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La Izquierda Diario
21 de février de 2023 Twitter Faceboock

RÉFORME DES RETRAITES
Mobilisation dans les lycées : la réforme des retraites peut servir de catalyseur à une profonde colère
Alberta Nur
Alexis Taïeb

Depuis le 19 janvier, les lycéens se mobilisent contre la réforme des retraites. Alors que la répression policière et administrative sévit dans de nombreux lycées, plusieurs questions se posent au mouvement lycéen.

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Depuis le début de la lutte contre la réforme des retraites, les lycéens ont répondu systématiquement présent lors des dates de mobilisations. Que ce soit le 19 janvier, le 31, le 7, le 11 ou encore le jeudi 16 février, au travers des blocages ou lors des manifestations. Mais aussi en dehors des dates posées par l’intersyndicale. Comme à Paris, lundi 13 février, où les lycéens d’Hélène Boucher (20ème) et de Colbert (10ème) ont bloqué leur établissement, ou encore il y a deux semaines, le lundi 30 janvier, où plusieurs lycées avaient bloqué leur établissement la veille de la grève nationale.

Une mobilisation nationale, des grandes villes jusqu’aux petites

Si les lycéens se mobilisent dans beaucoup de grande villes, comme à Paris, Rennes, Montpellier, Marseille ou encore Nantes, c’est également le cas dans des villes moins promptes à se mobiliser habituellement comme Béziers (34) ou Ales (30). Mais aussi dans des villes de moins de 15 000 habitants, comme par exemple à Falaise (Normandie), à Fontenay le compte (Pays de la Loire), à Villeneuve-lez-Avignon (Occitanie), à Flers (Normandie), à Drap (Provence-Alpes-Côte d’Azur) ou enfin à Tréguier (Bretagne), une ville de moins de 3 000 habitants.

En banlieue parisienne, à Vitry-sur-Seine et Alfortville (94), ou encore à Noisy-le-Grand et à La Courneuve (93), les lycéens rejoignent également la bataille des retraites. Cette mobilisation des lycées, des métropoles jusqu’aux petites villes en passant par les banlieues, est le reflet de la profondeur de la mobilisation actuelle contre la réforme des retraites, a l’instar des grèves inédites et présentes sur tout le territoire, comme l’expliquait Juan Chingo dans un article. Pour autant, même si la colère des lycéens s’est exprimé dans beaucoup d’endroits, le mouvement en reste encore à ses premiers pas et rencontre deux principaux problèmes : la répression policière et le manque d’auto-organisation.

Une mouvement qui reste embryonnaire, et surtout fortement réprimé

Tout d’abord, si de nombreux blocus ont réussi, d’autres en sont restés au stade de la tentative et ont été avortés du fait de la répression policière. Cette dernière est devenue quasiment systématique, et pose un problème majeur au mouvement lycéen.

Au lycée Racine dans le 8ème arrondissement de Paris, le 7 février dernier, trois lycéens ont été placés en garde à vue suite à un blocus et deux d’entre eux seront jugés au tribunal en avril prochain. « On a essayé de bloquer mardi dernier, mais dès qu’on a touché aux poubelles, cinq voitures de police sont arrivées et nous ont menacé de nous gazer » nous confie aussi une élève de première d’un lycée de la banlieue Est de Paris. Boris, lycéen en classe de terminale au lycée August Renoir, dans le 18ème arrondissement de Paris, va dans le même sens : « Dès qu’on essaye de bloquer, la police est là pour nous en empêcher. Ce jeudi encore, ils nous ont menacé avec des matraques et des tazeurs, ils nous ont plaqué contre le mur, fouillé et certains d’entre nous vont peut-être avoir des amendes ».

De la matraque à la garde à vue, en passant par le simple contrôle policier ou les menaces, la police est toujours là pour réprimer les lycéens. La raison est simple, le gouvernement veut briser le mouvement lycéen car il lui fait terriblement peur. « Que la jeunesse bloque, c’est notre hantise, le ministre de l’Éducation en parle sans arrêt » témoignait ainsi un député Renaissance sur France Info.

D’autant plus que bien souvent, la police peut compter sur la complicité de la direction pour réprimer les élèves. Que ce soit en appelant directement la police, ou que ce soit en interne, en procédant à des menaces auprès des élèves. Ces dernières peuvent aller jusqu’aux conseils de discipline ou encore être des commentaires dans les bulletins scolaires des élèves, mentionnant ainsi le fait qu’ils se mobilisent, avec l’objectif de les pénaliser sur Parcoursup.

Développer l’auto-organisation pour massifier le mouvement, seule réponse possible à la répression

Cela nous amène à un second problème du mouvement actuel dans les lycées : son faible degré d’auto-organisation. Car en effet, face à la répression et à la criminalisation du mouvement lycéen (entériné par la loi LOPMI qui permettra de verbaliser à hauteur de 500 à 1 000 euros toute tentative de blocage d’un lieu d’étude), il est nécessaire de développer des tactiques pour se défendre et permettre la continuation du mouvement et, surtout, son extension.

En premier lieu, il faut que le mouvement lycéen cherche à sortir de son isolement en s’alliant avec les professeurs et les parents d’élèves. Ensuite, il peut et doit chercher à s’allier également avec le mouvement étudiant et ouvrier. En ce sens, le rassemblement devant le lycée racine, ce vendredi 17 février, en soutien aux étudiants et lycéens réprimés ces dernières semaines a été un premier pas important.

Appelé par les lycéens de Racine et rejoint par l’inter-fac parisienne, plus de 200 personnes se sont réunies devant l’établissement. Lycéens, personnels et parents d’élèves ont lutté main dans la main contre la répression, une initiative qui construit le premier pas vers des alliances nécessaires pour construire le mouvement. C’est-à-dire à créer un arc de soutien le plus large possible contre la répression, nécessaire pour obtenir un rapport de force face à l’appareil d’Etat.

Une logique qui doit nous pousser à dénoncer et visibiliser les intimidations et toute la répression subie par les lycéens. À rebours de toute logique qui viserait à invisibiliser la répression, par peur d’engager plus de représailles, la meilleure réponse face à une répression policière qui vise à tuer le mouvement dans l’œuf, c’est la construction d’une solidarité des lycéens, des professeurs, des personnels de l’éducation et des parents d’élèves. C’est une solidarité large qui a permis de relaxer des lycéens et étudiants mobilisés lors des mouvements précédents. C’est pourquoi il faudra être présent en masse le 18 avril prochain, devant le tribunal judiciaire de Clichy, où seront jugés les deux élèves Racine poursuivis par la justice.

Et pour créer cette large solidarité, la première nécessité est de massifier le mouvement, d’augmenter le nombre de lycéens mobilisés lors des blocus et des manifestations. Et s’il n’y a évidemment pas de recette magique, une chose est sûre, pour convaincre de se mobiliser, les assemblées générales vont jouer un rôle déterminant. Ces dernières, moins engageantes qu’un blocus, permettent à tous les lycéens, déjà ou pas encore mobilisés, de se retrouver et d’échanger dans un espace démocratique sur les modalités de la mobilisation. On y discute le pourquoi et le comment, et on le vote. Ces moments sont d’une importance capitale si l’on veut que la mobilisation s’étende à des secteurs qui ne sont pas encore militants.

En ce sens, alors que l’absence d’assemblée générale a été la marque du début du mouvement, on voit fleurir des assemblées générales dans de nombreux lycées depuis le début de la mobilisation. Comme par exemple à Paris, la semaine dernière, au lycée Lamartine, Henri 4, Hélène Boucher, Racine ou encore Voltaire où s’est réunis une centaine d’élèves qui ont commencé à s’organiser avec leurs professeurs. Des AGs ont aussi eu lieu à Jean Macé (Vitry-sur-Seine) en banlieue parisienne, ou à Rennes, au lycée Jean Macé également. A Toulouse, c’est en assemblée générale interlycées que le mouvement s’organise. Une dynamique très progressiste qu’il s’agit de maintenir et d’étendre à d’autres lycées. Aussi, tisser des alliances avec les personnels de l’éducation qui s’organisent en assemblée générale pour se coordonner est un point d’appui pour penser des initiatives communes.

Par ailleurs, si le blocus reste le premier et le plus important acte de mobilisation dans les lycées (car il permet la banalisation des cours et donc à l’ensemble des lycéens de se mobiliser), il n’est pas le seul. En effet, avec cet objectif de massifier le mouvement, il est nécessaire de multiplier les modes d’actions. Si un doit être mis en avant, c’est notamment celui du cortège lycéen en manifestation, comme on a pu le voir de façon encore embryonnaire à Paris le mardi 7 février et le samedi 11 février, mais aussi à Rennes ou encore à Toulouse.

En effet, si le grand nombre des lycéens n’est pas encore présent sur les blocus, nombre d’entre eux le sont lors des manifestations. Avoir ainsi un cortège lycéen, unitaire, qui appelle tous les lycéens mobilisés à se rejoindre peut permettre d’étendre le mouvement, d’offrir d’autres moments en plus des assemblées générales pour discuter et tisser des liens. En plus de permettre d’inscrire clairement le fait que les lycéens sont mobilisés contre la réforme des retraites, aux côtés des travailleurs, des chômeurs, des étudiants, de l’ensemble des manifestants. A Toulouse, à l’initiative de l’assemblée inter lycée, les lycéens mobilisés ont tenu un point fixe dans la manifestation qui s’est tenue le 16 février, pour afficher leur "solidarité avec les enseignants en grève". Ils ont pu récolter plusieurs centaines d’euros qu’ils ont reversés aux personnels de l’éducation mobilisés, pour montrer leur solidarité avec la grève. Une initiative qui montre une alliance entre le mouvement ouvrier et les lycéens mobilisés, indispensable pour faire face à la répression et gagner face à Macron.

Il faut élargir les revendications au-delà de la réforme des retraites

Dans cette mobilisation contre la réforme des retraites, les lycéens portent d’autres revendications que le strict retrait de la réforme, comme celui de Parcoursup ou encore de la réforme des lycées professionnels. Et à raison, car, comme le pointe Ramond Soubie dans une interview au Parisien : « Ce qui rend la situation plus difficile aujourd’hui qu’en 2010, 2014 ou 2019, c’est que les Français sont soumis à beaucoup d’irritants : inflation, risques de pénurie d’énergie, mécontentements sur les services publics, problèmes à la RATP… Le sujet des retraites, qui dans l’imagerie sociale des Français est un totem, l’incarnation même de la protection sociale, peut servir de catalyseur à la colère ». Cela vaut pour le mouvement ouvrier, mais cela vaut tout autant pour le mouvement lycéen, dont la colère dépasse la seule question des retraites.

Et c’est là tout le danger que représente le mouvement lycéen pour le gouvernement, c’est la profondeur de sa colère et la possibilité de remettre en question le système en place, comme ils l’ont fait lors des mobilisations féministes, sur le climat ou encore contre les violences policières. On le voit systématiquement lorsque les lycéens se mobilisent, ils ne se contentent jamais d’une seule revendication. Ainsi, en octobre dernier, alors que les raffineurs étaient en grève sur la question des salaires, de nombreux lycées avaient bloqué et porté des revendications qui dépassaient le strict cadre de l’inflation, tel que la crise climatique, la dégradation des conditions d’études, le racisme d’Etat, etc.

En ce sens, l’élargissement des revendications est un enjeu fondamental pour élargir la mobilisation et répondre à l’ensemble des préoccupations qui traversent les lycéens. Il s’agit de revendiquer l’abrogation de toutes les réformes sélectives à l’instar du Bac Blanquer ou de Parcoursup, mais également un investissement massif dans l’éducation nationale et l’enseignement supérieur pour permettre des conditions d’études et de vies dignes. Le manque de moyens à des conséquences dramatiques sur les lycéens. Le 7 janvier dernier, un jeune collégien, Lucas, s’est ôté la vie après avoir subi un harcèlement à caractère homophobe de la part de l’école. Les déclarations hypocrites des ministres qui se sont émus de ce suicide viennent masquer leur responsabilité dans la destruction des moyens alloués à l’éducation nationale, qui vient accroître les discriminations LGBTIphobe, sexistes ou raciste au sein des établissements scolaires. Ainsi, il s’agit de revendiquer la fin de la circulaire Blanquer qui réprime les personnes LGBTI au sein des établissements, les nouant au bon vouloir de leurs parents et de l’autorité de leur lycée. La lutte pour l’autodétermination des personnes LGBTI, pour une éducation sexuelle effective et un accès gratuit à la contraception sont des revendications cruciales pour répondre à la détresse d’une grande partie de la jeunesse.

Ainsi, alors que la date du 7 mars se profile comme un potentiel début de durcissement du mouvement, la mobilisation du 8 mars, ou des cortèges massifs de jeunes lycéennes avaient déferlé dans les rues l’année dernière, pourrait permettre de mobiliser plus largement. Pour cela, l’élargissement des revendications au sein des lycées, pour lutter contre la sélection mais également l’ensemble des violences et discriminations qui traversent le quotidien des salles des classes est un enjeu de taille. Si Macron a patienté pour généraliser le SNU, ça n’est pas par bonté pour les lycéens, mais c’est pour empêcher le mouvement naissant de se développer. Cette fébrilité du gouvernement montre qu’il est possible d’arracher bien plus que le simple retrait de la réforme. En effet, derrière les retraites se pose une question bien plus large, celle de savoir dans quel monde nous voulons vivre.

Déborder le calendrier de l’intersyndicale et radicaliser le mouvement : il faut être nombreux le 23 février à Paris et préparer le 8 mars dans toute la France !

Alors que les vacances scolaires viennent de commencer en région parisienne, celles-ci ne doivent pas être une pause dans la mobilisation, mais au contraire un temps qui servira à préparer la suite lors de la rentrée. Certains secteurs comme la SNCF et la RATP, les éboueurs, les raffineries ou encore les profs ont d’ores et déjà lancé des appels pour reconduire la grève après le 7 mars. C’est avec cette logique de la reconductible que nous obtiendrons la victoire.

C’est avec cette même logique d’ailleurs qu’avaient été appelée, suite à une assemblée générale interfac à Paris, le rassemblement devant la Sorbonne le 8 février, au lendemain de la manifestation du 7, et qui avaient réunis plus de 500 étudiants et lycéens pour un départ en manifestation sauvage dans le quartier latin. C’est également avec cette logique qu’une date de la jeunesse a été posée pour le 23 février, en plein pendant les vacances de la zone C. Le mot d’ordre est clair, si nous voulons que Macron retire son projet de loi, nous ne pouvons plus continuer à attendre après les confédérations syndicales du mouvement ouvrier, dont la stratégie vise à exercer une pression populaire sur le gouvernement et les parlementaires avec l’espoir qu’ils reculent d’eux même.

A rebours de cette logique de pression, nous devons mettre toutes nos forces pour construire la mobilisation par en bas et aller vers un blocage complet de l’économie. C’est en ce sens que la manifestation du 23 février à Paris peut-être un point d’appui pour envoyer un signal fort à l’ensemble du pays.

Mais surtout, alors que les organisations syndicales séparent complétement la journée de grève du 7 mars et la journée internationale du droit des femmes le lendemain, il faut s’emparer de cette seconde date pour reconduire le mouvement et se diriger vers une généralisation et un durcissement du rapport de force. Un scénario qui peut exister, mais qui va devoir être préparé à la base, à commencer par multiplier les assemblées générales et diverses actions pour élargir le mouvement avec les parents d’élèves, les professeurs, les étudiants et le mouvement ouvrier. Nous pouvons montrer à Macron que notre colère va bien au-delà des retraites, soyons massifs dans la rue le 8 mars, mais aussi les jours suivants.

 
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