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La Izquierda Diario
3 de février de 2023 Twitter Faceboock

Le bateau prend l’eau
Face à une mobilisation historique, le macronisme en crise sur le terrain parlementaire
Joël Malo

Face à une mobilisation historique, le gouvernement est toujours à la peine pour réunir une majorité. Les dissensions chez les LR et certains macronistes reflètent leur peur de la rue et d’une explosion sociale : amplifions la lutte contre cette réforme des retraites.

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Crédits photo : Capture d’écran France 2

Jeudi soir, Elisabeth Borne s’est invitée sur France 2 pour faire de la pédagogie sur la très détestée réforme des retraites. Et l’exercice s’est déroulé avec brio : tout le monde a encore mieux compris pourquoi il fallait renforcer la mobilisation contre cette réforme ! Face au témoignage d’une monitrice d’auto-école, qui raconte avoir pleuré devant la simulation de son départ à la retraite, la première ministre a pataugé de longues minutes pour détourner le sujet et essayer de ne pas dire, comme son ministre de l’industrie, que sa réforme est une attaque particulièrement dure contre les femmes.

Lire aussi : Sur France 2, Borne échoue encore à faire passer la pilule d’une réforme « favorable » aux femmes

Mais derrière les 40 minutes de langue de bois de la ministre, ce sont toutes les difficultés du gouvernement qui transpirent. Le rejet massif de la réforme s’est exprimée par deux fois en manifestation et les sondages sont de pire en pire pour Macron et Borne. 72% des français, selon le sondage Elabe, s’y opposent, soit une augmentation de 13 points en deux semaines. Parmi ces derniers, 40% se disent "très opposés" à la réforme, une poussée de 18 points en 15 jours ! 60 % de la population serait d’accord avec un blocage du pays pour faire reculer le gouvernement.

La mobilisation historique des travailleurs de tout le pays n’est pas sans effet non plus sur certains députés qui craignent de couler avec le gouvernement et cherchent des moyens de rendre la réforme acceptable. Ainsi, aux difficultés par en bas viennent s’ajouter des fissures dans la majorité, pour l’instant virtuelle, qui pourrait voter cette réforme.

Sauve-qui-peut chez les Républicains

Chez les Républicains, la situation ne s’est pas arrangée depuis le sondage de France Inter d’il y a deux semaines, où seuls 15 députés de droite se déclaraient prêts à voter la réforme en l’état. Une situation qui ne permettrait pas de faire passer la réforme.

Mercredi, Elisabeth Borne a rencontré en urgence Olivier Marleix, tête de file des LR à l’Assemblée, et Eric Ciotti, président du parti. Face aux dissensions dans les rangs, les chefs LR ajoutent désormais de nouvelles conditions pour soutenir la réforme. D’abord, sur les les carrières longues, pour que les travailleurs concernés n’aient à cotiser « que » 43 annuités et non 44 comme le prévoit le texte du gouvernement dans certains cas. Ensuite, sur les carrières des mères, alors que les femmes qui ont obtenu des trimestres en élevant leurs enfants sont parmi les très grandes perdantes de la réforme. Enfin, sur la question de rehausser la pension moyenne à Mayotte, actuellement de 276 euros mensuels (philanthrope, LR propose 400 euros…).

Une manière de se dissocier partiellement du gouvernement et aussi d’essayer de faire passer la pilule de l’âge légal et l’accélération de la réforme Touraine qui oblige tout le monde à cotiser 43 annuités pour une retraite à taux plein. Une manière aussi d’essayer de resserrer les rangs. Le bateau LR prend l’eau, et les chefs du parti sont face à un dilemme : apparaître à tout prix comme un parti de gouvernement crédible pour 2027, ce qui implique de s’engager dans les réformes souhaitées par les capitalistes, tout en gardant une posture d’opposition au gouvernement pour ne pas se dissoudre dans un macronisme qui évolue continuellement vers la droite. Le risque est aussi pour les Républicains de se faire entraîner avec Macron dans les abysses des sondages.

Pour les députés réfractaires autour du député du Lot et vice-président LR Aurélien Pradié, c’est un moyen de rejouer le congrès de la droite. Ce tenant d’une ligne dite « sociale » est vent debout contre le recul de l’âge de départ à 64 ans. Aurélien Pradié veut jouer sur la durée de cotisation et pas sur l’âge légal (en étant ici moins hypocrite que les socialistes de la NUPES qui promettent la retraite à 60 ans mais 43 annuités de cotisation…). Mais il tient tout de même à nous faire travailler plus longtemps, pas à 64 ans, mais tout de suite en proposant la semaine de 38 heures. Il est aussi un partisan de la retraite par capitalisation pour le plus grand bonheur des fonds de pension, des assureurs et des banquiers. En bref, une autre méthode pour un même but, exploiter toujours davantage les travailleurs.

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Même dans le camp macroniste, il faut serrer la vis

Quelques heures avant le passage télé de Borne, Edouard Philippe déclarait sur BFM soutenir la réforme « sans ambiguïtés ». Le simple fait de devoir le préciser à la télé de la part d’un baron de la majorité présidentielle montre que cela n’était pas une évidence. Car, la crise touche aussi quelques députés macronistes. Cinq députés Renaissance, à l’image de l’ancienne ministre Barbara Pompili, avaient déjà pris leurs distances avec cette réforme. Mais, face à la mobilisation d’ampleur, certains députés ont pu prendre peur pour leur siège (et l’électricité dans leur permanence).

Deux députés Modem, et six chez Horizons ont également exprimé publiquement leur volonté de ne pas voter la réforme en l’état. Entre menaces d’exclusion, rappel général sur BFM par Edouard Philippe, et entretien député par député avec Aurore Bergé, comme le rapport le Parisien, la majorité présidentielle doit elle-même faire face à des frondeurs. En général ceux-ci soulèvent les mêmes réticences que les Républicains sur les 44 annuités pour les carrières longues ou sur la question de l’âge légal. Il s’agit d’un débat tactique, le but de saccager les retraites des travailleurs étant partagés par tous. Mais ce débat tactique prend une importance considérable sur une réforme où le gouvernement joue son quinquennat.

Une situation d’autant plus délicate que certains députés macronistes trouvent déjà cette réforme un peu « light ». Les ministres répètent que les demandes des Républicains (et de certains de leurs députés) coûteraient « deux milliards d’euros » par an, rognant ainsi légèrement sur les ambitions austéritaires de la réforme. Cela pourrait mécontenter les tenants d’une ligne plus dure.

Si ces difficultés parlementaires n’étaient pas résolues, Macron devrait avoir recours au 49-3. Une perspective qui ne rassure personne au gouvernement, conscients que cela pourrait donner un coup de fouet supplémentaire au mouvement de masse. Les grèves de masse sur les retraites seraient alors parcourues en profondeur par une remise en cause du régime anti-démocratique qu’est la Vème République.

Pour l’heure, l’intersyndicale retient la puissance des grévistes au strict minimum pour faire pression sur les parlementaires, notamment de droite. C’est ainsi que Laurent Berger est allé rencontrer, le raciste Eric Ciotti la semaine dernière. Le leader de la CFDT refuse également d’évoquer la poursuite des mobilisations si le projet de loi venait tout de même à passer au Parlement, refusant de remettre en cause les règles du jeu de l’anti-démocratie capitaliste.

Pour faire reculer le gouvernement sur les retraites, et répondre au-delà de ce seul problème aux besoins du monde du travail (sur les salaires, sur les conditions de travail, pour la retraite à 60 ans), il faut que le mouvement actuel fasse un saut, vers une grève reconductible pour réellement bloquer le pays. Macron ne cédera pas sur sa réforme parce qu’il lui manque quelques voix au Parlement, mais parce qu’il y sera contraint par les grèves et la peur de perdre beaucoup plus qu’une majorité au Parlement.

Lire aussi : La force est dans la rue : il est possible de gagner contre Macron

 
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