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La Izquierda Diario
1er de juillet de 2022 Twitter Faceboock

Avortement légal, sûr, et gratuit
Manifestations pour l’IVG : la constitutionnalisation ne suffit pas, exigeons tout !
Cécile Manchette

Ce samedi, un appel national à la mobilisation met au centre la question de la constitutionnalisation de l’avortement. Mais s’agit-il d’une fin en soi ? Mobilisons-nous pour le droit à l’avortement légal, libre, sûr, gratuit et accessible à toutes, ainsi que des moyens, des embauches, des salaires dignes pour les personnels de santé, avec nos propres méthodes de lutte : celles de la grève et de l’organisation par en bas.

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Une réaction internationale et nationale en solidarité avec les Américaines, pour le droit à l’avortement !

Suite à l’annonce de l’annulation du droit fédéral à l’avortement aux États-Unis, plusieurs manifestations de solidarité s’organisent depuis vendredi dernier en Argentine, au Mexique, à Malte, ou encore en Irlande, pour rappeler que le droit à l’avortement doit être arraché par la lutte et des mouvements populaires.

En France, de premiers rassemblements en solidarité ont été organisés, dont celui médiatisé qui s’est tenu à Paris dimanche dernier à l’initiative de Du Pain et des Roses, XY Media et Alerta Feminista. Plusieurs centaines de personnes ont répondu à l’appel.

La constitutionnalisation de l’IVG : une promesse partagée par la NUPES, LREM et les centrales syndicales

Parallèlement, Renaissance (ex-LREM) a profité du choc suscité par le recul historique sur le droit à l’avortement aux États-Unis pour promettre de faire rentrer la garantie du droit à l’avortement dans la constitution. Une promesse qui a été reprise par la NUPES, en dénonçant au passage le revirement de LREM sur la question : le parti s’y était en effet opposé en juillet 2018 et en juillet 2019, quand des députés de gauche avaient proposé une loi constitutionnelle. De son côté, Marine Le Pen (RN) estime que cette annonce est purement « une diversion » de LREM, et assure avoir toujours défendu le droit à l’avortement, alors même qu’en 2012 elle évoquait la possibilité de dérembourser l’IVG qui « servirait de moyen de contraception ».

Depuis le weekend dernier, un appel à manifester dans toutes les villes ce samedi 2 juillet a été lancé par le collectif Avortement en Europe et des organisations comme le Collectif national pour les droits des femmes ou Osez le féminisme. L’appel se termine par un soutien à la promesse de constitutionnalisation de l’IVG. Les partis composant la NUPES ont donc rejoint cet appel, à l’image de la France Insoumise, du PCF, du Parti Socialiste, de même que les organisations et associations telles que la Ligue des droits de l’homme, mais aussi les centrales syndicales comme la CGT, la FSU ou encore Solidaires.

La constitutionnalisation ne doit pas être une fin en soi !

S’il est difficile de modifier la constitution, Xavier Vandendriessche, professeur en droit de l’université de Lille, explique cependant que « le principe peut-être réduit à néant si les contours de l’IVG ne sont pas précisés ». Cela signifie par exemple que si le délai légal pour pouvoir pratiquer l’avortement, ou encore le principe de remboursement par la sécurité sociale, ne sont pas précisés « il suffit de modifier la loi Veil, de réduire le délai à 1 semaine de grossesse, sans que ça ne soit anticonstitutionnel. »

Ainsi, laisser croire que l’entrée de l’IVG dans la constitution doit être notre revendication centrale et permettrait de protéger le droit à l’avortement revient à semer une illusion, quand dans le même temps le droit à l’avortement aujourd’hui en France reste limité, difficile d’accès et n’est pas libre pour de nombreuses personnes.

La promesse de constitutionnalisation ne doit pas nous faire oublier qu’il existe une loi en France, datée de 1975 et qui s’applique sur tout le territoire (contrairement aux États-Unis). Plutôt que d’une illusoire constitutionnalisation du droit à l’avortement, c’est des limites de cette loi dont nous devrions être en train de discuter. En effet, la loi de 1975 garantit le droit à l’IVG ; le délai a été modifié récemment pour aller jusqu’à 14 semaines de grossesse, alors que dans certains pays il court jusqu’à 21 semaines. La loi de 1975 comprend également la fameuse double clause de conscience, qui autorise des professionnels de santé à refuser de pratiquer l’IVG, provoquant ainsi des blocages durables dans certaines cliniques et entravant l’accès à l’IVG. Or, rien ne justifie que sur cet acte médical en particulier, il existe une clause de conscience particulière, si ce n’est pour des raisons réactionnaires. Par ailleurs, l’accès à l’acte médical en soit est souvent rendu complexe, notamment pour les personnes sans papiers ou habitant dans des zones éloignées des centres médicaux.

Ainsi, au-delà de revendiquer la constitutionnalisation, nous devons rappeler que le droit à l’avortement est limité et en partie entravé en France, et exiger ainsi que la loi précise que le droit à l’avortement soit légal, sûr, gratuit, libre et accessibles à toutes, ainsi que la suppression de la double clause de conscience.

Par ailleurs, une telle revendication n’a de sens que s’il est également exigé des moyens et des embauches dans les hôpitaux et les cliniques, qui traversent une crise sans précédent, ainsi que l’indexation sur l’inflation des salaires des personnels de la fonction publique tels que les personnels de santé, qui n’ont reçu récemment que la promesse du dégel du point d’indice à hauteur de 3.5% pour les fonctionnaires alors que l’inflation promet d’atteindre 7%. Il est en outre nécessaire d’ouvrir des services et des centres spécialisés dédiés à l’IVG, afin de garantir son accès au-delà des pénuries de moyens dans les hôpitaux.

Un plan de bataille pour le droit à l’avortement, l’accès gratuit à la santé, un salaire et des conditions de travail dignes !

Si l’extrême-droite peut militer aussi activement aux États-Unis, mais également en France, pour rogner sur les droits démocratiques des femmes, des personnes LGBTI, musulmanes et racisées, elle peut remercier les partis libéraux de lui avoir pavé la voie, et la gauche institutionnelle de l’avoir laissée faire. Pourquoi alors devrions-nous faire confiance aux promesses de ces mêmes politiciens, et nous contenter de la constitutionnalisation de l’IVG ?

Aujourd’hui, alors que le gouvernement Macron promet de mener une guerre sociale qui touchera violemment les plus opprimé‧es de la société, comme les personnes LGBTI, et a joué notamment un rôle central dans la diffusion de l’idée qu’il existerait un « lobby LGBTI » qui gangrènerait nos écoles, il est urgent de nous organiser par en bas pour exiger des salaires indexés sur l’inflation pour l’ensemble des personnels de la santé, des moyens pour la santé publique, ainsi que lutter ardemment pour défendre les droits des femmes et LGBTI qui composent une partie importante de la société, étudient, travaillent, et font tourner la société.

Dans cette situation, les centrales syndicales ont fait le choix de s’aligner sur les promesses symboliques du gouvernement plutôt que de proposer un plan de bataille offensif à la fois pour nos droits démocratiques, l’accès à l’avortement, et pour les salaires et les conditions de travail des travailleurs et travailleuses fortement impactés par la crise économique.

C’est en ce sens que les sections CGT et Sud du CHU de Bordeaux appellent, dans leur communiqué, leurs collègues de la santé et l’ensemble du monde du travail à se joindre « aux mobilisations à Bordeaux, en France et dans le monde en solidarité aux mobilisations aux Etats-Unis et pour réclamer un accès total à l’avortement libre et gratuit ». Ils ajoutent : « seule une mobilisation massive dans la rue, à l’image de celles en Amérique latine, et par la solidarité internationaliste, peuvent garantir nos droits. Parce que ce droit est révoqué sous la présidence des démocrates, il est plus que jamais nécessaire de mener ce combat en indépendance des institutions ».

Face à cette attaque réactionnaire dans la première puissance impérialiste mondiale, le monde du travail doit rejoindre les mobilisations pour défendre ce droit démocratique, sous la bannière de la solidarité internationaliste. Aucun de nos acquis n’est garanti dans ce système et, en effet, ce n’est que par la mobilisation en indépendance des institutions, dans le sillage de la marea verde, que nous imposerons l’avortement légal, sûr et gratuit.

 
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