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5 de décembre de 2022 Twitter Faceboock

Inflation
Grève chez Sanofi : « il faut que les salaires soient indexés sur l’inflation ! »
Arthur Nicola

Depuis le 14 novembre, les salariés de Sanofi sont en grève pour des augmentations de salaire et de meilleures conditions de travail. Reportage sur le site de Vitry d’une grève qui s’installe dans la durée.

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Le piquet de grève est monté dès 6h du matin, alors que les températures flirtent avec le zéro. Pas de quoi entamer la détermination des grévistes, qui continuent leur mouvement pour des augmentations salariales. Pour tous les grévistes, une chose est sûre : jamais pareille mobilisation n’avait été vue chez Sanofi à l’échelle nationale. Il faut dire que 16 sites sont mobilisés sur les 28 que compte le groupe en France : « c’est la première fois que l’ensemble des sites se mobilise pour une même cause » témoigne Sacko Kefing, élu CGT au CSE du centre de production de Vitry (Val-de-Marne). « Ça réchauffe les cœurs », témoigne Marie, salariée depuis quatorze ans sur le site, qui n’avait « jamais connu ça ».

Le site, situé à quelques kilomètres de Paris, est important pour Sanofi : c’est le seul à produire le vaccin anti-Covid du groupe, avec plus de 2000 salariés dont 600 à la production. Le site produit aussi des médicaments anticancéreux et des traitements pour le cholestérol. Sur le site, entre 110 et 120 salariés de la production sont en grève, bien au-dessus des 4 % de grévistes décrits par le groupe, qui cherche à invisibiliser le mouvement en déclarant que celui-ci n’a aucun impact. Pourtant, depuis le début de la grève, trois lots de médicaments ont du être jetés à la benne : deux lots de vaccins anti-covid et un lot de d’anticancéreux. A chaque fois, c’est un mois de travail qui est jeté, mais la direction préfère cela que d’augmenter les salaires de ses employés.

La mobilisation s’est déclarée après les propositions de la direction du groupe sur les augmentations de salaire, lors des Négociations Annuelles Obligatoires (NAO) : après dix ans de quasi gel des salaires (ils ont été augmentés deux fois de 1%), la direction a cette fois proposé 4 % d’augmentation générale. Bien insuffisant pour les salariés, qui réclament 500€ d’augmentation et l’indexation des salaires sur l’inflation : « Il faut que les salaires suivent le coût de la vie, avance Josepha Torres, de la CGT. Il faut indexer nos salaires sur les coûts réels, pas l’inflation officielle qui est bien en dessous. Il faut que ce soit les travailleurs eux-mêmes qui contrôlent les prix. La guerre elle a bon dos, mais les loyers cela ne dépend pas de l’Ukraine, et pourtant ils augmentent ».

Il faut dire que l’inflation frappe durement les salariés : Moussa*, 2 ans de boîte, témoigne ne pas avoir encore allumé les radiateurs : « les enfants mettent des doubles chaussettes, des doubles pyjamas. Je paye 150€ d’électricité par mois, on a pas les moyens pour le chauffage ». De son côté, Stéphane a vu le prix de son caddie augmenter : « je fais les courses pour ma grand-mère et c’est au produit près toujours les mêmes courses. Durant les derniers mois, son caddie est passé de 55€ à 70€  ». Pour beaucoup, les augmentations de salaires deviennent une urgence vitale, pour se chauffer comme pour se nourrir. En 10 ans, alors que l’inflation progressait d’environ 10 %, les salaires n’ont été augmenté que de 2 %. C’est donc non seulement l’inflation de l’année 2022 qu’il s’agit de rattraper, mais aussi dix ans de baisse de salaire réel.

Au-delà des salaires, ce sont aussi les conditions de travail et le manque considération qui sont au cœur du mécontentement. Josepha regrette ce qu’il s’est passé durant le Covid : Sanofi avait alors refusé pendant longtemps de produire les vaccins de ses concurrents, préférant développer le sien. « On aurait pu mettre toute notre énergie à fabriquer plus de vaccins » regrette la syndicaliste. A propos du vaccin Sanofi, c’est un sentiment de gâchis qui prédomine parmi les salariés : le groupe, en retard, n’a reçu l’autorisation d’utilisation par l’Union européenne qu’en novembre, bien après ses concurrents. Et si Sanofi produit aujourd’hui des millions de doses, c’est avant tout pour répondre aux commandes déjà signées. Les salariés, eux, doutent de l’utilité même de leur production : « je ne sais même pas si ce que l’on fait va servir à quelque chose » regrette un gréviste.

Tout le dévouement fourni par les salariés lors des premières vagues de covid semble bien loin, tant la direction du groupe exprime un manque de considération à leur égard. Sandrine, 33 ans de boîte, dénonce « un sous-effectif permanent, une surcharge de travail, une demande de polyvalence et de flexibilité ». Dans certains bâtiments, l’entièreté du travail se fait sous atmosphère contrôlée, c’est-à-dire avec une pression plus importante, condition nécessaire pour empêcher toute contamination des lieux de production. Et quand ce genre de travail pénible était autrefois partagé entre plusieurs postes, certains passent jusqu’à huit heures par jour dans ce genre d’environnement, avec des conséquences importantes pour la santé (par exemple sur la vue, les yeux étant particulièrement sensibles aux changements de pressions). Pour d’autres, la pénibilité est encore plus importante : « On a des gars qui portent des sacs de 25kg, d’autres qui poussent des chariots de 500L : ils se cassent le dos, c’est ça nos conditions de travail » dénonce Sandrine.

Demain encore, les salariés continueront leur mouvement, avec le reste de leurs collègues sur les autres sites. « On ne s’arrêtera pas tant qu’on n’aura pas eu d’augmentation ! », prévient un gréviste.

*Certains prénoms ont été modifiés

 
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