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3 de octobre de 2022 Twitter Faceboock

Pétrochimie
Contre Total et les groupes énergétiques : pourquoi soutenir la grève des raffineurs pour des augmentations de salaire ?
Arthur Nicola

Alors que les grévistes d’ExxonMobil commencent leur troisième semaine de grève, ceux de Total commenceront demain leur deuxième semaine. Deux grèves centrales pour le capitalisme français, qui pourraient devenir des fers de lance de la lutte pour les augmentations de salaire.

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Crédits photos : Révolution Permanente

Vague de grèves massives dans les raffineries française

Depuis maintenant deux semaines, des grèves importantes ont éclaté dans les raffineries françaises. Ce sont les salariés d’ExxonMobil qui ont lancé le mouvement, déçus par les propositions d’augmentation lors des Négociations Annuelles Obligatoires de l’entreprise : alors que les salariés réclament 7,5% d’augmentation, la direction avait d’abord proposé 5%. Les salariés se sont alors spontanément mis en grève, lançant rapidement les procédures d’arrêt des deux raffineries du groupe, la première à Gravenchon (Seine-Maritime), la seconde à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône).

C’est ensuite le groupe Total qui est entré dans la danse, suite à un appel à une grève de trois jours lancé par la CGT, du 27 au 29 septembre, pour réclamer 10% d’augmentations de salaires. De nombreux sites du groupe sont alors rentrés dans une grève reconductible qui a dépassé ces trois jours : sur la plateforme Normandie, plus grosse implantation française du groupe, la raffinerie est maintenant totalement arrêtée, tandis que sur le site de la Mède (Bouches-du-Rhône) et de Carling (Moselle) ont aussi arrêté leurs activités. Des grèves reconductibles donc, avec comme résultats l’arrêt de trois raffineries représentant 52% des capacités de raffinages de l’hexagone, et un mouvement suivi sur de nombreux sites hors raffinage.

Un mouvement qui concerne l’ensemble du monde du travail

Dès les premiers jours de grèves, il est apparu clairement que la grève des raffineurs d’ExxonMobil et de Total était éminemment politique. Depuis le début de l’année 2022, le patronat et la bourgeoisie française ont en effet décidé d’adopter une posture très dure vis-à-vis des salariés, refusant toute augmentation de salaire supérieure ou égale à l’inflation. Malgré les très nombreuses luttes sur le terrain des augmentations de salaire (Leroy Merlin, IKEA, sous-traitants aéronautiques ou encore Roissy Charles de Gaulle avant l’été), le patronat s’obstine partout et refuse toute augmentation de salaire.

Dans cette situation, des grèves victorieuses dans des groupes majeurs du tissu industriel français comme Total ou Exxon/Esso ne seraient pas seulement des défaites pour les patrons concernés, mais une défaite pour tout le patronat. Elles ouvriraient une brèche dans laquelle pourrait s’engouffrer de nombreuses salariés, motivés par la victoire de leurs camarades raffineurs.

Un symbole en pleine crise énergétique

Au-delà du poids économique de ces deux groupes, Total et ExxonMobil sont des entreprises au cœur de la crise énergétique actuelle. Alors que l’inflation touche durement tous les ménages, les grands groupes pétroliers continuent à enchaîner les semestres records en termes de bénéfices : 18,8 milliards de bénéfices pour le premier semestre chez Total, et 17,9 milliards de dollars pour le second trimestre chez Exxon. Ces entreprises, qui détruisent au quotidien l’environnement aux quatre coins de la planète, et dont les priorités économiques dictent la politique impérialiste des États comme la France ou les États Unis, prospèrent quand les travailleurs ont du mal à payer leurs factures d’énergie.

Alors que dans l’entreprise Stellantis (ex-PSA), des débrayages ont éclaté pour des augmentations de salaires dans une entreprise qui a fait 13,4 milliards d’euros de bénéfices en 2021, les grèves des raffineurs pourraient se répandre comme une trainée de poudre dans tous les grands groupes du CAC40, qui ont fait 73 milliards de bénéfices sur le premier semestre 2022. De ce point de vue, la lutte des raffineurs concerne l’ensemble du monde du travail, touché par la baisse des salaires réels du fait de la crise actuelle. Si Total et Exxon jouent aujourd’hui un rôle de bouclier pour le patronat français, les raffineurs grévistes peuvent aujourd’hui être le fer de lance de la lutte des salariés pour des salaires dignes.

Le blocage de la production et la grève reconductible : un modèle à adopter

Finalement, c’est pour leur méthode de lutte que les raffineurs méritent d’être soutenus et imités. La bataille actuelle est marquée par la radicalité des grévistes, qui ont décidé très rapidement d’arrêter leurs raffineries. Chez ExxonMobil cette méthode permet de faire perdre des millions d’euros chaque jour aux patrons, et de leur parler le seul langage qu’ils comprennent : celui du rapport de forces.

Le patronat en a conscience et craint que céder n’inspire d’autres grèves. A l’inverse, il faut soutenir les raffineurs pour démontrer avec eux que bloquer l’économie, par la grève reconductible, pour toucher les profits des patrons, est le meilleur moyen d’arracher des revendications à la hauteur de la crise. C’est d’autant plus important à l’heure où l’attitude des directions syndicales est marquée par une immense passivité, qui gaspille les forces de notre classe au moment où il faudrait mettre la pression à un gouvernement à l’offensive.

Un enjeu pour notre classe et pour les raffineurs eux-mêmes

Créer une conscience large de l’importance de la lutte des raffineurs est central pour toute la classe ouvrière mais aussi pour les grévistes eux-mêmes. Pour les raffineurs, alors que de nombreuses unités sont maintenant arrêtées, il s’agit maintenant de passer à l’offensive et s’imposer non plus comme la grève des raffineries mais comme une grève de toute la classe. Pour ne prendre que le cas de Total, dont les annonces de profits dépassent records sur records, nous sommes face à un groupe qui profite de la crise et de la guerre pour maximiser ses résultats, et ce, sur le dos de toute la population qui a vu les prix de l’énergie exploser.

La ristourne de 20 centimes à la pompe, de l’aveu même de l’entreprise n’a coûté que 171 millions d’euros à l’entreprise, quand celle-ci a annoncé distribuer 2,62 milliards d’euros de dividendes exceptionnelles en décembre. La grève peut donc s’imposer rapidement comme une grève contre tous actionnaires du CAC40 qui continuent de s’enrichir pendant que l’inflation mange le pouvoir d’achat des ménages.

Mais au-delà du caractère symbolique, la question du programme de la grève mérite d’être posée. Actuellement, chez Total, les grévistes réclament une augmentation générale de salaires de 10%, ce qui correspond au « rattrapage » de l’inflation 2021 et 2022. Cela revient donc à demander le même niveau de salaire qu’il y a deux ans. Beaucoup de salariés voient bien la difficulté à se battre pour des augmentations de salaires qui pourraient être rattrapées par l’inflation en quelques mois. Un piège tendu par le patronat qu’une seule revendication permet de contrer : celle de l’indexation des salaires sur l’inflation.

Imposer que, chaque mois, les salaires soient indexés sur l’inflation avec des augmentations égales à celle de l’inflation, serait le seul moyen de contrer la paupérisation croissante et le nivellement des salaires par le bas que produit l’inflation. Cette revendication, si elle était portée par les grévistes les plus déterminés du pays, pourrait devenir une revendication pour tous les salariés, quel que soit leur niveau de salaire, un mot d’ordre pour rejoindre la mobilisation des raffineurs.

Voir aussi : Indexation des salaires, expropriation des groupes de l’énergie … : un programme face à la crise !

Soutenir les raffineurs en lutte est donc crucial pour tous les ouvriers, syndiqués ou non, qui ne veulent plus courber l’échine face à leur patron. Faire tenir la grève, en alimentant les caisses de grèves des deux entreprises (les raffineurs d’ExxonMobil ont déjà lancé la leur), mais aussi par un élan de solidarité, qui peut s’exprimer par des visites de soutien, des communiqués ou motions syndicales de soutien à la grève, et plus globalement par une dénonciation acharnée des profits des groupes pétroliers, de leur politique de destruction de la planète et de leurs profits faramineux : voilà notre tâche actuelle.

Soutenir la grève des raffineurs ne suffira cependant pas en l’absence de plan de bataille à l’échelle nationale pour les salaires. Après neuf mois de grèves éparses mais nombreuses dans le pays, seule une journée de grève interprofessionnelle a été appelé par les directions syndicales. Les grèves de Total et Exxon montrent très clairement qu’une journée ne suffit pas, et qu’un plan de bataille digne de ce nom qui se donne l’objectif d’obtenir des augmentations de salaires pour tous les travailleurs du pays passera nécessairement par un appel clair à des grèves reconductibles et au blocage de l’économie.

 
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