement des caisses d’assurance maladie, de chômage, de retraites. Et sur les retraites, sa promesse de retraite à « 60 ans » cache une belle arnaque.

Des cadeaux massifs au patronat

Pour les riches, Marine Le Pen multiplie en revanche les cadeaux : exonération d’impôt sur le revenu de toute personne de moins de 30 ans, permission aux propriétaires de bénéficier de niches fiscales en exonérant d’impôt sur la fortune leur domicile principal et leurs œuvres d’art (suppression de l’Impôt sur la Fortune Immobilière), défiscalisation massive des héritages financiers et immobiliers. Des mesures qui raviront les enfants de la moyenne et de la grande bourgeoise, les grands propriétaires comme les membres de la famille Le Pen, pas les jeunes des classes populaires !

Sur ce terrain Macron et Le Pen souhaitent encore baisser les impôts du patronat. Le Medef souhaiterait plus de 30 milliards de baisse d’impôt de production, et Macron comme Le Pen sont d’accord. « La cheffe de file du Rassemblement national table sur une diminution de 10 milliards d’euros de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) et de la cotisation foncière des entreprises (CFE). Le président sortant promet, lui, une baisse supplémentaire de 7 milliards d’euros de la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE). » écrit ainsi Alternatives Economiques.

Enfin, les cadeaux aux patrons ne s’arrêtent pas là, puisque dans la suite logique des lois Macron, et El Kohmri, Le Pen veut mettre le dialogue social à échelle des branches au centre pour contourner le droit du travail. Ce sont notamment les 35 heures qui sont menacées, en divisant les travailleurs secteur par secteur.

La candidate des flics

Le mouvement des Gilets jaunes a eu une portée subversive exceptionnelle, en permettant à des centaines de milliers de personnes (au-delà même des participants au mouvement) d’ouvrir les yeux sur le rôle de la police, dans les manifestations et dans les quartiers populaires. A l’inverse, voter Le Pen, avec ou sans calcul, c’est voter pour que la matraque soit plus dure, et les flics plus libres de mener leurs exactions.

Le Pen drague de manière démagogique les anciens Gilets jaunes, notamment en mettant en avant ces derniers jours le RIC, comme moyen de « pacification » du débat public. Comprendre : si vous manifestez malgré les référendums, nous vous réprimerons violemment. De ce point de vue, elle est assurément l’amie des flics, qui votent majoritairement pour elle. Si Macron a déjà annoncé l’embauche de 3000 policiers et de gendarmes comme un pilier de son programme de combat contre notre classe, Le Pen promet d’en embaucher 7000 ! Surtout, Le Pen compte leur donner « la présomption de légitime défense » autrement dit le droit de tuer, en étant encore moins inquiétés qu’ils ne le sont actuellement.

En ce sens, face à l’autoritarisme de Macron, voter Le Pen c’est garantir de nouveaux cadeaux aux policiers et toujours plus de répression. C’est dire que l’impunité des flics qui ont arraché la main d’Antoine Boudinet et de tant d’autres doit être renforcée, c’est les encourager à tuer dans les quartiers populaires ou à tabasser, comme ils l’ont fait avec Michel Zecler. C’est défendre la légitime défense des assassins de Steve.

Une position défendue par plusieurs des victimes de la répression macronienne. Jérôme Rodrigues, Gilet jaune éborgné par la répression de Macron a ainsi rappelé la centralité de la répression dans le projet de Le Pen, notant : « les LBD bleu marine ou bleu Macron, ça fait les mêmes dégâts » ! De son côté, Antoine Boudinet, Gilet jaune mutilé lui aussi, a dénoncé sur Mediapart la récupération de son image au service de Le Pen dont il souligne le projet autoritaire.

Un projet raciste, xénophobe au service de la division de notre classe

Finalement, le projet de Le Pen est profondément raciste, au service de l’oppression des musulmans, des immigrés, et de la division de notre classe. Le Pen entend en effet trier les classes populaires entre ceux qui ont des papiers uniquement français et les autres. Son programme est fondé sur cette opposition : elle entend en effet financer ses miettes de programme « social » en retirant toute possibilité d’aide pour les étrangers. Voter pour elle, c’est soutenir un programme qui voudrait nous faire croire que nous avons plus en commun avec les grands patrons comme Bolloré ou Bernard Arnault, qu’avec nos collègues et voisins qui n’ont pas la nationalité française ou qui ont une double nationalité.

Sur les ronds-points, dans les manifestations, c’est la haine commune de ce système et le ras-le-bol des conditions de vie et de travail qui nous ont réunis. Aucune nationalité et aucun papier d’identité n’étaient demandés à l’entrée, et pour cause ils ne protègent pas de l’exploitation et des combines des politiciens de LREM ou du RN. Seulement, comme Macron a licencié des dizaines de milliers de fonctionnaires, sous prétexte de vaccin, Le Pen veut en licencier plusieurs millions parce qu’ils n’ont pas les bons papiers. Elle veut les empêcher de se syndiquer, de participer à des associations, les priver d’accès aux allocations et à un logement HLM. Certains ont légitimement dénoncé le « pass vaccinal », accepteront-ils de voter pour ce « pass national » ?

Là encore, Le Pen et Macron ont le même objectif : empêcher toute alliance entre les travailleurs des quartiers populaires urbains et des zones rurales ou entre les travailleurs Français et étrangers. Rappelez-vous comment Macron a voulu faire de l’« immigration » un des sujets centraux de son « débat citoyen » en réponse aux Gilets jaunes, pour contourner les questions profondes que celui-ci soulevait ! Rappelez-vous comment la lutte contre le « séparatisme » est devenue la priorité du gouvernement au moment du surgissement du mouvement Black Lives Matter contre le racisme et les violences policières dans le monde entier, moins d’un an après le mouvement des Gilets jaunes !

Dimanche 24 avril, pour nous, ce ne sera ni Le Pen, ni Macron et nous invitons tous ceux qui sont tentés par un vote anti-Macron à faire de même ! Le prochain quinquennat sera un quinquennat d’attaques et de revanche pour les bourgeois. Face à ça, l’urgence est pour nous de se préparer aux offensives à venir, à construire un vaste mouvement d’ensemble, uni, des travailleurs et des classes populaires, dans les zones rurales comme dans les banlieues. C’est le cauchemar commun de Le Pen et de Macron.

 
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