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La Izquierda Diario
24 de juin de 2022 Twitter Faceboock

Une décision symbolique
L’Ukraine candidate à l’UE : un message pour Poutine avant tout
Philippe Alcoy

Le statut de candidate octroyé par l’UE à l’Ukraine ne signifie pas automatiquement qu’elle en deviendra membre. Mais le message est envoyé à Poutine : son agression est en train d’accélérer l’expansion de l’impérialisme européen vers l’Est.

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Avant le 24 février, jour du début de l’invasion russe en Ukraine, personne n’aurait pu imaginer que quatre mois plus tard, le pays obtiendrait le statut de candidat à l’intégration dans l’UE. C’est désormais fait. Jeudi soir, les leaders des pays membres de l’UE ont décidé d’octroyer le statut de candidat à l’Ukraine et à la Moldavie. C’est une nouvelle qui était attendue depuis quelques jours et qui est perçue à Kiev comme une victoire, même si le climat n’est pas à l’euphorie. En effet, c’est un pas en avant pour le gouvernement pro-impérialiste du président Volodymyr Zelensky mais tout le monde est conscient du long chemin qui sépare le statut de candidat officiel de celui de membre à part entière. Cependant, comme beaucoup l’ont reconnu, y compris Emmanuel Macron, il s’agit avant tout d’envoyer un message à la Russie et d’acter l’accélération de la dynamique d’expansion vers l’est de l’impérialisme européen.

L’Ukraine candidate à l’UE : un message envoyé à un Poutine

Pour la Russie, la première phase de la guerre a été synonyme d’échec, avec notamment l’avortement du probable plan initial de Poutine en Ukraine. Ces éléments sonnent comme une catastrophe pour les objectifs stratégiques de la Russie. En effet, non seulement l’OTAN a réussi à resserrer ses rangs (certes avec des contradictions qui restent), voire à intégrer de nouveaux membres (Suède et Finlande) ; mais en plus le gouvernement de Zelensky s’est renforcé et l’armée russe a vu exposer ses contradictions et faiblesses devant les yeux du monde entier… Et maintenant, l’Ukraine accélère son rapprochement des Occidentaux en obtenant un statut officiel de candidate à l’UE. « Lorsque M. Zelenskiy a annoncé la candidature de l’Ukraine à l’UE, de nombreux pays d’Europe occidentale étaient sceptiques. De hauts fonctionnaires ont dénombré 10 États membres opposés au statut de candidat pour l’Ukraine, mais l’humeur a changé, les dirigeants craignant d’être du mauvais côté de l’histoire », peut-on lire dans The Guardian.

Une invasion de l’ensemble de l’Ukraine et un éventuel changement de gouvernement par la force aurait impliqué un grand nombre de contradictions notamment sociales et politiques pour la Russie. Un tel gouvernement aurait manqué de légitimité internationale et serait très rapidement ostracisé par l’ensemble des puissances mondiales, son économie s’effondrerait et se poseraient des questions sur la viabilité politique et économique d’un tel État. Malgré les promesses d’une telle instabilité, le Kremlin voyait dans son offensive militaire un moyen de bloquer, au moins temporairement, la dynamique de rapprochement de l’Ukraine et des puissances occidentales. L’échec militaire russe lors de cette première phase de la guerre a eu justement des conséquences contraires : l’accélération du rapprochement de l’Ukraine et des Occidentaux.

Une décision symbolique pour un processus long et incertain

C’est dans ce contexte que l’octroi par l’Ukraine du statut de candidat officiel à l’intégration à l’UE prend tout son sens. Cependant, il ne faut pas se tromper, le processus peut encore être très long avant une intégration, si jamais elle a vraiment lieu. Et c’est bien cela que des dirigeants de pays membres dans les Balkans ont exprimé à l’issu de la réunion. Ainsi, le président albanais Edi Rama a déclaré : « la Macédoine du Nord est candidate depuis 17 ans si je n’ai pas perdu le compte, l’Albanie depuis huit ans, alors bienvenue en Ukraine (…) C’est une bonne chose de donner ce statut à l’Ukraine. Mais j’espère que le peuple ukrainien ne se fera pas beaucoup d’illusions ».

En effet, du côté des dirigeants européens il y a beaucoup de scepticisme encore quant à une intégration de l’Ukraine, encore plus sur la création d’une procédure d’intégration accélérée. Ainsi, deux anciens technocrates basés à Bruxelles, Luuk van Middelaar et Hans Kribbe, écrivent dans The Economist : « l’Ukraine mérite des réponses franches, pas de fausses promesses. Et la vérité que les dirigeants de l’UE ne disent pas est que, bien que l’ancrage de l’Ukraine dans les structures européennes soit stratégiquement important, il existe des raisons tout aussi stratégiques pour lesquelles l’UE ne devrait pas en faire partie. Il n’est pas logique que l’Ukraine rejoigne l’Union avant d’avoir obtenu son adhésion à l’OTAN, ce que même M. Zelensky reconnaît comme étant irréalisable aujourd’hui. La sécurité passe avant tout, et l’UE ne peut l’assurer contre la Russie. Les gouvernements des États membres de l’UE ont l’obligation, en vertu du traité, de s’entraider en cas d’agression armée "par tous les moyens en leur pouvoir", mais cette forme de solidarité, conçue dans l’optique du terrorisme ou de la cyberguerre, ne dissuade pas une puissance nucléaire (…) L’Europe doit devenir une force géopolitique capable de travailler avec l’Amérique pour stabiliser la région européenne. Mais l’adhésion de l’Ukraine et d’États tels que la Serbie, favorable à la Russie, risquerait de rendre le club encore plus divisé et paralysé qu’il ne l’est aujourd’hui ».

La décision de jeudi soir va certes dans le sens de renforcer les tendances pro-occidentales en Ukraine et l’expansionnisme de l’impérialisme européen vers l’Est. Cependant, le chemin est encore très long avant que l’Ukraine devienne membre de l’UE. En effet, au-delà des discours se réjouissant sur les « avancées de la démocratie » dans ce pays, la réalité, c’est que l’État ukrainien reste rongé par la corruption, la kleptocratie et en grande partie dominé par des oligarques. À cela il faut ajouter le fait qu’il s’agit d’un pays en guerre dont une grande partie de son territoire est occupé par une puissance hostile comme la Russie (et qui ces derniers jours avance sûr dans la région du Donbass). Ces éléments, parmi d’autres, rendent en principe très difficile une intégration rapide de l’Ukraine dans l’UE. Cependant, ce sera sans aucun doute la guerre et les rapports de force internationaux qui vont être déterminants pour les évolutions ultérieures. En attendant, aucun de tous les scénarios qui se présentent aujourd’hui pour l’Ukraine ne représentent en quoi que ce soit une alternative progressiste pour la classe ouvrière et les classes populaires en Ukraine et en Russie. Bien au contraire.

 
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