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La Izquierda Diario
19 de mai de 2022 Twitter Faceboock

Bureaucratie syndicale
La direction de la CGT cherche à exclure le syndicat de PSA Poissy et Jean-Pierre Mercier
Vincent Duse
Arthur Nicola

Après sept mois de cabale, la direction de la CGT a exclu le syndicat de PSA Poissy et le délégué syndical central de PSA, Jean Pierre Mercier. Une chasse aux sorcières qui profite, inévitablement, à la direction de l’entreprise.

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Depuis plusieurs années, la Fédération des Travailleurs de la Métallurgie (FTM-CGT), remet en cause le syndicat CGT de PSA Poissy, notamment autour de son orientation. Mais depuis l’automne, la Fédération, aidée de l’Union Départementale des Yvelines (UD 78), a décidé de mettre fin au syndicat historique de Peugeot Poissy, le syndicat PCA (Peugeot Citroën Automobile) Poissy, animé notamment par Jean Pierre Mercier. A l’aide de quelques syndiqués CGT opposés à la politique du syndicat, les dirigeants de Montreuil ont finalement réussi à « désaffilier » le syndicat historique, l’excluant de fait de la CGT. Dernière épisode d’une cabale faite contre le syndicat PCA Poissy, Jean-Pierre Mercier, délégué syndical central (DSC) depuis 2015, a été démandaté ce lundi 16 mai de ses fonctions par la fédération des métallos, le laissant à la merci de la direction du groupe.

Une cabale montée de toute pièces contre le syndicat PCA Poissy

Depuis plusieurs années, la Fédération des métallurgistes, soutenue de facto par Philippe Martinez, veut en finir avec Jean-Pierre Mercier, DSC du groupe PSA et un des porte-parole de Lutte Ouvrière. Et en même temps que Jean-Pierre Mercier, c’est tout le syndicat qui est visé par la fédération, qui a monté, mois après mois, un « dossier » à charge contre le syndicat.

Dans un document datant du 10 janvier dernier, la FTM et l’UD 78 reviennent dans une note sur tous les éléments qui montreraient la nécessité de mettre en place un nouveau syndicat CGT, qui, dans l’esprit de la fédération, obéirait aux dirigeants de Montreuil. Dans cette longue note, qui devait servir de document préparatoire à un Conseil Exécutif Fédéral des métallos, les raisons qui sont censées justifier la désaffiliation du syndicat histoire de Poissy sont mises sur le papier.

Sans rentrer dans tous les détails chronologiques avancés par la fédération, ce qui est reproché au syndicat PCA Poissy est avant tout le lien entre le syndicat et Lutte Ouvrière, dont fait partie Jean-Pierre Mercier (DSC PSA). Sans jamais citer Lutte Ouvrière, la note dénonce ainsi « la « prédominance d’un parti politique » et de l’absence de vie syndicale qui en découle ». S’en suit un enchaînement d’accusation sur le fonctionnement de PCA Poissy : manque de formation syndicale, « non-respect des structures », organisation d’un Congrès du syndicat contradictoire à celui voulu par la fédération, reproche fait à Jean Pierre Mercier d’intervenir trop dans les médias.

Dans l’ensemble, malgré de très nombreuses pièces jointes qui veulent donner une impression d’une situation gravissime, les trois quarts des accusations que la fédération fait au syndicat PCA Poissy consiste à reprocher des non présences en réunions et un « refus du dialogue ». Bref, dans ce procès de Moscou intenté par les bureaucrates de Montreuil, ce qui est avant tout reproché au syndicat PCA Poissy, c’est de ne pas obéir au doigt et à l’œil de la centrale.

De novembre à mai : sept mois pour détruire un syndicat

Évidemment, depuis le début de cette cabale, la fédération de la métallurgie s’est toujours défendue de « vouloir couper des têtes », prétendant vouloir agir dans le but de « l’unité syndicale ». Pourtant, dans la façon dont la fédération et la direction de l’UD 78 ont réussi à exclure le syndicat PCA Poissy de la CGT, difficile de ne pas voir des manœuvres d’appareils justement destinées à couper des têtes.

En effet, alors que les accusations contre le syndicat PCA Poissy s’accumulaient, celui-ci a annoncé courant octobre dernier la tenue d’un congrès du syndicat pour le 14 novembre afin de donner la parole aux syndiqués. Malgré la présence de responsables de la fédération à cette réunion préparatoire, rapidement, toutes les structures de la CGT dénoncent l’organisation de ce Congrès, organisé par les syndiqués de PCA Poissy et non par la Fédération des métallos et de l’Union départementale.

Malgré les oppositions de la bureaucratie de la CGT, le congrès du syndicat finit par se tenir le dimanche 14 novembre. 193 sur 290 syndiqués y participent, ainsi que des représentants de 12 autres syndicats du groupe PSA-Stellantis, sur les 15 usines du groupe en France. Et alors que l’équipe dirigeante sortante du syndicat y est réélue, la FTM continue de vouloir mettre fin au syndicat.

C’est ainsi qu’a été organisé le 11 décembre un second Congrès, se tenant sans les responsables du syndicat existant, ni les représentants des autres syndicats du groupe. Piloté par la fédération et l’UD 78, ce Congrès met en place un nouveau syndicat, la CGT Stellantis Poissy.

Fort de l’existence de deux syndicats sur la même usine, dont un à ses ordres, la Fédération des métallurgistes a donc argué qu’il ne pouvait pas y avoir deux syndicats sur le même « périmètre ». Alors que le syndicat PCA Poissy existe depuis plus de cinquante ans, les deux syndicats sont mis sur un pied d’égalité, et lors d’un Conseil Exécutif Fédéral, le 13 janvier, l’ancien syndicat est « désaffilié » à 29 voix pour et 2 contre. Deux jours avant, c’était l’UD 78 qui statuait dans le même sens. Dans la foulée, le 7 février, le DRH du site est informé que Farid Borsali ne représente plus la CGT, le nouveau secrétaire général du syndicat CGT du site étant Jonathan Dos Santos.

Pour boucler la boucle, la fédération des métallos informe finalement la direction du groupe PSA le 16 mai que Jean Pierre Mercier n’est plus Délégué Syndical Central.

Un coup de force de la direction de la CGT contre la démocratie ouvrière

Tout au long de l’année, le syndicat PCA Poissy semble pourtant avoir tout fait pour montrer le soutien des salariés du site de Poissy, mais aussi des syndicats du groupe.

Il faut tout d’abord souligner le soutien des syndiqués du site Poissy à leur syndicat : sur 290 syndiqués, 193 ont participé à un Congrès et ce malgré la cabale orchestrée par la fédération. Mais le soutien au syndicat historique semble dépasser largement le syndicat : une pétition, signée par 1085 salariés du site (qui en compte 3500 avec les sous-traitants), a été relayée, demandant la reconnaissance du syndicat PCA Poissy. Avec cela, 222 élus CGT et mandatés dans le groupe PSA (soit 91% des élus de la CGT) ont affirmé vouloir garder Jean Pierre Mercier comme délégué syndical central.

Dans leurs courriers, les différents délégués syndicaux de l’énorme majorité des sites PSA (Valenciennes, Mulhouse, Sept-Fons, Douvrin, Hordain, Carrières, Metz, Sochaux, Charleville, Vélizy, Rennes, Vesoul, Caen et Poissy) ont ainsi montré leur soutien à quatre reprises, à travers des courriers adressés aux syndiqués de PSA et aux acteurs fédéraux et confédéraux.Le 23 décembre, ils dénonçaient ainsi la création d’un deuxième syndicat : « L’UD 78 et la Fédération de la Métallurgie, plutôt que d’accepter les décisions prises démocratiquement par les syndiqués au congrès du 14 novembre, ont choisi ces diviseurs [la dizaine de délégués opposés à la direction du syndicat] en soutenant la création d’un 2e syndicat CGT. Le fonctionnement de base de la démocratie syndicale CGT est totalement bafouée ». Le 25 avril dernier, alors que le syndicat PCA Poissy était officiellement exclu de la CGT, ces mêmes élus réitéraient leur soutien à Jean Pierre Mercier en tant que DSC du groupe PSA : « Nous vous demandons de respecter notre décision que Jean-Pierre Mercier soit notre DSC. A défaut, nous procéderons à l’organisation d’une élection au sein du groupe CGT PSA pour désigner le nom du DSC ».

Malgré toutes ces oppositions, la direction fédérale de la Métallurgie a continué d’imposer bureaucratiquement ses élus et notamment le nouveau délégué syndical central, Michael Imhoff, élu dans l’usine de Trémery (Moselle), la seule à s’opposer à Jean Pierre Mercier. Face à cette politique bureaucratique, les délégués CGT du groupe ont donc organisé, vendredi dernier, une Assemblée Générale. Fait rare, celle-ci s’est déroulée dans le patio du siège de la CGT, à Montreuil, sous les yeux de tous les responsables de la Confédération. Et alors que tous les syndicats CGT avaient organisé un vote sur le Délégué Syndical Central, le résultat était sans appel : 223 voix pour Jean Pierre Mercier, et 31 voix pour Michaef Imhoff. Immédiatement, Abdelaziz Bouabdellah, membre du Secrétariat fédéral des métallurgistes, prend la parole déclarant le vote « caduc » sous les huées des délégués venus scandant « Aziz démission ».

La direction de PSA se frotte les mains

Évidemment, la politique de la fédération des métallurgistes a fait des heureux dans la direction du groupe PSA. L’occasion peut-être pour elle d’en finir avec Jean-Pierre Mercier, figure de la grève lors de la fermeture du site d’Aulnay sous-bois en 2013, ainsi que Farid Borsali, qui avait déjà été pris pour cible par la direction, accusé de prétendues violences contre un manager durant une grève en 2016. C’est ce qu’ont dénoncé, le 2 mars, les autres secrétaires généraux des syndicats PSA : « la Fédération et l’UD 78, par leurs actions, donnent des armes à PSA pour réaliser ce qu’il n’a jamais réussi à faire depuis 60 ans : faire disparaître un syndicat qui se bat et résiste à tous les coups portés (sanctions, demandes de licenciements, criminalisation de l’action syndicale, attaques devant les tribunaux)  ». Le 25 avril, ces mêmes élus avertissaient à nouveau la fédération : « Jean-Pierre Mercier […] n’a pas d’autres mandats que celui de DSC. Lui retirer, c’est offrir sa tête sur un plateau à la direction de PSA. C’est inacceptable ».

Et les syndicalistes ne se trompent pas : pour PSA, la CGT dans son ensemble a été, régulièrement, une épine dans le pied pour mener à bien ses vagues de licenciements. Dans ce contexte, désaffilier le syndicat PCA Poissy, c’est-à-dire l’exclure de la CGT, revient à supprimer un syndicat entier dans une des plus grosses usines de la région parisienne. Stellantis (ex groupe PSA) annonçait ainsi en février prévoir 2600 suppressions de postes en deux ans. Une opération qui sera évidemment plus facile à Poissy, avec un nouveau syndicat d’une quinzaine de membre et sûrement moins combatif, et qui ne s’opposera pas la politique patronale.

C’est un syndicat de deux cents personnes, avec une forte tradition de lutte, que la Fédération de la Métallurgie a voulu détruire. Cette attaque sera un précédent pour la bureaucratie syndicale pour s’attaquer à toutes les équipes syndicales qui refuseront la politique du dialogue social prônée par Montreuil. A l’heure où Macron a nommé Elisabeth Borne première ministre pour un quinquennat de guerre contre le mouvement ouvrier, il est plus que jamais nécessaire de se solidariser de la CGT PCA Poissy et de dénoncer cette offensive contre le syndicalisme lutte de classe.

 
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