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La Izquierda Diario
1er de février de 2023 Twitter Faceboock

Après le 31 janvier
La force est dans la rue : il est possible de gagner contre Macron !
Juan Chingo
Paul Morao

Ce mardi 31 janvier a été une nouvelle démonstration de force de l’ensemble des travailleurs, rejoint par la jeunesse dans de nombreuses villes. Il est possible de gagner, mais pour cela il faut un programme et une stratégie qui permettent de déployer toutes les potentialités du mouvement.

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Crédits photo : AFP

Avec près de 3 millions de personnes dans la rue partout en France d’après les syndicats et 1,27 million d’après l’État, la mobilisation de ce 31 janvier a été à nouveau historique, battant le record du 12 octobre 2010 où l’État avait comptabilisé 1,23 million de manifestants. Le 19 janvier avait signé l’ouverture d’une mobilisation de masse contre la réforme des retraites, la première à laquelle était confrontée le gouvernement Macron, ce mardi, celle-ci s’ancre et s’amplifie.

Nationalement la mobilisation progresse dans les grandes villes, avec 500 000 manifestants à Paris (100 000 de plus que le 19 janvier), plus de 150 000 à Marseille, 80 000 à Toulouse, 75 000 à Bordeaux, 65 000 à Nantes, 30 000 à Montpellier... Mais ce sont à nouveau les chiffres des villes moyennes voire des petites villes qui impressionnent, avec 16 000 manifestants à Dunkerque, 15 000 à Foix (qui compte 10 000 habitants), 10 000 à Morlaix, 8 500 à Angoulême, 6 500 à Auch, 4 300 à Guéret, 4 000 à Saint-Omer... Dans le même temps, à La Réunion, la taille des manifestations triple quasiment avec 10 000 personnes dans les rues de l’île ce mardi. Jamais un tel niveau de protestation sociale n’avait été atteint en France. Les taux de grévistes eux se maintiennent globalement à des niveaux élevés, bien qu’un peu inférieurs à ceux du 19 janvier dans l’énergie, l’éducation, la fonction publique, la pétrochimie ou encore les transports.

Ce niveau de mobilisation extraordinaire témoigne d’un mouvement profond, à la surface géographique et sociale étendue comme jamais. Enraciné à la fois dans les centres urbains et dans les villes périphériques, dans une période où ces dernières sont fréquemment acquises à l’extrême-droite, aucune mobilisation syndicale, et a fortiori de mouvement politique, n’avait réuni des franges aussi éloignées des classes populaires ces quarante dernières années. D’autant plus qu’à ces dernières s’ajoute un fort contingent de cadres et de retraités, opposées la réforme et présents dans les manifestations, ainsi que, depuis ce mardi, une jeunesse qui fait une entrée remarquée dans la bataille.

Une force immense mais une stratégie qui l’empêche de se déployer jusqu’au bout

Les deux premières journées de mobilisation auront ainsi eu l’immense importance de déployer sous nos yeux la force d’un mouvement de masse et des potentialités que beaucoup croyaient enterrées par l’offensive néo-libérale : la mise en mouvement d’une classe ouvrière unie, capable non seulement de stopper le cycle des attaques ininterrompues depuis 1993 avec la réforme Balladur, mais aussi pour passer à la contre-offensive. Cette unité massive dans la rue n’est pas d’abord le produit de l’unité par en haut des directions syndicales, mais avant tout l’expression de l’ensemble des colères, des espoirs mais aussi des expériences accumulées par le prolétariat français depuis 2016, catalysées par la crise du Covid-19.

La mobilisation actuelle dépasse en effet largement la question des retraites. La contre-réforme de Macron sert de catalyseur pour exprimer la colère de la population et notamment de ses secteurs les plus paupérisés - les travailleurs de la logistique, du nettoyage, de la santé -, parmi lesquels on retrouve une part importante de femmes et de travailleurs racisés. Même le journal Le Monde, favorable à la réforme, est contraint d’assumer que : « la deuxième journée de manifestations a mis en évidence les souffrances d’une France active et mal payée qui ne se voit pas prolonger de deux ans sa vie au travail parce qu’elle n’y trouve ni la gratification ni la considération espérée ».

Si Laurent Berger comme l’intersyndicale écartent cette donnée de leur stratégie, c’est parce qu’ils veulent éviter tout débordement, en se concentrant sur le seul retrait de la réforme et en limitant la force déployée par le mouvement au strict minimum nécessaire pour exercer une pression sur le Parlement. Une orientation qui n’est pas remise en cause par le nouveau calendrier annoncé par l’intersyndicale, et qui menace d’emmener la mobilisation dans le mur face à un gouvernement très déterminé.

Dans ce cadre, alors que la puissance du mouvement de ce mardi a imposé à l’intersyndicale un calendrier encore inenvisageable il y a quelques jours, l’appel à deux mobilisations rapprochées, les 7 et 11 février (un samedi), dès la semaine prochaine, ces journées doivent permettre d’approfondir les discussions sur la stratégie pour gagner. Sur ce plan, le fait que le 7 février corresponde aux dates appelées par les raffineurs et les énergéticiens qui défendent la perspective de la grève reconductible est un point d’appui, qui doit aller de pair avec une discussion sur un programme à la hauteur de la colère.

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Pour un cahier revendicatif du mouvement ouvrier qui permette de libérer l’énergie des travailleurs

Évidemment, il faut faire retirer cette réforme mortifère. Mais pour développer jusqu’au bout toutes les potentialités contenues dans le mouvement, nous avons besoin d’un cahier revendicatif qui aille plus loin que cette question, en phase avec ce que les millions de travailleurs dans les rues affirment déjà clairement.

Un cahier revendicatif qui allie par exemple la question d’arracher des retraites dignes pour toutes et tous, dès 60 ans ou 55 pour les métiers pénibles, à celle des augmentations de salaires pour toutes et tous et de leur indexation sur l’inflation. Cette question est urgente pour de nombreux secteurs de notre classe et dans certaines boîtes les syndicats choisissent d’ailleurs d’économiser leur effort dans la bataille actuelle en vue des NAO à venir : il faut leur montrer que ces enjeux sont liés et peuvent être réglés de front dès maintenant. Un programme qui devrait également soulever la question du partage du temps de travail entre toutes et tous, pour « vivre et ne pas survivre » en augmentant le temps disponible pour la vie sociale.

Par ailleurs, la question des conditions de travail insupportables évoquées par les manifestants partout en France pourrait être un pont pour commencer à populariser la question du contrôle ouvrier sur la production, dans la continuité des actions qui avaient été menées au début de la pandémie par des ouvriers refusant de risquer leur vie au travail sans protections à la hauteur. Des expériences à approfondir et généraliser pour en finir avec les cadences insupportables, les rythmes de travail effrénés, les pauses insuffisantes, le travail posté, et tous ce qui détruit nos vies au travail.

De tels objectifs sont indissociables de la défense d’un plan de bataille dur, par la grève reconductible. En effet, seul un programme et une perspective qui répondent aux aspirations profondes exprimées dans le mouvement convaincront l’ensemble de notre classe de se battre. A l’image des grévistes du nettoyage d’Onet, en grève à 100% ce mardi 31 janvier pour les retraites mais aussi pour dénoncer leurs conditions de travail et les conséquences de la sous-traitance, la lutte peut s’amplifier si elle se dote d’un programme correct, et accoucher d’un front dirigé par la classe ouvrière, qui lutte pour apporter une réponse à toutes les souffrances des exploités et des opprimés - y compris les secteurs paupérisés de la petite-bourgeoisie qui soutiennent déjà en partie la mobilisation. L’émergence d’un tel front changerait radicalement la situation dans le pays et le rapport de forces entre les classes.

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A l’heure actuelle, la situation des secteurs les plus exploités de notre classe, pour qui chaque jour de grève coûte énormément, est utilisée par l’intersyndicale pour modérer les objectifs et le caractère du mouvement. La perspective que nous défendons considère au contraire que ces derniers ont besoin d’un mouvement plus offensif pour déployer leurs forces.

La principale faiblesse du mouvement actuel, c’est que la possibilité même de discuter de ces enjeux est confisquée par l’intersyndicale et son calendrier venu uniquement d’en haut, sur lequel aucun gréviste n’a prise. Si cette spirale n’est pas brisée, elle mènera à la défaite, alimentant le scepticisme de notre classe sur sa capacité à prendre son destin en main, fruit des multiples défaites auxquelles nous a conduit l’intersyndicale à la tête du mouvement. « Si la base ne contrôle pas le mouvement, on est morts » synthétisait Anasse Kazib ce mardi à l’AG des cheminots de Paris Nord.

De ce point de vue, une responsabilité particulière incombe aux secteurs de notre classe qui comprennent l’enjeu de la grève reconductible, et refusent de parier l’issue du mouvement sur l’attitude de la droite ou de la majorité macroniste. Ils sont plus nombreux que ce que le paysage laisse penser. Dans une tribune, près de 200 syndicalistes, aux côtés d’intellectuels et militants de tous les horizons, exprimaient ainsi dimanche l’importance d’un plan pour construire une grève reconductible. Dans le même temps, les raffineurs, des électriciens, des cheminots, dont les fédérations CGT ont annoncé ce mardi vouloir « coordonner leurs actions » et lancer des initiatives pour « amplifier notamment la grève reconductible », soulèvent depuis le début du mouvement cette question.

Pour être conséquent avec cette perspective cependant, ces secteurs, qui connaissent bien le danger de la « grève par procuration », doivent aller au-delà de l’appel à la reconductible et chercher à briser les obstacles qui empêchent de larges secteurs de l’envisager à leur tour. Cela passe par le fait de s’adresser à l’ensemble de celles et ceux qui doutent de la possibilité d’une stratégie dure avec force et détermination – comme la CGT énergie l’a fait avec ses actions de solidarité et les raffineurs à l’automne dernier – pour convaincre de l’enjeu de les rejoindre. L’intersyndicale se fait la porte-parole des plus précaires de façon instrumentale, pour justifier un plan a minima : il est possible de leur adresser un autre discours.

Une telle politique, en direction des sous-traitants, des travailleurs du privé qui rejoignent les manifestations, des étudiants, pourrait être le support de la construction de premiers noyaux interprofessionnels, qui brassent au-delà de l’avant-garde militante et syndicale. Autour de cette tâche, il serait possible de forger les militants de la grève générale qui manquent dans la situation, et d’entraîner celles et ceux qui voient la limite du plan de l’intersyndicale sans encore percevoir de possibilité alternative. Menée un peu partout en France par les noyaux de travailleurs convaincus de la grève reconductible, cette démarche permettrait de commencer à radicaliser le mouvement déjà massif, en profitant de l’apport énorme dont sont capables les secteurs les plus exploités de notre classe lorsqu’ils entrent sérieusement dans la bataille, pour aller vers la victoire.

 
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