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6 de décembre de 2022 Twitter Faceboock

Impérialisme
La France exporte dans le monde entier des pesticides qu’elle interdit sur son propre sol
Milie Venne

Un rapport récent de Unearthed et Public Eye révèle que la France exporte aux quatre coins du monde des milliers de tonnes de pesticides ultra toxiques, qu’elle interdit sur son propre sol. De cette révélation au scandale du chlordécone, ce sont autant d’exemples de la logique impérialiste et raciste qui sous-tend la gestion des pollutions entre les mains des États.

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Un rapport de Unearthed et Public Eye a révélé le 30 novembre que la France exporte des milliers de tonnes de pesticides ultra toxiques, dont l’utilisation a été interdite sur son propre sol et en Europe. Derrière des lois hypocrites, l’empoisonnement du monde par les géants de la chimie français se poursuit, avec la complicité de l’Etat français.

Des milliers de tonnes de pesticides ultra-toxiques envoyés aux quatre coins du globe

En effet, la France a été la première à prohiber, le 1er janvier 2022, l’exportation d’un certain nombre de pesticides du fait de leur dangerosité. Cette décision avait été prise à la suite du scandale de l’atrazine, perturbateur endocrinien polluant les nappes phréatiques, toujours exportée aujourd’hui par Syngenta depuis la France. Une loi aussi symbolique qu’hypocrite : Public Eye rapporte ainsi que « Entre janvier et septembre 2022, les autorités françaises ont approuvé 155 demandes d’exportation pour des pesticides interdits en France et dans toute l’Union européenne »

Ainsi, les exportations ne s’arrêtent pas et sont considérables : entre janvier et septembre 2022, plus de 7 475 tonnes de pesticides ont été acheminées principalement vers le Brésil mais également en Ukraine, en Russie, au Mexique, en Inde ou en Algérie.

Parmi ces pesticides, on retrouve notamment le picoxystrobine, dont Corteva a été autorisé à exporter 3 000 tonnes. C’est un fongicide potentiellement génotoxique, c’est-à-dire qu’il altère les gènes des organismes vivants et peut être à l’origine de cancers. Ce pesticide avait été interdit en Europe en 2017 et est massivement envoyé au Brésil, dont les cultures de soja dépendent à 85% des exportations françaises de ce pesticide. Une affaire en or pour l’entreprise Corteva, qui empocherait 260 millions de dollars annuellement grâce à ces exportations. Et une illustration de tout le cynisme de Macron, qui se pose régulièrement en défenseur de l’Amazonie, dénonçant entre autre un « écocide ».

Le fenamidone est un autre pesticide emblématique qui rapporte gros aux entreprises. Lui aussi est un fongicide génotoxique, interdit en 2018, contaminant potentiellement les eaux souterraines. Plus de 1 300 tonnes de ce dernier vont être envoyées au Mexique, en Algérie, en Inde et en Égypte grâce à l’aval de la France. Les autorités françaises n’ont pas non plus hésité à donner leur approbation à Bayer, BASF, Syngenta, Nufarm pour exporter plus de 1 800 tonnes d’insecticides dits « tueurs d’abeilles » (imidaclopride, thiaméthoxame, clothianidine et le très ancien fipronil) en destination de la Russie, de l’Ukraine, du Japon, des Etats-Unis, du Guatemala ou encore de l’Indonésie.

Des révélations qui tombent alors que s’ouvre la quinzième COP sur la biodiversité au Canada. Comme dans les COP sur le réchauffement climatique, l’heure va être aux grands discours et aux batailles entre puissances impérialistes pour préserver leurs intérêts. Les informations ne disent pas encore le nombre de lobbyistes des pesticides qui vont être invités à discuter de l’avenir des abeilles, mais force est de constater que les États se débrouillent déjà bien tout seuls pour préserver les intérêts des industriels des pesticides.

Du Brésil au Chlordécone, la France, championne de l’impérialisme et du racisme environnemental

Une étude d’un observatoire de science citoyenne à Santarém en Amazonie brésilienne a permis de démontrer les effets dévastateurs de la pulvérisation de pesticides sur la population brésilienne : 19% des familles riveraines d’exploitations agricoles utilisant ce genre de pesticides interrogées souffrent de problèmes de santé graves : maux de tête aigus et constants, maladies pulmonaires chroniques et cancer. Ces pesticides ont un impact non seulement sur la santé des populations mais également sur la qualité de l’eau, l’état des sols ou encore la biodiversité, comme le montre le cas emblématique des « pesticides tueurs d’abeilles ».

Le mépris est donc total envers les populations étrangères. L’enrichissement des compagnies agrochimiques et des pays exportateurs repose sur leur empoisonnement, leur exploitation et la destruction de leur environnement. Ces ravages sont un signe de la logique impérialiste et du racisme profond de la classe politique et du patronat français. Les polluants les plus toxiques sont envoyés à l’étranger, permettant d’externaliser le pire des pollutions.

Mais la même logique se retrouve sur le sol français : ce sont les travailleurs étrangers et immigrés qui sont le plus exposées aux polluants divers. La France utilise ainsi 200 000 travailleurs saisonniers chaque année, en grande majorité étrangers et principalement embauchés par les grands groupes de l’agro-industrie. Ces derniers endurent de très longues journées de travail, gagnent des salaires misérables et s’empoisonnent avec les pesticides.

L’héritage colonial de l’État français lui permet, dans une logique de spécialisation de la production, d’utiliser notamment les Antilles pour produire à l’aide de pesticides sans se soucier des conséquences sur son propre sol.

Le scandale du chlordécone illustre cette logique. Ravivé récemment, le parquet de Paris ayant requis un non-lieu dans l’affaire, ce scandale a débuté dans le début des années 2000. Notamment en 2006, plusieurs associations antillaises avaient déposé plainte pour « empoisonnement », « mise en danger de la vie d’autrui », « administration de substance nuisible » et « tromperie sur les risques inhérents à l’utilisation des marchandises ». Ce pesticide contamine depuis 1972 les habitants et a pollué les terres pour les prochains siècles à venir.

Alors qu’il a été rapidement interdit en France métropolitaine, son utilisation dans les champs de bananes antillais a continué pendant des années. Aujourd’hui 92 % de la population guadeloupéenne et martiniquaise est contaminée. Une étude de l’Inserm datant de 2019 établit clairement un lien entre l’exposition au pesticide utilisé dans les Antilles et l’apparition de cancers. La Guadeloupe et la Martinique détiennent le record mondial de cancers de la prostate. La responsabilité de la France est totale dans ce scandale sanitaire.

Au-delà de la pollution par produits phytosanitaires c’est un ensemble d’industries qui polluent l’environnement des travailleurs les plus pauvres pour toujours accroître les profits. Total est un exemple phare : le géant pétrolier enchaîne les projets polluants en délocalisant son activité dans les pays aux normes environnementales les plus faibles. Expulsant ainsi des milliers de familles de leurs terres et de leur seul moyen de subsistance et détruisant la faune et la flore au rythme des passages des bulldozers et des pipelines. Une des conséquences flagrantes de cette externalisation de la pollution est le fait que 90% des 9 millions de décès annuels dus à la pollution de l’air ont lieu dans les pays à faible et moyens revenus.

Ces révélations montrent qu’il n’y a aucune confiance à accorder dans les États et leurs lois hypocrites et dans les entreprises. Quand elles interdisent une substance dangereuse, c’est pour mieux l’utiliser ailleurs. Face à l’impérialisme et à la gestion raciste des pollutions, il est nécessaire de se battre pour une écologie anti-impérialiste, en totale indépendance des États. Seule une telle écologie pourra stopper les entreprises et les États complices dans leurs destructions de l’environnement, en se basant sur le rôle stratégique qu’occupent les travailleurs : en première ligne des pollutions à l’échelle internationale et capables de paralyser et leur production.

 
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