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La Izquierda Diario
31 de octobre de 2022 Twitter Faceboock

Les femmes paient le prix fort
« A partir du 15 je suis à découvert ! » : témoignage d’une AESH face à l’inflation
Mathias Lecourbe

Alors que l’inflation continue d’augmenter, les femmes sont particulièrement touchées en raison de leurs bas salaires, de leurs emplois précaires, et de la charge d’enfants qu’elles élèvent souvent seules après une séparation. Dans ce contexte une AESH, travailleuse précaire de l’éducation nationale, témoigne pour Révolution Permanente.

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Crédits photo : HUGO CHARPENTIER / FRANCEINFO

Dans le contexte actuel de forte inflation, qui continue d’augmenter selon les données de l’Insee publiées ce vendredi , les femmes, davantage touchées par la précarité, sont particulièrement exposées . En effet en 2019 les écarts de salaire entre les hommes et les femmes s’élevaient à 22% en France. Ils s’expliquent principalement par les salaires plus faibles dans les secteurs féminisés, et par le fait que la charge des enfants repose très souvent sur la mère, ce qui conduit à des discriminations par les employeurs (que les femmes aient un enfant ou pas, mais a fortiori pour les mères) et à des interruptions de carrière pour élever les enfants notamment en bas âge, faute de services publics de garde disponibles et de qualité. Pour les mêmes raisons les femmes sont aussi plus susceptibles d’occuper un emploi à temps partiel. Ces obstacles dans l’accès au marché du travail sont d’autant plus marqués chez les mères célibataires qui représentent 82% des foyers monoparentaux, et dont un tiers est sans emploi. Le taux de pauvreté des enfants vivant en famille monoparentale avec leur mère est de 45%.

La plupart des femmes et particulièrement les femmes seules avec enfants ont des revenus modestes, voire vivent dans la pauvreté. Elles sont déjà contraintes de réduire leurs dépenses au minimum vital : logement, alimentation, énergie et transports. Or l’indice des loyers a déjà augmenté de plus de 30% ces 20 dernières années, et pèse déjà depuis longtemps dans le budget des ménages, à quoi vient s’ajouter le phénomène de forte inflation observé depuis 2021 qui ne fait que s’accélérer, et qui touche justement particulièrement l’alimentation, l’énergie et le carburant. L’inflation sur un an concernant les produits alimentaires est déjà à près de 12%, celle sur l’énergie et les carburants à près de 20%.

Estelle, AESH dans une école de Sarcelles élevant seule sa fille témoigne au micro de Révolution Permanente : «  je constate que le prix de mes courses a augmenté, de 100€ par mois je crois, c’est passé de 300 à 400-450€. L’essence a beaucoup augmenté, je n’utilise plus trop la voiture, sauf pour aller faire les courses. Je prends le bus, j’essaye d’éviter de mettre de l’essence : c’est cher 2€. ll y a de grosses augmentations pour l’essence, la viande, l’huile... Des produits du quotidien ! Et encore quand on trouve de l’huile, c’est toujours difficile à trouver. Et quand il y en a elle est chère, parfois c’est à 3€ le litre mais la plupart du temps c’est à 5€. ».

Un témoignage qui rend compte de la hausse importante du prix du panier de courses, qui ne se reflète pas nécessairement dans les chiffres de l’inflation. En effet, ces derniers agglomèrent les variations de prix de nombreux biens et services, mais les prix de certains produits augmentent significativement plus que d’autres. Ainsi l’inflation qu’on observe actuellement touche principalement les produits de consommation courante, poste de dépense important pour les travailleurs aux revenus modestes au premier rang desquels les femmes. Loin des 6% d’inflation annoncés par Macron mercredi dernier, Estelle rapporte par exemple une hausse du prix de son panier de courses d’environ 40%.

Travailleuse précaire de l’éducation nationale, elle doit calculer ses revenus mensuels, variables selon son nombre d’heures et selon les allocations que lui verse la CAF : « J’ai vu que les APL avaient diminué, et comme j’ai travaillé à la cantine ma prime d’activité aussi a diminué, j’ai perdu environ 100€ entre les APL et la prime d’activité. Je suis AESH, je gagne 900, et animatrice le midi, selon les heures que je fais ça peut m’amener à 1200, et avec la prime d’activité je dirais que je gagne 1400€ à peu près. Je suis souvent à découvert, à partir du 15 ! ». De nombreux travailleurs partagent d’ailleurs cette difficulté, un sondage RMC avait ainsi estimé en novembre 2021 qu’en moyenne, les personnes gagnant moins de 2000€ par mois n’avaient plus que 55€ sur leur compte bancaire le 10 du mois. Une situation qui n’a pu que s’aggraver depuis en raison de l’avancée de l’inflation, et qui concerne en premier lieu les femmes qui ont de plus bas salaires que les hommes et qui doivent en revanche faire face à davantage de dépenses, notamment si elles élèvent seules un enfant.

Même si elle est automobiliste et qu’elle a rencontré des difficultés pour trouver de l’essence, Estelle soutient avec enthousiasme la grève des raffineurs qui réclament des augmentations de salaire : « Je suis d’accord avec eux, et tous les secteurs, on doit tous se faire entendre ! Nous dans le secteur de l’aide à la personne on est mal payées, on n’est pas valorisées alors qu’on fait un métier pour la personne. Je voudrais qu’on valorise plus les AESH, qu’on pense à nous, les femmes qui faisons ce métier, c’est un bon métier, utile, mais on n’en a pas l’impression : on n’est pas valorisés par l’éducation nationale. Évidemment que je suis pour l’indexation des salaires sur l’inflation, c’est très injuste et pas du tout valorisant pour nous de perdre du salaire à cause de l’inflation. Ce serait bien aussi que les prix soient encadrés, même juste l’essence... ».

Les emplois des secteurs féminisés sont en général moins bien payés que les emplois plus masculins à niveau de qualification égal. En partie parce que ces secteurs féminisés relèvent souvent du travail reproductif, ces tâches dont on attend des femmes qu’elles les fassent gratuitement dans la sphère privée (prendre soin des enfants, des personnes âgées, faire la cuisine etc) et qui seront donc peu valorisées puisqu’elles peuvent être faites gratuitement par ailleurs. Ces emplois sont aussi mal payés car, étant donné qu’ils sont occupés majoritairement par des femmes, les patrons vont estimer que leurs bas salaires sont acceptables puisqu’ils peuvent ne faire que compléter celui d’un mari, profitant ainsi du patriarcat pour maximiser leurs profits.

Dans ce contexte de forte inflation qui touche durement les femmes, les exemples de grèves pour des augmentations de salaires, des raffineurs de Total aux soignants de la clinique du Tondu à Bordeaux, en passant par les travailleurs précaires de Geodis, montrent la voix à suivre pour tout le mouvement ouvrier et le mouvement féministe.

 
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