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La Izquierda Diario
12 de novembre de 2022 Twitter Faceboock

Jeunesse réprimée
10 novembre. La mobilisation des lycéens de Goussainville de nouveau réprimée par la police
Louis McKinson

Comme de nombreux lycées populaires, le lycée de Goussainville dans le Val d’Oise s’est joint à la mobilisation nationale ce jeudi 10 novembre. Sur le blocus, les élèves dénoncent l’absence de perspectives et la répression systématique dont ils font l’objet, répression qui ne s’est pas fait attendre. Symptôme local d’une crise nationale, le tout répressif continue de creuser le fossé qui sépare la jeunesse des institutions.

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Crédits photos : Révolution Permanente

Avant même que le blocus ne s’installe, la police fouille les sacs aux abords du lycée. Devant l’établissement, les élèves se rassemblent petit à petit et s’échangent les différents tracts et appels qui énumèrent les raisons de la colère lycéenne. Aucune poubelle ne bloque l’entrée, la grille se ferme et se rouvre, les élèves n’insistent pas vraiment. Ce matin du 10 novembre, de toute façon, aucun n’a prévu d’aller en cours. Répondant à l’appel de plusieurs syndicats lycéens dont le FIDL et se joignant à la mobilisation nationale prévue par la CGT, les élèves ont décidé de bloquer une nouvelle fois le lycée pour faire valoir leurs revendications.

Au lycée Romain Rolland, c’est l’exclusion définitive de 4 élèves pour des violences commises dans l’enceinte de l’établissement qui avait motivé la semaine d’avant les vacances, un premier blocus – déjà durement réprimé. Un élève nous raconte que c’est cette sanction qui, parce qu’elle met en péril la scolarité des étudiants concernés, avait mis le feu aux poudres par sa disproportion, et ouvert une nouvelle séquence de lutte : « Les élèves qui ont été exclus ça a été la goutte d’eau qui fait déborder le vase, mais la colère qui s’exprime aujourd’hui elle est d’abord dirigée contre parcoursup, qui gâche nos vies, nous impose des choses qu’on ne veut pas faire. Et plus généralement, au-delà du lycée, on n’en peut plus des inégalités qu’on vit tous les jours ».

Pour les élèves, Parcoursup, le portail d’accès aux études supérieures, est un mur social et raciste qui ne laisse aucune chance aux enfants des quartiers populaires, peu importe leurs résultats scolaires : « Ceux qui sont passés avant nous nous racontent comment ça se passe, c’est un système complètement injuste : on peut avoir des notes incroyables toute l’année, avoir le BAC avec 17 de moyenne, et n’avoir aucune école. On veut la suppression de parcoursup. Pour nous, même avec un bon dossier, il n’y a que des voies de garage. Et même parmi ces voies de garage, on ne peut pas choisir ce qu’on veut, on ne choisit pas notre avenir ».

Un autre élève qui doit passer son bac cette année abonde : « Aujourd’hui, on a organisé un blocus pour revendiquer la suppression de Parcoursup et obtenir une véritable égalité des chances. On est en terminale générale et on sait d’avance que quand Parcoursup va ouvrir, on va se faire mettre sur le carreau parce qu’on vient de ce lycée et pas d’un autre, parce qu’on a ce prénom plutôt que tel autre. On est des êtres humains comme tout le monde, on suit les mêmes cours, on a le même niveau que tout le monde, et pourtant, on n’a pas les mêmes chances. Moi, je ne trouve pas ça normal. On ne peut pas accéder aux mêmes facs, on nous envoie toujours dans les mêmes facs en banlieue, tout le temps entre nous, il n’y a pas de mixité sociale ».

Face à la mobilisation et quelques minutes après l’heure à laquelle les cours devaient commencer, la ligne de police - une dizaine de camions sont là - s’installe sur toute la longueur de la rue et tire une première salve de gaz lacrymogène. Les élèves reculent au rythme des salves et la police, si elle essuie la révolte logique des plus courageux, avance pour, réprimant tout le monde, vider toute la rue du lycée. Par derrière, elle embarque au hasard des lycéens : « Quand ils ont commencé à jeter des lacrymos, tout le monde s’est mis a reculé, sauf que derrière, il y avait des flics en civil qui attendaient, pour se fondre dans la masse. À un moment donné, ils sont sortis de nulle part et ont commencé à plaquer violemment des gens au sol, à deux, à trois. C’étaient parmi les personnes qui étaient les plus loin des CRS, complètement pacifiques. On ne comprend pas pourquoi ils ont fait ça, et là, ils les ont embarqués, on ne sait pas où ».

À l’image de ces coups de filet, la police brille par sa capacité à réprimer méthodiquement n’importe qui. Pour les élèves, la répression systématique de leurs mobilisations interdit toute résolution du conflit : « Comment voulez-vous que ça s’arrête ? C’est impossible. J’ai essayé de parler avec eux calmement, ils m’ont chopé violemment pour me contrôler. Il n’y a rien à faire. Quand on court parce qu’ils nous gazent, ils nous balayent et ils nous plaquent au sol. Quand on filme parce qu’ils font ça, ils nous disent que c’est interdit et ils nous menacent. On pourrait leur offrir des fleurs, ils nous matraqueraient tout pareil. C’est logique que ça dégénère. Les choses prennent une tournure qu’on est les premiers à regretter : on vient avec nos revendications, on repart avec la rage. Mais tant qu’on n’aura pas d’autres réponses que la police ça va continuer ».

Par ailleurs, les rapports de la jeunesse avec la police n’ont rien à envier à ceux entretenus avec l’institution scolaire. Pour la plupart des lycéens, une sortie qui serait le fruit d’une négociation avec l’institution n’a aucun sens et aucune chance d’aboutir tant cette dernière fait tout pour démontrer qu’elle n’en est pas capable. Tout au contraire, en balayant chacune des revendications qui arrivent sur sa table et en ordonnant toujours derrière la répression manu militari de toute velléité de résistance à ses diktats, elle a amplement montré son aversion pour tout règlement à la guerre qu’elle et le gouvernement mènent à la jeunesse des quartiers populaires : « Les profs se sont battus pour nos conditions d’études, ils n’ont rien obtenu. Nous ça fait combien d’années qu’on manifeste et qu’on se fout de nous ? Quand on nous écoute, c’est pour nous endormir. Au bout d’un moment, on est obligé d’attester que la parole ça ne fonctionne pas. Pour moi, c’est fini ça, maintenant, on sait qu’ils n’en ont rien à faire, qu’on sera toujours fautifs, donc tant pis, si c’est comme ça que ça doit continuer ça continuera comme ça. Ils veulent juste nous soumettre, donc on n’arrêtera pas de se défendre en fait, c’est tout. »

De fait, depuis la rentrée austéritaire organisée par le gouvernement, les professeurs du lycée comme ceux de beaucoup d’autres établissements sur le Val d’Oise se sont battus pour défendre les conditions d’études de leurs élèves. Et les luttes, qu’elles aient été portées par des professeurs ou des élèves, n’ont abouti à rien si ce n’est rendre plus visible et plus claire la politique et le mépris de la direction académique.

Aussi, loin d’être le propre d’une rentrée ou d’une académie, la casse néolibérale de l’enseignement public et la répression qui va avec court depuis décennies et sur l’ensemble du territoire. En ce sens, la crise qui s’ouvre aujourd’hui dans les quartiers populaires n’a rien d’anodine. La faillite totale des médiations et l’exaspération de toutes les communautés éducatives commencent sérieusement à sortir les luttes de leur gaine morale et institutionnelle.

Si les témoignages recueillis montrent clairement la conscience qu’ont les lycéens des quartiers populaires d’appartenir à une génération et à une classe à laquelle cette société n’a rien à offrir sans une lutte acharnée, soyons clair, cela n’exonère pas la jeunesse de s’organiser sérieusement pour les batailles qui sont les siennes. Plus que jamais, la jeunesse doit s’emparer des organisations révolutionnaires pour combattre dans les coordonnées explosives de la période qui s’ouvre. La possibilité d’un réveil politique massif de la jeunesse est plus que jamais d’actualité, mais elle doit aussi, s’y préparer.

Pour t’organiser, prends contact avec des militant.e.s du Poing Levé Lycée sur instagram ou twitter.

 
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