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La Izquierda Diario
5 de décembre de 2022 Twitter Faceboock

Interview
Nordine, criblé de balles par la BAC : « Tout a été fait pour que je sois condamné »
Léo Stella

Lors d’un contrôle policier à Stains en août 2021, Nordine A. a reçu 7 balles par un policier. Depuis il subit un acharnement judiciaire qui s’est soldé par sa condamnation à 2 ans de prison. Nous l’avons interviewé sur cette décision et sur la criminalisation des victimes de violences policières.

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Révolution Permanente : Après un acharnement judiciaire de plus d’un an, pourrais-tu revenir pour nous sur les évènements et sur ton procès ?

Depuis ce contrôle par la BAC en août 2021 moi et Meryl, on n’a pas arrêté de subir un acharnement de la police et de la justice. Alors que je sortais à peine de l’hôpital à cause des balles que j’ai été placé en garde à vue et je suis passé en comparution immédiate. J’étais sous contrôle judiciaire, alors que j’étais encore en convalescence je devais aller pointer toutes les semaines au commissariat de Persan et j’étais interdit d’aller dans le 93, département où avait eu lieu le contrôle.

En février, je suis jugée en première instance pour «  violence sur personnes dépositaire de l’ordre public  ». Je suis condamné à 2 ans de prison ferme et 15 000 euros d’amende avec détention immédiate. J’étais encore gravement touché par les séquelles des balles, je devais prendre des médicaments et des soins particuliers notamment des douches de Betadine. En plus des conditions horribles de la prison, je n’avais le droit à rien, personne ne me répondait. Heureusement mon avocat de l’époque à réussir à me faire libérer en mettant en avant mes blessures. Cela a été des mois particulièrement difficiles et éprouvants.

En octobre, il y a eu mon procès, et tout a été fait pour que je sois condamné. Comme les policiers sont aussi en jugement, je n’ai pas eu le droit d’aborder le tir des policiers pour me défendre alors qu’il y’avait des preuves, notamment vidéos, que j’étais la victime. L’ONG Idex par exemple a fait une reconstitution en 3D de la scène, prouvant ma version des faits. A la fin du procès, la procureure a demandé 4 ans de prison ferme et 20 000 euros d’amendes pour faire de mon cas un exemple.

RP : Le 29 novembre, la décision finale du tribunal de Paris est tombée : 2 ans de prison aménageable, 1 000 euros de dédommagement pour chacun des 3 policiers ainsi que la prise en charge de leurs frais d’avocats.

Je ne m’attendais pas à grand-chose, je savais que j’allais être condamné. J’avais même prévu un sac le matin au cas où j’allais prendre de la prison ferme avec mandat immédiat. Même si au final, j’ai eu une peine aménageable que je ferai sûrement sous bracelet électronique, ce n’est pas une victoire : je n’avais pas à être condamné. On a été avec Meryl les victimes des policiers qui, sous couvert du « refus d’obtempérer », nous ont tiré dessus alors qu’on ne cherchait même pas à les attaquer. On ne représentait aucun danger.

Le pire, c’est que je dois, en plus d’avoir cette condamnation sur mon casier judiciaire, payer un dédommagement de 1 000 euros à chaque policier en plus de leurs frais d’avocats. La facture va être salée, ça pourra facilement monter jusque dans les 20 000 euros.

Comme mon procès a eu lieu avant le leur et que j’ai été condamné, c’est sûr qu’ils vont avoir gain de cause. C’est fait exprès. Mais avec mon avocat, on va aller en cassation parce que ce n’est pas possible de me retrouver avec autant de frais. Parce qu’en plus de ces amendes, je dois aussi payer mes opérations à cause des balles que j’ai reçues. C’est toujours le même scénario avec les victimes de violences policières. C’est une grande famille. La justice et la police sont une machine bien huilée, tous ceux qui ont voulu s’y attaquer se sont cassé les dents.

RP : La décision prise par la procureure s’inscrit dans le durcissement des peines pour refus d’obtempérer, notamment avec la loi LOPMI qui vient d’être adoptée par le gouvernement. Qu’en penses-tu ?

Le but, c’est de toujours plus nous criminaliser en nous montrant comme des chauffards dangereux pour justifier la violence des policiers. Cette année, on a vu quoi ? 12 ,13 morts avec comme justification les refus d’obtempérer. C’est toujours le même schéma, les victimes sont criminalisées et les policiers s’en sortent. A chaque fois qu’il y’a un nouveau mort pour refus d’obtempérer, il y a chaque représentant de syndicat policier à la télé en simultané sur BFM, CNews et autres en martelant que les tirs de policiers étaient de la légitime défense. Les grands médias jouent un rôle en donnant toujours la parole aux policiers et jamais aux victimes qui sont donc invisibilisées.

La dernière fois, une personne m’appelle pour me proposer, 4 jours avant, de faire un face-à-face dans l’émission Face à Baba chez Hanouna face à Darmanin, c’était un piège. Darmanin est le premier flic de France et il est habitué des plateaux télé, il aurait réussi avec l’aide des autres chroniqueurs à me faire passer pour l’agresseur. Heureusement que j’ai eu l’appui de comités de familles et de mon avocat pour me conseiller.

RP : D’autres comités de famille de victimes étaient présents pour vous soutenir lors de votre verdict notamment le comité Justice pour Yanis qui revendique l’unité des comités de victimes de violences policières. En quoi leur présence est-elle cruciale dans ce combat ?

Au verdict, il y’avait plein d’associations et de collectifs contre les violences policières. Les Gilets Jaunes aussi été là, ils m’ont beaucoup aidé notamment sur les questions administratives.

Comme comité de victime, il y avait celui de Yanis, mais aussi celui de la famille de Ibrahima de Sarcelles. Ce soutien m’a fait chaud au cœur. Quand j’étais allé à la marche pour Yanis, j’ai vu toutes ces familles brisées par la mort de leurs enfants, frères, sœurs etc.... On est tous seuls face à ce rouleau compresseur, c’est important qu’on s’entraide et qu’on lutte ensemble. Il faut qu’on soit uni parce qu’il n’y aura qu’avec un rapport de force qu’on pourra obtenir justice et vérité pour nous, pour les victimes et leurs familles.« Tout a été fait pour que je sois condamné » : entretien avec Nordine, criblé de balles par la BAC

Pour soutenir Nordine et Meryl, nous invitons nos lecteurs à participer à leur cagnotte pour contribuer à leur frais hospitalier, d’avocats et d’expertises et les aider à exiger justice et vérité.

 
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