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16 de juin de 2022 Twitter Faceboock

NUPES
Jeunesse, quartiers populaires : Mélenchon peine à mobiliser son électorat des présidentielles
Ariane Anemoyannis
Nathan Deas

Avec le premier tour des législatives, la NUPES s’impose comme la première force d’opposition à l’Assemblée et transforme l’essai de l’union de la gauche. Mais le bon score de la NUPES n’efface pas les contradictions du « bloc populaire », qui ne parvient pas réellement à convaincre les quartiers populaires et la jeunesse.

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Crédits photo : AFP

La NUPES première force d’opposition : le pari de l’union de la gauche transformé

Ce dimanche, le premier tour des élections législatives a placé la NUPES en tête du scrutin. Les résultats du Monde donnent ainsi les résultats de la NUPES à 26,11%, devant ceux de la coalition présidentielle Ensemble !, donnés à 25,88%. Avec 4 candidats élus dès le premier tour, contre un seul pour Ensemble !, et, dans la plupart des circonscriptions, un second tour qui opposera un candidat de l’union de la gauche au candidat de la coalition présidentielle, les résultats de la NUPES au premier tour confirment son statut de première force d’opposition au bloc de la macronie.

Avec ces résultats, la NUPES relève un défi important : celui d’unifier l’électorat de l’ensemble de ses composantes. Gérard Grunberg, directeur de recherche au CNRS commente dans les colonnes de Ouest France : « C’est un succès tactique et politique d’avoir pu rassembler la gauche. Grâce à cette union, c’est-à-dire présenter un seul candidat par circonscription, ils arrivent à être présents pour le 2e tour dans une immense majorité des circonscriptions, ce qui n’était absolument pas le cas en 2017 ». De quoi -vraisemblablement- multiplier par trois la présence de la gauche dans l’hémicycle. En 2017 les élus de la gauche étaient 57, si on additionne les effectifs du PS, de LFI et du PCF. Ils pourraient être plus de 200 selon certaines estimations dimanche soir et ce alors même qu’en terme de suffrages exprimés la gauche progresse seulement très légèrement par rapport à 2017.

De ce point de vue, l’Union populaire fait coup double et s’assure un poids primordial, puisque 378 de ses candidats sont qualifiés au second tour. Parmi eux, 207 candidats de l’Union Populaire, 77 candidats d’EELV, 67 pour le PS et 49 pour le PCF. Malgré les contradictions pré-existantes de la NUPES, notamment du point de vue programmatique, Mélenchon espère ainsi positionner l’Union populaire au centre du jeu à gauche et aligner ses alliés derrière lui.

Le miroir déformant des institutions : une victoire moins éclatante qu’il n’y paraît

Dimanche soir, entouré des différents représentants de l’alliance de gauche, Jean Luc Mélenchon a voulu installer la « défaite » d’Emmanuel Macron, et appeler à la mobilisation pour le second tour.

Et pour cause, la NUPES ne parviendrait que très difficilement à obtenir une majorité à l’Assemblée selon les projections de sièges réalisées par différents instituts malgré qu’elle fait la course en tête. En effet, le camp d’Emmanuel Macron pourrait conserver entre 255 à 295 sièges, quand la gauche (LFI, PCF, PS et EELV) pourrait en obtenir entre 150 et 210. Une dynamique liée à la structure du scrutin qui favorise la force politique du Président et qui est renforcée par le fait que la coalition de la gauche n’est pas la mieux placée pour bénéficier des reports de voix, contrairement au bloc présidentiel qu’elle affronte dans près de la moitié des circonscriptions au second tour.

« Des réserves de voix parmi ceux qui ont voté au premier tour, il n’y en aura pas beaucoup pour la Nupes » estime Rémi Lefebvre, politologue spécialiste de la gauche. Pour Gérard Grunberg la marge de manœuvre est en effet assez limitée : « Pour la NUPES, la seule question qui se pose va être les reports de voix du Rassemblement National, sachant que Les Républicains (LR) ne voteront pas pour la gauche. » Cette semaine, le chef de file de LFI a déjà tenté de revenir à la rhétorique « fâchés pas fachos » pour s’adresser à l’électorat RN, non sans quelques difficultés.

Du côté de l’ex-majorité, Rémi Lefebvre précise : « diaboliser la Nupes est une façon de mobiliser l’électorat de droite qui va faire la différence et permettre à Ensemble ! de gagner de manière très serrée un certain nombre de circonscriptions ». En effet, si le mot d’ordre de la campagne « Mélenchon premier ministre » a été l’un des moteurs du vote pour les électeurs de gauche, c’est aussi un argument pour la majorité parlementaire qui ne cesse d’énumérer les risques que comporterait, selon elle, une telle situation.

Une hypothèse de victoire d’Ensemble – probablement avec une majorité relative – que Jean-Luc Mélenchon réfute pourtant en bloc : « Matignon ne s’éloigne pas, Matignon se rapproche » s’est-il congratulé sur France 2 lundi soir. Une manière de continuer de mobiliser son électorat pour le second tour en assurant que la victoire est possible, mais surtout d’appeler aux urnes les larges franges de la population qui ne se sont pas déplacées aux urnes dimanche dernier et pourrait constituer une réserve de voix importante.

En effet, derrière les consécrations publiques, la réussite de la NUPES est moins triomphale qu’il n’y parait. De fait, le score de la NUPES est à peu près semblable à l’addition des résultats de la gauche au premier tour des législatives de 2017 (un peu plus de 25% en additionnant le score des partis membres) et ne concurrence pas celui de la gauche en 2012 où le PS obtenait à lui seul plus de 40% des suffrages exprimés.

Une incapacité à s’adresser aux classes populaires : un symptôme aïgu des limites de la NUPES

Si Mélenchon aura réussi à grandement mobiliser le « peuple de gauche », il n’est en revanche pas parvenu à remobiliser les secteurs des classes populaires qui avaient voté pour lui au premier tour des présidentielles. Sur ce terrain, le véritable marqueur du premier tour reste le très fort désintérêt exprimé par la majorité du monde du travail et de la jeunesse, l’abstention atteignant le niveau historique de 52,50%.

Une réalité qui se retrouve dans la base sociologique de la NUPES pour ces législatives. Selon un sondage réalisé par Ipsos-Sopra Steria entre le 8 et 11 juin, l’électorat de la NUPES pour les législatives s’est principalement composé des intermédiaires, des employés et des cadres, ce qui traduit une difficulté de la coalition de gauche à mobiliser les habitants des quartiers populaires, de la jeunesse et la classe ouvrière. En Seine-Saint-Denis par exemple, l’abstention est montée jusqu’à 61,07%, après une mobilisation pourtant exceptionnelle à l’occasion de la présidentielle. Dans la jeunesse, si la NUPES est la formation à avoir le plus séduit en récoltant 42% des votes exprimés chez les 18-24 ans, elle n’aura pas réussi à mobiliser massivement quand près de 70% des moins de 35 ans n’ont pas voté selon un sondage IFOP-Fiducial pour LCI, et même 76% des 18-24 ans. Enfin, chez les ouvriers, 18% des votes seraient allés en faveur de la NUPES, contre 45% pour le RN.

Ces chiffres, issus d’estimations en amont du premier tour, montrent les difficultés de la coalition de gauche à convaincre les classes populaires de son projet de gauche de gouvernement. De fait, alors même que la NUPES misait sur l’idée que les législatives pouvaient être une revanche sur les présidentielles et qu’un « autre monde était encore possible », cela n’a pas suffi pour susciter un réel enthousiasme de la part de secteurs clés de la population et l’alliance a récolté 5 millions de voix de moins que l’UP à elle seule aux présidentielles. Un indice des contradictions de la NUPES quant à la possibilité de consolider l’élan d’avril et de s’ancrer de façon plus pérenne au-delà des séquences électorales.

Une situation qui semble frustrer la coalition, qui a multiplié les recours culpabilisants en direction de la jeunesse pour encourager au vote afin de ramener celle-ci en direction des urnes. « Je veux juste dire aux jeunes qu’il faudrait quand même qu’ils se mêlent un peu de leurs affaires. Ce n’est pas la peine de venir râler sur Parcoursup si après, on ne vote pas pour ceux qui veulent l’abolir », a expliqué Mélenchon sur France 2. Et Sandrine Rousseau de poursuivre sur Twitter : « Dites, les 18/25 ans, soyons honnêtes, c’est un peu pour vous qu’on fait de la politique, là, et qu’on veut changer le monde. Alors, on compte sur vous… ».

Si un sursaut de participation semble peu probable – cela n’étant arrivé qu’à deux reprises sous la V°République – toujours est-il que les résultats de la NUPES marquent une exacerbation des contradictions de la coalition, liée à ses limites stratégiques. En effet, comme l’écrivait Juan Chingo dans un précédent article, le vote Mélenchon aux présidentielles a été une expression déformée de la lutte des classes depuis 2016. Le succès relatif du premier tour des législatives montre bien comment cette stratégie populiste à des fins institutionnelles s’érode déjà face à une dynamique profonde de politisation et de radicalisation des secteurs de notre classe qui ne sont pas aussi simple à canaliser sur le temps long. Face à nous, les attaques sociales à venir combinées à une situation internationale et économique particulièrement instables laissent entrevoir une prochaine séquence d’approfondissement de la crise du macronisme et de la lutte des classes qu’il sera difficile de canaliser par le biais des médiations néo-réformistes comme la NUPES, peu importe le score au second tour des législatives ce 19 juin.

 
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