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La Izquierda Diario
28 de avril de 2022 Twitter Faceboock

3e tour électoral ou 3e tour social ?
Après l’abstention record aux présidentielles, la jeunesse doit construire une riposte par en bas contre Macron
Ariane Anemoyannis

Avec plus de 40% d’abstention au 1e et second tour, les 18-24 ans auront été la catégorie d’âge à bouder le plus les élections présidentielles. Dans la continuité des échéances électorales précédentes, les jeunes sont de plus en plus défiants des institutions et de l’avenir que leur réserve la classe politique. Une colère qui peut participer à construire une riposte par en bas contre Macron, loin de l’illusion d’un 3e tour électoral.

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Crédits photo : O Phil des Contrastes

L’abstention, première candidate des jeunes devant Jean-Luc Mélenchon

Avec 26% au premier puis 28% au second, les élections présidentielles ont marqué une nette progression de l’abstention dans l’ensemble de la population. Un record depuis les élections de 1969, marquée par la crise de mai 68 un an auparavant. Les jeunes ne sont pas en reste, loin de là. Ce dimanche, ils étaient 41% parmi les 18-24 ans à s’abstenir de voter entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron. Un taux similaire à celui du premier tour, où la même catégorie d’âge s’abstenait à 42% selon un sondage Ipsos-Sopra Steria.

Si les élections précédentes marquaient elles aussi une défiance importante des jeunes générations vis-à-vis des institutions – l’abstention s’élevait à 60% aux municipales de 2020 et 87% aux régionales du printemps 2021 –, la progression de dix points de pourcentage en cinq ans concernant le vote aux élections présidentielles où l’abstention est généralement la plus basse est un saut qualitatif dans l’approfondissement de la crise des institutions.

En parallèle, un peu plus d’un tiers des jeunes a voté pour Jean-Luc Mélenchon. Si la proportion de votants LFI qui adhère au programme de l’Avenir en Commun varie en fonction des sondages effectués, il est certain que le bulletin dans l’urne au profit de Mélenchon a exprimé un rejet des politiques néolibérales du président sortant et une aspiration à une gauche renouvelée et de rupture. Parmi les jeunes électeurs de Mélenchon, près de la moitié d’entre eux se sont d’ailleurs abstenus au second tour en refusant le dilemme entre Le Pen et Macron, de manière plus radicale que ce que ne le préconisait le candidat LFI au sortir du premier tour avec son mot d’ordre « pas une voix pour Marine Le Pen ». Cette colère s’est également exprimée sur le terrain de la mobilisation, avec les occupations et blocus lycéens, puis la manifestation de l’entre-deux-tours, où les électeurs de Mélenchon étaient bel et bien présents.

Les jeunes, pointe avancée de la colère contre Macron et son monde

Que ce soit par l’abstention ou le vote Mélenchon, les jeunes ont massivement rejeté la dynamique de droitisation du champ politique, largement construite et entretenue par Macron tout au long de son premier mandat. Particulièrement, l’abstention a été utilisée comme signe de protestation, non seulement contre l’offre politique mais plus profondément contre le jeu électoral.

Un état des lieux que les classes dominantes tentent de décrédibiliser. En juin 2021, le dessinateur Plantu avait ainsi dessiné un couple de jeunes abstentionnistes de façon à dépeindre une jeunesse ignare et dépolitisée au lendemain des élections régionales. Lors de l’entre-deux-tours, la polémique sur les dégradations en Sorbonne ainsi que la répression administrative et policière visaient elles aussi à stigmatiser les jeunes qui refusaient le dilemme entre Macron et Le Pen.

Mais derrière les polémiques sur l’abstention, ce phénomène inquiète sérieusement le gouvernement, bien conscient de la politisation qu’il exprime chez les moins de 25 ans. Dans les colonnes du Monde à l’occasion d’un tchat le 23 juin dernier, Laurent Lardeux expliquait ainsi : « Il y a deux tendances croisées que l’on observe sur la question du rapport à la démocratie des jeunes : une importante désaffection à l’égard de la politique traditionnelle et des institutions de la vie démocratique d’un côté, et une demande toujours plus forte des nouvelles générations de participer de manière plus directe à la vie de la cité de l’autre ».

Autrement dit, non seulement les élections permettent de moins en moins de susciter l’adhésion des jeunes, ce qui est source de déstabilisation, mais ces derniers se tournent vers des modes d’action alternatifs aux bulletins dans l’urne. « Ce qu’on voit progresser depuis quelques années, c’est l’abstention par intermittence [le fait de ne pas aller voter systématiquement] qui est une abstention protestataire, de nature politique. C’est une manière d’exprimer un malaise. » résume Julia Lemarchand des Echos Start.

Dans le même temps, la politisation se fait sur le terrain. Ainsi, selon l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire, un jeune sur deux a donné de son temps à une association, un parti ou un syndicat en 2021. Une proportion en hausse depuis cinq ans, et qui coïncide non seulement avec la pandémie où la solidarité alimentaire a explosé en même temps que l’extrême précarité et la détresse, mais aussi les années du quinquennat Macron où les attaques se sont multipliées contre les étudiants et les classes populaires.

Ce phénomène s’accompagne d’une radicalisation des idées et modes d’action, en lien avec la violence des attaques et « un sentiment d’urgence » selon Julia Lemarchand. De quoi inquiéter Emmanuel Macron, qui assénait aux jeunes de mener la révolution par les urnes sur la chaîne Youtube d’Hugo Décrypte : « Si vous n’aimez pas le système dans lequel on vit, changez-le. Mais si vous décidez de ne pas aller voter, vous décidez de ne pas le changer ».

A peine réélu, son entourage et lui-même sont conscients que le pire reste à venir : « Être élu par défaut, c’est un danger. Il faut obtenir un mandat, être élu sur un projet, par désir. » expliquait-il déjà à ses proches en mars dernier selon Le Canard Enchaîné. En effet, « les jeunes constituent un miroir grossissant de ce que l’on observe ailleurs sur les pratiques de citoyenneté » résume Laurent Lardeux.

À cet égard, la colère exprimée dans les occupations étudiantes et les blocus lycéens concernant le faux dilemme entre Le Pen et Macron constitue la pointe avancée d’une fragilisation plus générale du front républicain. Et avec 58% des suffrages exprimés - 38% des inscrits sur les listes électorales – l’enjeu est de canaliser une colère de la jeunesse qui fait caisse de résonance avec celle de l’ensemble de la population.

Pour le prochain quinquennat, rompre avec toute illusion institutionnelle

Face à cette tendance de fond à la politisation et la radicalisation, qui va certainement se poursuivre avec le prochain quinquennat, deux perspectives se font face et réactivent le débat entre réforme et révolution. D’une part, celle d’un 3e tour électoral avec les élections législatives les 12 et 19 juin prochains. D’autre part, celle d’un 3e tour social et avec elle la nécessité de changer le système entier pour répondre aux aspirations qui s’expriment.

En effet, notamment du côté de La France insoumise, la stratégie du 3e tour électoral est clairement de mise et pourrait participer à canaliser la colère des jeunes par la voie institutionnelle alors que celle-ci a commencé dans l’entre-deux-tours à s’exprimer sur le terrain de la mobilisation. Alors que 34,8% des moins de 25 ans ont voté pour Mélenchon au premier tour, l’objectif est de mobiliser cet électorat pour imposer une cohabitation à Macron. La critique du second tour se circonscrit donc à la figure de Macron, « le président le plus mal élu » qu’il faudrait combattre depuis le gouvernement, et ne vise pas la nature des institutions qui ont fait de lui et Marine Le Pen les finalistes des élections présidentielles.

Autrement dit, cette politique de 3e tour électoral vise la réconciliation des jeunes avec les urnes sous la promesse d’un contre-pouvoir à l’Assemblée Nationale. Au-delà d’une confiance totale donnée en les institutions de la V° République – un recul important et rapide étant donné que la popularité de la formation de Mélenchon s’est en partie construite sur la revendication d’une VI° République –, elle ne propose qu’une énième impasse électorale pour les jeunes mobilisés tout au long du quinquennat.

Consciente d’avoir un électorat très jeune et mobilisé ces cinq dernières années, la nouvelle force hégémonique à gauche souhaite faire écho à ses aspirations radicales : « Un autre premier ministre est possible » relaient ainsi les militants LFI en référence au slogan anticapitaliste sur la construction d’un autre monde. « Ne vous résignez pas. Entrez dans l’action, franchement, massivement. Le troisième tour commence ce soir » scandait quant à lui Jean-Luc Mélenchon le soir du second tour en appelant à voter LFI aux législatives des 12 et 19 juin.

En réalité, il serait erroné de miser sur l’élection d’un premier ministre pour contrebalancer la guerre sociale que Macron a bien l’intention de mener jusqu’au bout, ni a fortiori le système capitaliste. Il ne faut avoir aucune illusion dans le fait que celui qui a voté 40% de la loi Séparatisme, qui propose le retour du service militaire à sa sauce ou qui a voté 45 milliards d’euros d’« aides » au patronat pourra s’affronter à Macron II et à son projet de guerre sociale et réactionnaire. Dans la continuité du dernier quinquennat, c’est dans la rue et non les urnes que les jeunes peuvent se donner les moyens d’inverser la tendance à la droitisation qui s’observe dans l’ensemble du champ politique et institutionnel, et poser les bases d’une riposte par en bas pour renverser Macron et son monde.

 
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