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La Izquierda Diario
17 de octobre de 2022 Twitter Faceboock

Transphobie
Dora Moutot dans « Quelle époque ! » : France 2 relaie la transphobie sous couvert de débat
Cécile Manchette

Dora Moutot était l’invitée de Léa Salamé dans l’émission « Quelle époque ! » sur France 2. Si l’influenceuse a été interpellée sur ses propos transphobes et haineux, et désavouée par le public, cette invitation s’ajoute à la liste des nombreux relais médiatiques mais aussi politiques dont disposent les militantes anti-trans.

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« Vous êtes transphobe, et ça fait des années que vous insultez les femmes trans »

Dans l’émission « Quelle époque ! » ce samedi 15 octobre, Léa Salamé et Christophe Dechavanne recevaient deux invitées dans le cadre d’un débat intitulé « le genre idéal ? ». La première invitée était Marie Cau, première maire transgenre élue en France, autrice du livre liberté, égalité, transidentité, et la seconde invitée était Dora Moutot, une influenceuse sur les réseaux sociaux, autrice du livre Mâles baisées, qui défend une conception du féminisme qui exclue les personnes trans.

Léa Salamé ouvre le débat sur « le genre et la transidentité » en ces termes : « un homme peut-il vraiment devenir une femme ? ». Dora Moutot présentée comme une militante contre « l’idéologie transactiviste », c’est-à-dire pour qui l’identité de genre est une « idéologie qui relève de la croyance métaphysique d’être né•e dans le mauvais corps », ne tarde pas à déclarer que selon elle « Marie Cau est un homme. Elle poursuit : « C’est un homme transféminin. Une personne qui est biologiquement un homme, ça, on ne peut pas dire le contraire, mais qui a des goûts qui correspondent au genre femme ».

Face à ce qui relève, dès le départ, d’une véritable agression qui va jusqu’à nier son identité, Marie Cau rétorque « Vous êtes transphobe, et ça fait des années que vous insultez les femmes trans », elle ajoute « Si madame Moutot considère qu’être une femme, c’est avoir un utérus, je respecte. Mais malheureusement, la majorité des femmes ne veulent pas être réduites à une vision anatomique. ».

Alors qu’elle est accusée d’avoir tenu des propos transphobes, Dora Moutot se défend en usant de la rhétorique habituelle des militantes anti-trans pour masquer leur propos haineux. Elle répète ainsi qu’elle ne fait qu’affirmer que « le sexe biologique est une réalité ». Dora Moutot et d’autres rejettent d’ailleurs même le terme « féministe » pour se revendiquer à présent « femelliste », pour un « mouvement des femmes originelles » en tant que « femelles » et « mammifère ». Ce que Dora Moutot défend est en réalité une idée profondément réactionnaire contre laquelle s’est largement battu le mouvement féministe : celle de l’essentialisme. C’est à dire de réduire les femmes à une série de critères biologiques, puis d’assigner des comportements et une place précise dans la société aux femmes en les justifiant comme associées de manière innée à ces critères. C’est avec cette logique que les réactionnaires ont défendu en tout temps l’enfermement de la femme au sein de la famille nucléaire et sa relégation aux tâches domestiques.

Marie Cau s’efforce alors de répondre aux invectives : « Il y a une identification sexuée qui détermine si vous vous sentez homme ou femme (…) Et après, le genre se construit par rapport à votre environnement, votre éducation, votre parcours de vie, votre sensibilité… Et pour moi, être une femme, ce n’est pas se limiter simplement à une anatomie. ». En effet, la plupart des féministes ont lutté contre le fait de ramener les femmes à leur biologie, et ce que défend Dora Moutot est un véritable bond en arrière réactionnaire pour le mouvement féministe. Marie Cau cite d’ailleurs Simone de Beauvoir et la formule célèbre, « on ne nait pas femme, on le devient ».

Face à elle, Dora Moutot n’a pas trouvé beaucoup de soutiens du côté des autres invités dont Jérémy Ferrari qui a dénoncé un discours de haine à l’encontre des personnes trans. Une réaction qui a été suivie d’une salve d’applaudissements du public.

Un nouveau relai médiatique offert aux militantes anti-trans

Cette émission diffusée sur France 2 fait suite au docu-débat « trans, uniques en leur genre » diffusé sur M6 la semaine dernière où étaient invitées deux militantes en faveur des thérapies de conversion [une loi votée le 31 janvier 2022 interdit les thérapies de conversion c’est-à-dire « les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne »].

Depuis plusieurs mois, des militant.es et collectifs féministes cherchent à dénoncer la présence de plus en plus récurrente de militant.es anti-trans dans les médias. Dans une tribune intitulée Féminisme : le débat sur la place des femmes trans n’a pas lieu d’être des collectifs militants reviennent sur le développement à l’international de nébuleuses anti-trans qui ont émergé en réaction aux avancées pour les droits des personnes trans ces dernières années, et à la plus grande médiatisation du sujet. Ces avancées, limitées, incluent l’évolution du droit (comme la loi de 2016 en France facilitant le changement de prénom et de sexe à l’état civil), l’interdiction des thérapies de conversation ou encore l’accès accru à l’information (notamment grâce à des organismes comme le planning familial) et aux traitements médicaux.

Dans la tribune, il est écrit : « malgré toute l’attention médiatique qu’elles ont su attirer pendant un mois, les militant•e•s anti-trans se plaignent sans cesse d’être silencié•e•s. Des journalistes font trop souvent l’erreur de représenter comme une division significative, traversant les mouvements féministes, les polémiques créées par quelques individus. C’est leur accorder une importance qu’ils n’ont pas. » [souligné par nous].

En effet c’est une nouvelle fois ce qu’il s’est passé sur le plateau de France 2 où l’échange était présenté tant par Léa Salamé que part Gabriel Attal, ministre de l’action et des comptes publics, également présent dans l’émission, comme un échange salutaire sur un « sujet qui concerne les enfants ». Alors que Dora Moutot est vivement critiquée en direct pour ses propos transphobes et haineux, Léa Salamé recadre la discussion : « Dora Moutot a le droit de se sentir agressée par ce que vous appelez l’idéologie transactiviste, vous le défendez, vous avez fait une tribune ». Léa Salamé comme Gabriel Attal légitiment les positions de Dora Moutot, tout en affirmant que le débat gagnerait à « sortir de l’idéologie » et ce « des deux côtés » en mettant ces derniers sur le même plan.

Les anti-trans : une caution progressiste des réactionnaires sur laquelle surfe le gouvernement

Léa Salamé et Gabriel Attal ne sont pas les premiers à donner une tribune et à accorder une certaine légitimité au débat soulevé.

La tribune à laquelle fait référence Léa Salamé est une tribune publiée dans Marianne le 22 août 2022, dans laquelle Dora Moutot et Marguerite Stern s’adressent à Elisabeth Borne pour « alerter » sur « la dérive idéologique » du Planning familial suite à la publication d’une affiche avec un homme trans enceint, et « les problématiques que soulève l’idéologie transactiviste qui est en train de parasiter cette institution ».

Suite à leur tribune, Marguerite Stern et Dora Moutot sont reçues à l’Assemblée par la présidente de la majorité LREM, Aurore Bergé, le 30 août. Celle-ci a salué dans un tweet des militantes « pour les droits des femmes » et reprend à son compte leurs éléments de langage sur une soi-disant «  invisibilisation des femmes  ». En 2021, Moutot avait déjà été reçue par Marlène Schiappa au ministère de l’Intérieur, dans un contexte où les républicains essayaient de faire supprimer la formule « identité de genre » dans la loi visant l’interdiction des thérapies de conversion.

Ces mains tendues par le gouvernement à ces militantes anti-trans viennent s’ajouter aux multiples déclarations ces dernières années par différents membres du gouvernement dont Emmanuel Macron contre « le wokisme » ou encore les déclarations du président sur la question de l’éducation à la sexualité à l’école. Il avait alors déclaré : « je pense qu’il faut d’abord faire ces cours-là [d’éducation sexuelle] et après les questions de genre et d’orientation, qui sont des vrais sujets sensibles ». Une fausse distinction qui rejoint l’idée conservatrice et réactionnaire selon laquelle l’éducation sexuelle devrait simplement se concentrer sur les questions reproductives.

Ces prises de position qui fluctuent entre l’adoption d’une loi contre les thérapies de conversion, et les discours empruntés à la rhétorique réactionnaire, sont un moyen de s’adresser aux franges les plus conservatrices de son électorat. Cela permet au gouvernement de se placer au-dessus du débat et de pouvoir naviguer dans les polémiques au grès de la situation politique.

Cette politique de la part du gouvernement contribue à faire le jeu de la droite, de l’extrême-droite et de ces militantes anti trans qui ont énormément d’accointances avec les sphères réactionnaires, comme cela est démontré dans cet article d’arrêt sur images.

Les militant.es féministes, LGBTI mais également les organisations d’extrême de gauche, de gauche et syndicales, doivent être intransigeantes avec ces positions transphobes qui s’appuient sur le patriarcat et qui profitent principalement de la méconnaissance et des craintes liées à la transidentité dans la société. Alors que ces militantes anti trans affirment que le « transactivisme » est un dévoiement du féminisme, à l’inverse notre féminisme s’inscrit dans une tradition féministe mais aussi du mouvement révolutionnaire qui défend la libération de l’ensemble des opprimé.es, et la prise en charge de l’ensemble de leurs revendications démocratiques élémentaires dont le droit à l’auto détermination.

 
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