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4 de mai de 2022 Twitter Faceboock

Accords LFI - PS
Manif des policiers, directeur de cabinet de Hollande… Non, Faure n’incarne pas un « autre PS »
Irène Karalis

Après de longues négociations, LFI et le PS ont conclu un accord pour les législatives. À la tête des discussions, Olivier Faure, premier secrétaire, est accusé par les ténors du parti de détruire la tradition du PS. Pourtant, entre parcours d’apparatchik, participation à la manifestation des policiers et alignement sur le gouvernement Macron, Faure marche dans les pas de ses prédécesseurs.

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Crédits photo : THOMAS SAMSON / AFP

Ce mercredi, après une semaine de longues négociations, La France Insoumise et le Parti Socialiste ont conclu un accord pour les élections législatives. Si « les discussions sur le fond doivent se poursuivre », « un accord global est en bonne voie », selon les mots de LFI. D’ores et déjà, il a été convenu que le PS recevrait 70 circonscriptions.

Depuis quelques jours, la possibilité d’un tel accord faisait remuer au sein de l’appareil du PS, en particulier du côté des figures traditionnelles du parti. François Hollande a qualifié cet accord de « disparition » du PS quand Bernard Cazeneuve a appelé les ténors du PS à « coordonner pour résister et se refondre », avant d’annoncer son départ du parti, Stéphane Le Foll, ministre et porte-parole du gouvernement de Hollande, se proposant pour « conduire la campagne » des dissidents.

Olivier Faure, premier secrétaire du PS et instigateur des discussions avec LFI, n’a pas tardé à répondre à cette levée de boucliers, accusant les « éléphants » du PS d’être responsables de son déclin : « En 2012, le PS détenait, seul, à la fois l’Assemblée, le Sénat, une majorité de départements, 12 régions sur 13. Et que se passe-t-il à la fin du quinquennat ? (...) On a une bérézina », déclare-t-il sur Franceinfo. Il poursuit : « ces gens-là devraient se poser quelques questions, a minima ».

Accusant les anciens du PS d’être responsables de la Loi Travail, du 49-3 et de la polémique sur la déchéance de nationalité, l’actuel chef de file des socialistes en a profité pour tacler Manuel Valls : « les gens, quand ils voient Manuel Valls à la télévision, ils disent ’c’est ça le PS’ et ils pensent que le PS ce sont des gens qui sont juste en attente de trahir quelqu’un ». À travers ces déclarations, et à travers l’accord avec LFI, Olivier Faure cherche à faire peau neuve, une ambition en apparence confirmée par cet affrontement entre ancienne et nouvelle générations. Mais qu’en est-il vraiment ? Olivier Faure est-il réellement l’artisan d’un nouveau PS ?

Olivier Faure, apparatchik pur jus du PS

Militant de l’UNEF dans sa jeunesse et adhérent au Parti Socialiste depuis ses 16 ans, Olivier Faure devient secrétaire général des jeunes rocardiens à 23 ans. Marchant dans les pas de Benoît Hamon, et de Manuel Valls, aujourd’hui son ennemi juré, le jeune militant fait ainsi ses classes auprès de Rocard, défenseur d’une « nouvelle gauche » enthousiaste à l’égard des marchés, une gauche de gouvernement et « réaliste ». À l’initiative d’un vrai tournant vers la droite du PS, Michel Rocard, sous le gouvernement de Mitterrand, reste le premier ministre qui a le plus utilisé le 49-3 et déclaré vers la fin de sa vie qu’il considérait la loi travail comme « une chance pour la France ».

Déjà un habitué des hautes sphères du Parti Socialiste, Olivier Faure devient en 1991 le collaborateur du président de la commission des lois de l’Assemblée nationale française. De 1993 à 1997, il dirige une PME de 150 salariés, avant de devenir jusqu’en 2000 le conseiller de Martine Aubry, au même moment que Benoît Hamon, lui aussi conseiller auprès de la ministre du Travail. C’est elle, et ses collaborateurs, qui mettent en place la fausse loi sociale sur les 35 heures qui va permettre une véritable intensification et flexibilisation du travail pour le patronat. Il est chargé de la communication de François Hollande pendant la primaire présidentielle du PS et devient son expert « opinion » pendant la campagne présidentielle de 2012, plusieurs années après avoir déjà été son directeur adjoint de cabinet, lorsqu’Hollande dirigeait le parti. Faure devient député de Seine-et-Marne en 2012 et est réélu en 2017, et en 2016, il prend la tête du groupe socialiste à l’Assemblée nationale. A cette occasion, il déclare « la fronde c’est finie » !

Après avoir enchaîné les fonctions de direction au sein de l’appareil du PS, Olivier Faure en devient le premier secrétaire en 2018. Depuis, malgré ses déclarations selon lesquelles son ambition serait de rompre avec le PS de Hollande et des trahisons, il n’aura eu de cesse de s’illustrer par son alignement sur ce dernier comme sur le gouvernement Macron.

Faure à la tête du parti : Nouvelle gauche ou gauche de gouvernement ?

Même avant de prendre la direction du PS, Olivier Faure s’illustre par son soutien aux mesures antisociales passées par le gouvernement Hollande. En 2016, il soutient par exemple l’adoption de la Loi Travail avec amendements, affirmant ne pas être « pour un retrait » du projet de loi pendant les mobilisations. « Je considère que le code du travail doit évoluer et qu’il est plutôt sain de vouloir tenir compte d’un certain nombre d’évolutions », explique-t-il. La même année, sur RTL, il affirme : « Manuel Valls est de gauche, même avec une mesure comme la déchéance de nationalité », après s’être pourtant opposé au projet raciste du gouvernement.

Depuis son élection comme premier secrétaire du PS et l’élection de Macron, Olivier Faure marche dans les bottes du gouvernement et s’est engouffré dans son offensive islamophobe et sécuritaire. Déjà en 2016, l’actuel leader du PS envisageait de rejoindre Macron pour les présidentielles de 2017, avant de changer d’avis. Face aux ordonnances Macron de la rentrée 2017 qui enfoncent le clou de la loi El Khomry, il n’est toujours pas pour le retrait du projet ! En mai 2021, il participe à la manifestation de la honte en défilant avec les policiers à Paris. Il dénonce à cette occasion le fait que les policiers soient « exposés en permanence aux agressions » et demande à ce qu’ils aient un « droit de regard » sur les décisions de justice, avant de rétropédaler et d’expliquer que son « expression était malheureuse » devant le tollé provoqué.

S’il a voté contre le projet de Loi Sécurité Globale et a en moyenne moins voté dans le même sens qu’En Marche que l’ensemble du groupe des socialistes, Olivier Faure ne brille donc pas par son opposition au gouvernement et à ces lois antisociales, racistes et sécuritaires. En 2018, Les Jours notaient ainsi : « avec 27,2% de votes en accord avec En marche, Olivier Faure ne fait pas partie des députés les plus hostiles à la politique de la majorité. » Lors du vote sur la Loi Séparatisme, un des piliers de la politique réactionnaire du gouvernement, il préfère s’abstenir et proposer un contre-projet.

Dans ce projet, le secrétaire du PS prévoit une augmentation des dépenses de sécurité à 1% du PIB en cinq ans, le rétablissement de la police de proximité dans les quartiers dits « prioritaires » ainsi qu’une réforme de la Préfecture de police de Paris pour augmenter le nombre de policiers présents sur le terrain. Si le projet va moins loin que celui du gouvernement Macron, il s’inscrit ainsi tout de même dans la continuité du quinquennat Hollande et de la politique sécuritaire de la macronie : plus de policiers et plus de répression.

La NUPES, une planche de salut pour un parti néo-libéral détesté

Difficile, donc, d’imaginer en quoi Olivier Faure et le PS qu’il incarne aujourd’hui pourraient constituer une rupture avec le PS d’hier et des 40 dernières années. Le secrétaire du PS exprimait d’ailleurs cela très bien au micro de RTL en mars dernier, se disant même prêt à donner une circonscription à François Hollande pour les élections législatives ! « Je ne vois pas de quel droit je pourrais m’y opposer. Il aura le logo du Parti Socialiste et il sera investi parfaitement », a-t-il expliqué, avant d’ajouter : « François Hollande est un socialiste éminent, il a été président de la République et à ce titre-là il doit recevoir tout notre respect. » Loin de vouloir rompre avec le PS des trahisons et de Hollande, il finit : « on traverse une période difficile aujourd’hui, mais le pays a besoin de cette force politique qui a été aux affaires, mais surtout qui a apporté à ce pays. »

Son parcours, tout comme ses positions, bien qu’elles aient pu être plus modérés que les virages les plus brusques de Valls ou Hollande à certains moments, est bien celui d’un politicien traditionnel du PS. En réalité, en passant des accords avec le PS, La France Insoumise s’engouffre dans une logique de compromission, allant jusqu’à lui céder 70 circonscriptions, quand le parti n’aurait dû en avoir que 30 suivant la répartition proportionnelle annoncée.

D’autant plus que si le PS a accepté l’abrogation de la Loi El Khomri dans le programme commun, cela aura été au dépens d’autres points de programme centraux avancés par LFI. Sur la retraite par exemple, l’accord prévoit de revendiquer un « droit à la retraite à 60 ans », ouvrant la porte à des possibilités de décote. Il prévoit également une revalorisation du SMIC à 1400 euros mais laisse tomber le fait qu’elle soit immédiate, repoussant potentiellement par là-même son application aux calendes grecques.

En réalité, à travers de tels accords, La France Insoumise donne un nouveau souffle au PS. En acceptant une alliance avec le parti de Hollande et de Valls, avec de nouveaux visages plus jeunes, le parti de Jean-Luc Mélenchon franchit une ligne de plus dans son projet de compromission avec les institutions. Loin de toute illusion électorale dans la Nouvelle Union Populaire Économique et Sociale, il s’agit aujourd’hui de construire la riposte au nouveau quinquennat Macron dans la rue et indépendamment des politiciens de gauche.

 
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