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La Izquierda Diario
29 de juin de 2022 Twitter Faceboock

Petits arrangements entre amis
OTAN. Des réfugiés kurdes livrés à Erdogan pour l’adhésion de la Finlande et de la Suède
Joël Malo

Le sommet de l’OTAN s’est ouvert par la levée du veto turc sur l’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’alliance militaire. En échange de l’arrêt de l’embargo sur la vente d’armes et de l’extradition de dissidents politiques turcs et kurdes réfugiés dans les pays scandinaves.

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Crédits photo : AFP

Le sommet madrilène de l’OTAN s’est ouvert mardi par l’abandon du veto turc sur l’adhésion de la Finlande et de la Suède. Après que les ministres des Affaires étrangères scandinaves Ann Linde (Suède) et Pekka Haavisto (Finlande) ont échangé avec leur homologue turc, Mevlüt Çavusoglu, quelques heures avant le sommet, les délégations scandinaves ont accepté toutes les conditions d’Erdogan.

Depuis que la Finlande et la Suède avaient déposé leur demande d’adhésion à l’OTAN le 18 mai denier, rompant avec leur doctrine de neutralité, Recep Tayyip Erdogan avait annoncé s’opposer à leur adhésion. L’adhésion de tout nouvel État à l’alliance doit en effet être acceptée à l’unanimité des membres, une occasion trop belle pour qu’Erdogan n’essaye pas d’avancer ses pions. Ainsi a-t-il accusé la Suède de soutenir et financer le terrorisme, à cause de ses liens avec les YPG kurdes (Unités de Protection du Peuple), branche armée du PYD (Parti de l’Union Démocratique), considérées comme des organisations terroristes par Ankara. Erdogan accusait aussi les deux pays d’accueillir des membres du PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan) et du Mouvement Gülen, allié d’Erodgan dans les années 2000, avant que celui-ci n’en pourchasse les membres les accusant d’être à l’origine du coup d’État de 2016.

Face à une situation interne tendue, marquée par une inflation de 50 %, une dévaluation de la lire, Erdogan cherche à se repositionner sur la scène internationale et à incarner une stature d’homme fort dans sa boucherie contre le peuple kurde.

Le droit d’asile à la botte du militarisme

Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’OTAN, a rapporté que la Suède et la Finlande se sont engagées à « soutenir pleinement la Turquie contre les menaces pesant sur sa sécurité nationale », ce qui implique de « prendre des mesures énergiques contre les activités du PKK ».

Jusqu’à ces derniers jours, la première ministre social-démocrate suédoise, Magdalena Andersson, a rappelé à plusieurs reprises que la Suède place le PKK sur la liste des organisations terroristes. Sa diplomatie a même rappelé que, après la Turquie, il s’est agi du premier pays à y inscrire l’organisation kurde en 1984. Mais ce qui mécontente Erdogan, c’est que la Suède et la Finlande ont, en vertu des règles élémentaires du droit d’asile et de la protection des réfugiés politiques, ont été un refuge pour un grand nombre de dissidents turcs, et notamment des Kurdes à partir des années 1990. La Suède abriterait ainsi une communauté kurde forte de 100.000 personnes.

Mais surtout, depuis octobre 2019, les relations entre la Suède et la Turquie s’étaient distendues en raison de l’offensive d’Erdogan au Nord de la Syrie qui poursuivait le massacre ethnique contre les populations kurdes. La Suède a maintenu des relations avec les YPG, alliés de la coalition occidentale face à l’État Islamique, et a promis de les financer. Suite à la poursuite du massacre d’Erdogan, les deux pays scandinaves avaient également imposé un embargo sur les exportations d’armes. Lever l’embargo était une des conditions d’Erdogan pour lever son veto.

Désormais, en application des promesses des ministres des Affaires étrangères suédois et finlandais, Erdogan réclame à la Finlande l’extradition de 6 membres du PKK et de 6 membres du Mouvement Güllen, et à la Suède de 11 membres du PKK et 10 membres du mouvement Güllen. De la même manière que les gouvernements allemand et français ont consenti à la politique de nettoyage ethnique anti-kurde d’Erdogan en échange du blocage des migrants venus de Syrie, la Finlande et la Suède se rendent complices de l’offensive turque contre le peuple kurde.

La Suède avait déjà autorisé l’extradition de membres du PKK par le passé, répondant aux pressions de la Turquie, mais il s’agit ici d’un tournant, qui ne va pas sans générer des remous dans l’opinion publique.

L’OTAN, l’agence du crime impérialiste

Il était possible d’imaginer que les revendications d’Erdogan sur l’extradition des militants kurdes passent au second plan, et que le véritable objectif de sa manœuvre soit de se faire livrer de nouveaux F-16 américains. En effet, la Turquie avait été exclue du programme du F-35 après s’être équipée de système de défense anti-aérienne russe S-400. Pourtant, les délégations scandinaves ont accepté l’ensemble des conditions turques. Il ne fallait en effet pas gâcher la fête de la grande unité inter-impérialiste qui se déroule actuellement à Madrid.

Dans le même temps, si les États-Unis n’ont officiellement rien offert à la Turquie pour la levée de son veto concernant l’agrandissement de l’alliance atlantique, Biden a d’ores et déjà demandé aux Congrès Américain de répondre favorablement à la demande de modernisation des F-16 turcs, ainsi que d’en livrer plusieurs dizaines. Ce renforcement de la flotte turque répond aussi à la livraison de plusieurs Rafale à la Grèce par la France, dans le cadre de la crise qui oppose la Grèce et la Turquie en Méditerranée.

L’adhésion de la Suède et de la Finlande en tant que membre de plein droit doit désormais être ratifiée par les Parlements des 30 Etats qui composent l’OTAN, un processus qui devrait prendre environ un an, pendant lequel les deux pays seront invités à tous les sommets en tant qu’invités. La Suède et la Finlande ont en tout cas montré leur pleine adaptation à la marche de l’OTAN qui consiste à opprimer les peuples au nom des intérêts des puissances impérialistes et de leurs alliés régionaux comme la Turquie. Une excellente introduction pour le gouvernement « socialiste » espagnol qui va tenter d’obtenir l’intégration au traité de l’OTAN de ses enclaves coloniales marocaines de Ceuta et Melilla, où sont morts au moins 37 migrants la semaine dernière et tenter de faire reconnaître l’immigration comme une « menace hybride ».

Avant même ce chèque en blanc pour persécuter le peuple kurde, les officiels du régime de l’AKP se sentaient déjà pousser des ailes. Ainsi, ces dernières semaines, l’ambassadeur turc en Suède, Mr. Yunt avait-il demandé, avant de se rétracter, l’extradition d’Amineh Kakabaveh, députée indépendante d’origine kurde au Parlement suédois ! Nous déclarons notre entière solidarité avec les militants kurdes menacés, plus seulement par les espions les tueurs du MIT mais désormais par la police des États scandinaves, victimes sacrifiés sur l’autel de l’unité militariste des puissances impérialistes.

 
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