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La Izquierda Diario
9 de mars de 2023 Twitter Faceboock

S’organiser contre la précarité !
Enquête. La majorité des étudiants vit sous le seuil de pauvreté sur le campus Bordeaux Montaigne
Jyhane Kedaz

Une nouvelle enquête réalisée sur le campus de Bordeaux Montaigne révèle l’ampleur du mal-être étudiant. Précarité, mal-logement : alors que nous faisons face à une mobilisation historique sur les retraites en France, saisissons-nous de cette séquence pour mobiliser nos lieux d’études contre le présent et l’avenir de misère que le gouvernement nous impose.

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Comment vivent les étudiants ? Parviennent-ils à se loger, à se chauffer ? Réussissent-ils à boucler les fins de mois ou à se nourrir correctement ? Ces questions, les organisations de jeunesse de l’Université Bordeaux Montaigne ont cherché à y répondre. En novembre 2022, Le Poing Levé, aux côtés de l’organisation EBM, de la FSE et de l’UNEF, a lancé une grande enquête sur la précarité auprès des étudiants du campus. Ces associations ont recueilli 1400 réponses, dévoilées ce jeudi 9 mars, jour de mobilisation dans la jeunesse contre la réforme des retraites.

Leur constat dresse un panorama alarmant de la situation sociale des jeunes en étude : 74% ont vu leur pouvoir d’achat baisser, un étudiant sur dix rogne sur ses dépenses alimentaires ou saute des repas par manque d’argent, un sur quatre ne peut se permettre d’allumer le chauffage, même en plein hiver. Si les difficultés économiques des jeunes ne sont malheureusement pas une nouveauté, qui plus est en période d’inflation, l’enquête vise à évaluer finement les problèmes quotidiens des étudiants afin de proposer des perspectives d’organisations et de luttes collectives.

Depuis plusieurs semaines, les jeunes étudiants sont venus grossir les rangs des manifestations syndicales contre la réforme des retraites conscients que, pour ceux qui ont eu l’opportunité de faire des études, ce n’est pas à 64 ans qu’ils partiront, mais plus probablement à 67 ans, au cours d’une carrière instable pendant laquelle le diplôme n’est plus la garantie d’un salaire correct. Profitant de la possibilité d’une grève dure contre le gouvernement, les étudiants doivent se saisir de cette fenêtre d’opportunité pour porter leurs propres revendications et refuser l’avenir de misère qui leur est imposé.

Portrait d’une jeunesse en galère

En 2021 déjà, une enquête similaire réalisée pendant la fermeture des facultés lors de la crise sanitaire avait permis d’objectiver la grande détresse psychologique et financière des jeunes étudiants et d’organiser un certain nombre d’actions sur le campus. Dans un contexte d’augmentation générale des prix (6,2% sur un an en février, dont 14,5% sur l’alimentation selon l’Insee), les organisations étudiantes ont réitéré l’expérience, cherchant des données précises sur la précarité alimentaire et financière, le nombre d’étudiants devant travailler à côté de leurs études, les conditions de logement et de vie, le décrochage scolaire, entre autres.

Un échantillon large a été analysé, à savoir 1400 étudiants, soit près d’un dixième des effectifs du campus. Parmi eux, 75% sont des femmes, et près de 68% sont des étudiants de licence, de moins de 21 ans. 7% des répondants sont de nationalité étrangère. Autour d’un florilège de données, une préoccupation centrale : le porte-monnaie. Petits revenus, impossibilité de susciter l’aide financière de leurs proches, difficultés d’accès aux bourses… au total, sur le mois de novembre, 63% ont déclaré vivre avec moins de 399 euros par mois, et environ 91% avec un budget inférieur au seuil de pauvreté… soit moins 940 euros par mois.

En effet, près de la moitié d’entre eux (43%) ne touchent pas de bourse et doivent se débrouiller sans soutien familial (55%). Pourtant, deux tiers d’entre eux se perçoivent issus des classes moyennes, 17% de milieux défavorisés : un indicateur qu’une part croissante des jeunes et salariés doivent se priver et peinent à joindre les deux bouts. Cette situation amène une part croissante d’étudiants à travailler en parallèle de leurs études : 25,3% occupent un emploi à temps plein ou temps partiel.

Les étudiants travaillent en moyenne 16 heures par semaine, pour 490 euros par mois en moyenne, attestant de faibles rémunérations. Ce temps supplémentaire au cursus constitue une difficulté importante pour suivre normalement les cours : 10,8% jugent que leur emploi a un fort impact sur leurs études.

Obligés de sauter des repas ou d’acheter moins

Les étudiants n’échappent pas à l’inflation : 74% d’entre eux disent avoir vu leur pouvoir d’achat baisser. Face à cela, deux tiers contrôlent leurs dépenses d’alimentation, voire sautent des repas : c’est le cas de 11,3% des répondants. « Je fais des économies sur la nourriture parce que je vole dans les supermarchés pour pouvoir me nourrir. Mais même comme ça, je ne peux pas me permettre d’acheter des fruits et légumes à côté vu leur prix », témoigne un ou une étudiante, dont les réponses ont été anonymisées.

Parmi les 1400 répondants, 14% ont recours à l’aide alimentaire régulièrement ou ponctuellement : « Cela m’évite de gros coups de stress. Sans cela je ne sais pas comment je ferais pour vivre, sans compter que les abonnements d’eau, de gaz et d’électricité sont hyper élevés », explique un autre témoignage. Un quart des étudiants auraient également besoin d’y recourir mais n’y ont pas accès ou n’osent pas s’y rendre.

Pression scolaire, mal-logement…

Autre élément inquiétant : quatre étudiants sur dix disent sauter un ou plusieurs repas par semaine… par manque de temps. Pression scolaire, travail en parallèle, certains étudiants n’ont tout simplement pas la possibilité de s’accorder le temps de certains repas. Une situation qui s’est aggravée à la rentrée sur le campus de Montaigne, par la fermeture d’un restaurant universitaire Crous. Conséquence de cette instabilité sociale et économique, sept étudiants sur dix disent faire des économies sur leurs loisirs, 22% d’entre eux ne plus avoir du tout de dépenses en ce sens.

Troisième poste de dépenses à sauter après les loisirs et l’alimentation, l’énergie. Neuf sur dix disent tenter de faire des économies d’énergie, parmi lesquels un sur quatre déclare ne pas allumer le chauffage cet hiver. 43% disent également avoir une mauvaise isolation thermique. Un comble lorsqu’on sait que près d’un sur deux (45%) vit en logement privé, pour un loyer moyen de 542 euros ! Seul un étudiant sur quatre vit en logement Crous, ce qui témoigne de la nécessité d’ouvrir des places supplémentaires pour faire face aux besoins des étudiants.

A ce sujet, les étudiants étrangers se sentent particulièrement discriminés : « Il y a un manque de considération à l’endroit de certains étudiants surtout étrangers d’Afrique. Je suis doctorant et on me donne un logement de 9m2 sans cuisine ni évier. Cela a un impact négatif sur mes recherches, je trouve que c’est un manque de considération. Les étudiants étrangers africains du premier cycle n’ont pas non plus droit aux aides financières et sociales. Il faudrait plus d’équité et d’égalité dans le traitement des étudiants », explique l’un d’entre eux.

Sortir de l’isolement, s’organiser

Face à ce mal-être au sein de la jeunesse, il est nécessaire de s’organiser. La précarité, la sélection à l’Université et la pression qui en découle, ne sont pas des fatalités, mais le fruit de politiques structurelles dont les quinquennats Macron ont été la pointe avancée. Les lois ORE (Parcoursup), Trouve ton Master, ou encore Bienvenue en France (augmentant les frais d’inscriptions pour les étudiants étrangers) contribuent à renforcer la sélection sociale à l’entrée de l’Université et tout au long du cursus, pénalisant les étudiants des classes populaires qui doivent travailler en parallèle, avec des horaires ne permettant pas de se concentrer sur leurs cours.

Nous devons militer pour l’abrogation de ces réformes successives, pour une université gratuite ouverte à toutes et tous y compris pour les étrangers, dont nous demandons la régularisation systématique. Le projet structurel que poursuit la Macronie comprend une adaptation accrue des enseignements aux besoins des entreprises, l’intégration poussée du privé aux organismes décisionnaires et une baisse des budgets de l’enseignement et de la recherche dans la continuité de la LPR. Moins de places et de moyens pour l’Université, cela veut dire jeter des milliers de jeunes sur un marché du travail, que les diverses Loi Travail ou la réforme de l’Assurance chômage ont contribué à précariser.

En ce sens, Le Poing Levé revendique un revenu étudiant sans condition à hauteur du SMIC et indexé sur l’inflation afin qu’aucun jeune n’ait à vivre sous le seuil de pauvreté et à travailler pour financer ses études. Et pour que ce ne soit pas aux classes populaires de financer par l’impôt le revenu de leurs propres enfants, cette mesure doit s’appuyer sur un impôt fortement progressif sur les grandes fortunes afin que ce soit au patronat de payer.

Se mettre au service de la grève reconductible !

Face à l’inflation, nous devons également revendiquer une augmentation de 400 euros de tous les salaires, pensions, minimas sociaux, et leur indexation sur l’augmentation des prix. Concernant la crise du logement, celle-ci ne date pas d’hier. Elle est d’autant plus accrue dans la métropole bordelaise que cette dernière poursuit une logique de gentrification. Le fait que des étudiants aient à dormir dans des logements insalubres est inacceptable alors que 3 085 000 logements vacants seraient disponibles en France selon les chiffres de l’Insee de 2021. Ces derniers doivent être réquisitionnés pour que les étudiants sans domicile fixes ou dans des logements insalubres puissent avoir un toit. Les expulsions doivent cesser et les loyers doivent être bloqués.

Alors que la perspective d’une grève dure et reconductible contre le gouvernement et son projet de réforme des retraites se dessine, avec 3,5 millions de personnes dans la rue le 7 mars selon les organisations syndicales, et de nombreux secteurs stratégiques qui reconduisent le mouvement, les étudiants doivent se saisir de cette séquence. Mobilisons-nous sur nos lieux d’études, aidons à généraliser la grève, multiplions les actions de solidarité avec les travailleurs, de caisses de grève… Refusons le présent et l’avenir de misère que nous réserve le gouvernement. Nous avons tout à gagner !

 
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