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La Izquierda Diario
1er de avril de 2016 Twitter Faceboock

Une scène de violence policière qui viralise sur les réseaux sociaux
Lille. Témoignage de Florent, violemment matraqué par 4 policiers puis arrêté le 31 mars

Lire l’interview du photographe Julien Pitinome

Photos : @ Julien Pitinome – Collectif OEIL / Texte : Florent

Comme en témoigne notre vidéo publiée le soir du 31 mars, cette nouvelle journée de mobilisation contre la loi travail a été émaillée de violences policières à l’égard des manifestants. La photographie spectaculaire du matraquage d’un manifestant à Lille, agenouillé au sol entre 4 policiers, a viralisé sur les réseaux sociaux. Après avoir interviewé le photographe Julien Pitinome, du collectif de photographes OEIL (Our Eye Is Life), nous relayons avec son accord le témoignage du manifestant pris en photo, publié sur leur site.

Link: https://www.revolutionpermanente.fr/Lille-Temoignage-de-Florent-violemment-matraque-par-4-policiers-puis-arrete-le-31-mars

Jeudi 31 mars 2016 était une journée de mobilisation nationale contre le projet de loi travail El Khomri. A Lille, le point de rendez-vous de la manifestation était à 14h30 porte de Paris. Le matin, une manifestation spontanée, non violente démarre dans les rues de Lille. Deux manifestants sont arrêtés alors qu’ils remontent la rue Molière près de la mairie de Lille. Florent, un des manifestants est arrêté sans ménagement et avec violence. Le soir même, il prend contact avec moi car il a vu la photo qui circule dans la presse et sur les réseaux sociaux.Sur cette photo, on voit Florent au sol avec plusieurs policiers autour de lui, matraques à la main.

Aujourd’hui, Florent accepte de revenir sur cet événement et témoigne auprès du Collectif OEIL sur ce qu’il a vécu.

Je souhaite que ce témoignage place le contexte de la photo. Je me présente, je m’appelle Florent, j’ai 33 ans et ce jeudi matin 31 mars 2016 je me réveille vers 6h30. Je commence à m’activer sur mon PC vers 7h. Je suis docteur en informatique, en indépendant depuis peu, et je travaille actuellement à mi-temps comme consultant en informatique avec une université. En parallèle, je développe une activité de livraison à vélo pour les petits commerçants, en priorité les commerçants bio.

Vers 7h30, j’entends des sirènes de la police, je vais à la fenêtre, je vois un groupe qui bloque de manière non violente la sortie du périphérique. Étant donné que je suis habitué à ce type d’action et que je n’attends que ça pour protester contre la loi de merde qu’ils veulent faire passer, je fonce rejoindre le groupe. Les manifs de type ‘syndicats’ c’est bien pour se compter, mais aujourd’hui ça reste pas à la hauteur de toute la violence psychologique (et parfois physique) que subissent tous les jours les travailleurs. J’ai participé à des formations de désobéissances civiles non-violentes, chez moi le principe de non-violence est très important, je n’aime pas la violence. Je la tolère s’il y a légitime-défense. Donc pour moi, dans le cas d’une action de blocage de voitures, le jour d’une mobilisation contre une loi de régression sociale majoritairement rejetée par les français et dans un contexte de ras-le-bol généralisé, cette action est clairement non-violente. Tout ça pour dire, qu’en voyant le blocage, je n’ai pas réfléchi, pour moi je devais descendre les rejoindre, c’était pas possible autrement.Il y a des moments où les affects sont tels qu’ils nous poussent à agir.

J’ai glissé sur des pavés et des flics se sont rués sur moi pour me frapper


Les flics nous ont alors poussé pour libérer la sortie du périph’. On s’est alors déplacés à une trentaine pour aller ailleurs en remontant calmement un grand boulevard. Mais en tournant dans une rue, on s’est fait prendre en étau, alors on a commencé à courir et c’est là que j’ai glissé sur des pavés et des flics se sont rués sur moi pour me frapper alors que j’étais déjà à terre. À ce moment là, je me suis dit qu’ils allaient vouloir se défouler sur moi, j’ai alors pas bougé je me suis mis en position de protection, recroquevillé sur moi, les mains sur l’arrière de la tête pour me protéger des coups. Je n’ai opposé aucune résistance, alors que les flics continuaient à se défouler sur moi. Ils m’ont alors immobilisé en appuyant ma tête contre le sol ce qui a cassé mes lunettes. Au vu de comment mes lunettes étaient tordues et le fait qu’il manque un verre que je n’ai pas retrouvé, seule une pression assez forte sur ma tête contre le sol a pu en arriver à provoquer ces dégâts. J’ai du insister pour quand même les récupérer avant qu’ils m’embarquent.

Un policier : “Tu n’avais pas à être avec des gens d’extrême-gauche”


Je suis alors menotté, puis plaqué contre un mur et on a attendu pas mal de temps avant de partir à l’hôtel de police, dans un fourgon cellulaire avec un autre participant à la manif qui s’est également fait arrêter, mais que je ne connaissais pas. Pendant ce laps de temps d’attente, j’essaye de discuter avec le policier pour lui dire que je ne suis pas violent, que c’est pas la peine d’être violent avec moi. Il répond que j’avais pas à être avec des gens d’extrême-gauche (pour résumer). Je me rends compte du manque de réflexions des agents de police qui interpellent. On n’est pas du tout du même monde.

Ensuite, arrivé à l’hôtel de police, fouille de toutes mes fringues, ils prennent toutes mes affaires, et c’est là qu’ils me disent que je suis mis en garde à vue pour violence en réunion contre un agent des forces de l’ordre. Ce qui est hallucinant, vu les faits. J’ai demandé à voir un avocat, un médecin et prévenir mes parents. L’avocate commise d’office a d’abord halluciné quand je lui ai dit que j’étais là car j’ai manifesté contre la loi travail. Mais elle m’a dit que ça lui aurait pas plu d’être coincée dans les bouchons et que j’ai cherché la petite bête, même si elle était tout à fait d’accord que je n’ai pas pu commettre les violences dites, au vu des faits. J’ai vu le médecin, il a pris ma tension et ausculté. Étant donné que ma tension monte toujours en flèche quand je suis stressé, elle était haute, il m’a donné un Valium pour m’apaiser. J’étais dans une cellule individuelle, avec sans arrêt des aller retour pour les diverses procédures. Dans la cellule je me suis allongé pour me détendre en appliquant des méthodes de méditation pour rester zen.

Sept heures de garde à vue et prise d’ADN


Ils m’ont pris toutes mes empreintes, en photo, et aussi mon ADN ! C’est la procédure pour chaque garde à vue depuis quelques années. Beaucoup refusent la prise de l’ADN, mais je sais qu’en refusant je serais resté plus longtemps et qu’il y aurait eu à coup sûr des suites judiciaires.

Ensuite, l’audition en présence de l’avocate, où je rappelle que je suis non-violent par principe, que j’ai rien contre la police, mais que je manifeste contre la loi travail. Ah, oui, pour eux c’est une obsession d’avoir un boulot, avoir de l’argent. Ils m’ont demandé combien je paye de loyer, mes revenus en temps qu’auto-entrepreneur (artisan comme ils disent), mes études. Ils m’ont demandé si j’allais rejoindre la manif si j’étais libéré, si j’appartenais à des asso, syndicats, partis politiques, si j’ai été violent, etc. L’officier ou l’agent de police judiciaire (j’ai pas fait attention au grade) qui fait l’interrogatoire avait l’air bien embêté de nous garder pour ça, mais c’est pas lui qui décide. Il me dit alors que je pourrai être libéré après la fin de la manif. C’est au procureur de décider. Mais au final je suis rapidement libéré vers 15h15. Ce qui fait presque sept heures de garde à vue. Il avait l’air content de nous libérer, sans doute au vu de l’absurdité de la situation. Je sentais aussi une policière assez mal à l’aise quand elle m’accompagnait pour les différentes procédures. Je pense que le fait que je sois zen, que je reste sur mes positions de non-violence, le fait qu’en face certains flics peuvent culpabiliser, enfin je pense que c’est une force bien plus efficace que de les insulter. Au final, pas de suites judiciaires, mais si je me refais arrêter, ils peuvent sévir.

Le soir, j’ai rejoint mes amis inquiets qui avaient été mis au courant de ma situation par l’intermédiaire de ma famille. J’ai eu beaucoup de soutien, ça m’a fait plaisir. C’est avant d’aller me coucher, que j’ai pris connaissance de la photo qui a circulé sur le net. J’ai été moi même très étonné de la violence qu’elle renvoie. Je n’imaginais pas ça de l’intérieur. Mes amis sur les réseaux sociaux (militants ou non), m’ont reconnu, tous scandalisés. Aujourd’hui ça va bien, et je suis content que cette photo existe. Au moins mon arrestation à été utile à montrer (une fois de plus) la violence de la police contre des manifestants non-violents. »

 
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