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La Izquierda Diario
10 de mars de 2023 Twitter Faceboock

En grève reconductible !
« On est là jusqu’au retrait ! » A Ivry, les grévistes bloquent le centre de déchets depuis lundi
Antoine Weil

Crédits photo : Révolution Permanente

Depuis lundi, le centre d’incinération des déchets d’Ivry, le plus grand de région parisienne, est bloqué par les salariés en grève reconductible. Déterminés à faire reculer Macron, éboueurs, égoutiers et travailleurs du centre d’incinération occupent le site jour et nuit.

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Depuis le 7 mars, plusieurs secteurs sont partis en grève reconductible à l’instar des cheminots aux énergéticiens en passant par les raffineurs. Parmi eux, les éboueurs et égoutiers concentrent déjà l’attention des médias, à mesure que les déchets s’amassent dans les rues.

A la TIRU d’Ivry, le plus grand incinérateur de déchets de France, les grévistes tiennent le piquet depuis le 6 mars, et se disent prêts à une grève illimitée jusqu’au retrait de la réforme des retraites. Plusieurs métiers sont représentés, avec les éboueurs et égoutiers de la ville de Paris, ainsi que les travailleurs de l’entreprise privé Symctom en charge de l’incinération des déchets.

Grève reconductible et occupation des centres : les travailleurs du traitement de déchets sont déterminés

La grève est très suivie dans toute la filière, les six garages de bennes à ordures à Paris et les trois centres d’incinération franciliens sont mobilisés. A Ivry et à Issy-les-Moulineaux les sites sont occupés quand celui de Saint-Ouen, jusque là encore en maintenance, est arrêté aussi ce vendredi.

Les éboueurs de plusieurs communes aux alentours, sous gestion privé notamment de l’entreprise Pizzorno, sont également grève comme c’est le cas à Vitry. Tous rejettent le report de l’âge à 64 ans et la suppression des régimes spéciaux prévus par la réforme de Macron. Ils demandent également des augmentations de salaires face à l’inflation.

Jeudi matin, les grévistes étaient réunis à 8 heure en Assemblée Générale, et ont vôté la reconduction de la grève aux côtés de travailleurs de la RATP, de l’éducation nationale et de l’énergie venus en soutien.

En plus des centaines de tonnes de déchets non ramassés, la grève touche également les patrons et les pouvoirs publics au portefeuille : avec le blocage des incinérateurs, plus possible de brûler les déchets pour produire de l’énergie. « En 2016 pendant la loi Travail on avait fait perdre des centaines de milliers d’euros au tôlier » raconte un gréviste. Conscients de leur poids et des effets visibles immédiats de leur grève, les travailleurs de la TIRU d’Ivry se relaient jour et nuit sur le centre, pour tenir l’occupation : « On est déterminés, on a pas prévu de s’arrêter, la seule chose qui pourra nous déloger c’est une intervention policière ! » affirme un autre gréviste. En 2016, le centre avait été bloqué pendant plus de 20 jours, avant que les forces de répression ne délogent les grévistes.

Si les ordures de certains arrondissements parisiens sont gérés par des entreprises privés, ou les taux de grévistes sont moins important, le blocage des centres impacte l’ensemble de la gestion des déchets de la capitale et de la petite couronne. « On bloque l’incinérateur, on bloque les garages, comme ça pas de déchets brulés et pas de camions qui sortent. Résultat très peu de collectes sont faites explique Maxime, éboueur dans le 6e arrondissement. Julien, égoutier, abonde en ce sens et raconte : « dans le 17e arrondissement par exemple, c’est plusieurs centaines de tonnes de déchets qui n’ont pas été collectées ».

Débuté lundi, le mouvement ne semble pas prêt de s’arrêter. Au contraire, certains sites rejoignent la grève à l’image du garage à proximité du centre d’incinération d’Ivry bloqué pour la première fois ce jeudi. Et pour cause, les raisons de se mobiliser sont nombreuses pour les travailleurs du secteur de la propreté.

« Un égoutier meurt 17 ans avant le reste de la population : on était les héros du confinement et Macron veut nous faire mourrir au travail ! »

Dans ces métiers, la pénibilité est en effet très importante. Comme nous l’explique Christophe personnel de maitrise et secrétaire général adjoint du syndicat FTDNEEA (Filière Traitement des Déchets Nettoiement Eau Égouts Assainissement Services Public), « les égoutiers partent à l’heure actuelle à la retraite à 55 ans car l’espérance de vie est 17 ans plus basse qu’un travailleur sédentaire. Pour les éboueurs, c’est 57 ans car ils ont 12 d’espérance de vie en moins ».

Avec la réforme de Macron, soit l’allongement de l’âge minimum et de la durée de cotisation ainsi que la suppression des régimes spéciaux, ces métiers pénibles vont donc être durement touchés : « avec cette réforme on va mourrir au travail. Le gouvernement dit qu’on a mal compris sa réforme, Macron nous méprise parce qu’on est ouvrier, mais on connait très bien les effets que ça va avoir sur nous et notre santé » raconte Yohann, éboueur.

Une violence qui contraste avec le choc éprouvé pendant le covid, quand toute la population a vu que les éboueurs et égoutiers étaient essentiels. Christophe insiste sur ce point : « on était les héros du confirment, les gens ont vu que sans nous pour ramasser les ordures, la société ne tournait pas et la diffusion de la maladie auraient été décuplée ». Comme dans de nombreux secteurs du monde du travail, l’expérience du Covid revient en effet beaucoup dans les discussions sur le piquet, et explique la colère des travailleurs mobilisés.

Aussi, ils espèrent que ce souvenir du confinement, et du lien forgé avec la population, reste dans les mémoires à l’heure où les médias cherchent à les discréditer. Les images d’ordures non ramassées tournent en boucle sur les chaines d’infos, accompagnée de commentaire d’éditorialistes sur « le blocage du pays ». Cette fois cependant, les travailleurs d’Ivry sont confiants, et estiment que le jeu de la division voulu par le gouvernement ne fonctionnera pas : « 90% de la population est avec nous, avec autant de soutien, les médias ne vont pas pouvoir nous attaquer comme en 2016 » pense Frédéric, égoutier. 

« Pour généraliser la grève reconductible, il faut se lier à d’autres secteurs et organiser des AG dans toutes les entreprises »

En plus de la pression médiatique, les grévistes font également face aux méthodes de la direction. Pour contrer le blocage des centres d’incinération, les déchets sont enfouis sous terre dans un site de Seine et Marne : « pour briser la grève, ils se permettent un scandale écologique  » rapporte Julien, égoutier.

D’autres entreprises du secteur font également appels à des intérimaires pour briser la grève, comme à Vitry avec l’entreprise Pizzorno. Une trentaine de travailleurs se sont donc rassemblés à 15 heures ce jeudi pour contester ces méthodes, et ont voté le blocage du site. Là aussi, la grève contre la réforme des retraites se mêle à la colère face à l’inflation et aux bas salaires : « on a une entreprise qui fait des millions de profits, et en octobre pendant les NAO on nous a proposé des augmentations de salaires dérisoires, on peut plus continuer comme ça ! » nous raconte un gréviste. Face au rassemblement, la direction a du accepter de rencontrer une délégation de travailleurs.

Alors que la colère règne dans le privé comme dans le public, les éboueurs et égoutiers de la ville de Paris sont conscients de l’importance de tisser des liens. « Certaines sociétés privés rentrent dans la grève dans notre secteur, beaucoup de boites étaient mobilisés le 7 mars. On essaie de tisser des liens mais ils ont moins de sécurité de l’emploi, beaucoup sont sans papiers et ont plus de mal à faire grève. Il faut qu’on chercher à s’adresser à ces secteurs » raconte Maxime.

La même préoccupation occupe Christophe, qui insiste sur la nécessité de s’adresser aux travailleurs du secteur privé, pour les convaincre de rejoindre les secteurs en reconductible : « les secteurs visibles sont en reconductible, mais il faut monter d’un cran, il faut qu’il y ait des AG dans toutes les entreprises du pays et notamment du privé, pour que les salariés reprennent en main leur outil de travail ».

Toujours dans le but de créer des liens avec les autres secteurs, Julien, gréviste à la TIRU d’Ivry, était présent à l’AG étudiante de l’université Paris-Cité ce jeudi. Ce dernier insistait notament sur le caractère sexiste de la réforme : «  une collège qui a le même âge que moi partira à la retraite 2 ans de plus, c’est inacceptable  ».

Un mouvement de grève suivi à l’échelle nationale

Ainsi, dans toute la France les éboueurs sont en grève et comptent inscrire leur mouvement dans la durée. A Saint-Brieuc, la CGT avait reconduit la grève mercredi, avec un blocage du centre technique et logistique de l’agglomération, alors que les salariés étaient appelés à reconduire deux heures de grève par service.

Dans le sud, les éboueurs d’Antibes comptent s’inscrire dans une grève reconductible sur plusieurs jours, voir des semaines : « Nous avons les moyens de mener la lutte encore plus longtemps, tout le mois de mars. Le quotidien des habitants est déjà impacté par l’inflation, les fins de mois difficile, on nous soutient et on nous entend » a expliqué Max Belleville de la CGT éboueurs à BFM Côte d’Azur. Finalement, à Sète, les salariés de Nicollin Sète Environnement ont appelé à un blocage de leur site, dans la lutte qu’ils mènent contre la réforme des retraites et pour des augmentations de salaire.

Partout dans le pays, la détermination des éboueurs et des égoutiers montre l’exemple. S’ils sont partis en grève reconductible, beaucoup sont conscients de la nécessite de se lier avec les autres secteurs, des raffineurs aux traminots, mais aussi de s’adresser à leurs collègues du privé, comme nous le racontent les grévistes de la Tiru d’Ivry.

 
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