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2 de juin de 2022 Twitter Faceboock

Éducation nationale
Macron et Pap Ndiaye à Marseille : derrière l’opération séduction, un agenda de casse de l’éducation
Nathan Deas

Quelques jours après une visite à l’hôpital de Cherbourg, Macron s’est rendu à Marseille ce jeudi, pour aborder un autre sujet brûlant : celui de l’école. Accompagné de son nouveau ministre, il a cherché à répondre à la crise qui couve dans l’éducation nationale. Une volonté d’occuper le terrain pour ne pas en céder à l’approche des législatives, qui s’accompagne de la promesse d’accentuer encore un peu plus l’ offensive libérale à l’école.

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Crédit photo : SEBASTIEN NOGIER / AFP

C’est sa dixième visite sur place. Entre son premier déplacement, mi-novembre 2016, et son retour dans la cité phocéenne jeudi matin, Emmanuel Macron s’est rendu presque deux fois par an à Marseille. L’occasion d’y annoncer en septembre dernier, une vaste expérimentation de ce qu’il a appelé « l’école du futur ». Neuf mois jour pour jour après, le chef de l’État a annoncé sa volonté de généraliser l’expérimentation à tout le territoire.

La crise couve à l’école

A 12 jours du premier tour des élections législatives, le déplacement n’est pas anodin. A l’école, la crise couve. Alors qu’ont été communiqués mi-mai les premiers résultats aux épreuves d’admissibilité aux concours de l’enseignement, quelque 10 600 postes dans le primaire et 13 690 dans le secondaire restent encore à pourvoir. Du « jamais vu » selon les syndicats du secteur. A tel point que, dans les académies de Toulouse et Versailles, des sessions de « job dating » ont été organisées par le rectorat pour recruter dans l’urgence des personnels pour la rentrée. Une méthode de recrutement qui a choqué par son manque de considération pour les véritables besoins des élèves, mais qui surtout est apparue comme le témoignage de la crise en cours.

Dans ce contexte, la venue de Macron et de son nouveau ministre de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye, à Marseille, est symbolique : l’expérimentation marseillaise, initiée par Blanquer au cours du précédent quinquennat représente la pointe avancée du « changement de méthode » pour l’éducation promu par le chef de l’État, et dont il veut faire une vitrine pour cacher la misère et étouffer la contestation dans l’Éducation nationale. Près de l’école Menpenti que visitaient le chef de l’État et son nouveau ministre, une trentaine de manifestants ont d’ailleurs revendiqué davantage de moyens pour l’éducation malgré l’interdiction formulée par la préfecture le matin même.

L’ « école du futur » : une école néolibérale

Si Emmanuel Macron est revenu à Marseille c’est que depuis septembre le projet a démarré. L’expérimentation marseillaise, qui attribue des moyens aux établissements scolaires en fonction de « projets » ciblés, vise aussi à permettre aux directeurs d’école de participer au recrutement de leur équipe pédagogique, sous le prétexte de donner « davantage de liberté et d’autonomie aux équipes pédagogiques pour bâtir un système scolaire plus juste et plus inclusif ». Dans la continuité de la logique de territorialisation du système éducatif, déjà à l’œuvre avec Parcoursup, celle-ci constitue un nouveau bond dans la mise en place d’une « école à deux vitesses » et d’une éducation différenciée en fonction des quartiers et des publics. Derrière la « méthode radicalement nouvelle » se dessine l’instauration d’une inégalité des territoires et des élèves face à l’école, avec des moyens différents selon les projets que l’établissement sera en capacité de mettre en œuvre – ou pas.

Entre recrutements des enseignants par les directeurs d’établissement « pour lutter contre l’absentéisme », postes à profils, etc. le projet « Marseille en grand » s’inscrit dans la droite lignée de la loi Rilhac, qui donne davantage de pouvoir aux directeurs d’école, et de la précarisation des personnels de l’éducation nationale, déjà largement mise en œuvre à travers la contractualisation et les faibles salaires. La venue à Marseille, comme première sortie officielle du nouveau ministre de l’éducation nationale, aura au moins le mérite de dissiper les quelques illusions qui pouvaient persister. Derrière les différences de forme, le nouveau ministre s’inscrit dans la continuité du précédent, sur le terrain de la casse du service public et de l’éducation.

Macron cherche à reprendre l’initiative : la NUPES en ligne de mire

Après avoir opté pour la discrétion, un mois après sa réélection Macron s’est apparemment décidé à entrer en lice. Le chef de l’État a, semble-t-il, longtemps pensé pouvoir rééditer le bon coup de la campagne présidentielle, quand il s’était abrité derrière la Covid 19 et surtout la guerre en Ukraine pour entrer en jeu le plus tard possible, à quinze jours du premier tour. Mais l’effet de souffle post-élections présidentielles – qui offre traditionnellement au président élu une majorité à l’Assemblée Nationale – a semblé viré au soufre ces dernières semaines.

Après la polémique autour des accusations de viol prononcés à l’encontre de Damien Abad, c’est au tour du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, d’être la cible de toutes les critiques après le fiasco de la finale de la ligue des champions. S’il n’y a pas encore le feu au lac pour la majorité, les sondages en berne et la crise à l’hôpital, où les fermetures de service et appels à la mobilisation se sont multipliés ces dernières semaines, semblent avoir fini par convaincre le chef de l’Etat d’opérer un virage stratégique.

Mardi, à Cherbourg, pour tenter de désamorcer la colère à l’hôpital et aux urgences. Jeudi, à Marseille, aux côtés de Pap Ndiaye, pour se pencher sur le cas de l’école, elle aussi en proie à de très sérieuses difficultés de recrutement. En fin de semaine, dans la presse écrite, à laquelle il accordera en fin de semaine, un entretien selon l’Opinion, Macron cherche à occuper le terrain. Et sur sa « gauche ».

Le choix de Marseille, où Mélenchon est arrivé largement en tête au premier tour des présidentielles, et où la NUPES s’est imposée comme principale force politique de la ville n’est pas anodin, pas plus que les thèmes choisis : santé, éducation, défense d’ « une écologie radicale »... Autant de choix qui marquent la volonté d’incarner un nouvel ancrage à « gauche » et qui doivent permettre au chef de l’État de répondre à la pression exercée par l’union autour des « insoumis » dans le cadre des législatives. Une chose est sûre, ni la « mission d’information » annoncée pour l’hôpital mardi, ni la mise en scène de l’expérimentation libérale à l’école ne risquent de convaincre. Au vu de l’instabilité économique et sociale, il reste à espérer que la colère face à la vie chère finisse par s’exprimer de façon convulsive. Pour les salaires et la défense du service public.

 
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