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La Izquierda Diario
27 de avril de 2016 Twitter Faceboock

Les nouveaux chiens de garde contre Lordon : qui se cache derrière ces attaques ?

Camille Münzer

Tantôt « organiques », tantôt « spécifiques », tantôt « médiatiques », la participation des intellectuels à des mouvements sociaux a souvent suscité des fortes polémiques entre ceux qui, du côté réactionnaire, crient au « sartrisme », et ceux qui, du côté de ceux qui luttent, dénoncent les dangers de récupération ou de culte de la personnalité au nom de l’« horizontalité » et de la démocratie. Aujourd’hui ce sont surtout les premiers qui expriment leur inquiétude de voir Lordon intervenir dans des assemblées générales ou, pire, les organiser.

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Ces derniers jours, on ne compte plus les articles qui spéculent sur les intentions de certaines figures derrière le mouvement Nuit Debout. On dresse les portraits de Serge Halimi, François Ruffin ou Frédéric Lordon comme on informe le dossier d’un procès, on résume leurs principales prises de position et ouvrages en 5000 signes, ou on demande l’avis des experts es extrême-gauche sur ceux-ci.

Le dernier en date est le réalisateur Romain Goupil, que le Figaro qualifie d’« ancien soixante-huitard ». Cet ancien « trotskiste enragé », devenu « libéral-libertaire » et néo-con, juge en tant qu’« expert » la Nuit Debout du haut de ses quelques années de militantisme il y a une quarantaine d’années. Goupil, dont la célébrité est morte à ses trente ans, en même temps que ses principes, affirme que « Nuit Debout est manipulée par quelques gourous ».
La veille, Challenges, organe de presse de la bourgeoisie d’affaires, s’indignait sur la critique de Lordon aux « éditocrates », confondant volontairement critique du citoyennisme et du parlementarisme bourgeois, et critique de la démocratie directe. Effectivement, si on a appris quelque chose du jeu médiatique, c’est qu’il faut le refuser. La Révolution surréaliste répondait déjà dans les années 1920 au Figaro et aux autres chiens de garde : « Votre liberté ? Il n’y a pas de liberté pour les ennemis de la liberté. Nous ne serons pas les complices des geôliers. »

Mais, au-delà du refus du jeu médiatique, qui se limite pour le moment à refuser des interviews aux médias dominants, qu’est-ce qui inquiète autant les journalistes dans Nuit Debout et le discours de Lordon ? Pour Challenges, Lordon « veut casser le cadre dans lequel évolue les rapports de forces entre partenaires sociaux  ». Pire, il voudrait «  faire dérailler le cours normal des choses », perturber des réunions et « harceler » les dominants. Mais ce qui fait le plus peur à la bourgeoisie et aux éditocrates c’est la convergence du « militantisme de centre-ville, des classes ouvrières et de la jeunesse ségrégée des quartiers », l’alliance stratégique entre le mouvement ouvrier et le mouvement étudiant pour construire la grève générale. Effectivement, pour un journal dont les yeux sont rivés sur le rythme cardiaque du capital financier, une convergence des luttes qui dépasse le cadre étriqué des négociations entre les directions syndicales et le gouvernement autour des textes de loi a de quoi inquiéter.
Ce n’est pas le Lordon du Plan B ou du souverainisme de gauche, parfaitement compatible avec l’empire du capital, qui inquiète réellement. On affirmait ailleurs que ces positions étaient au plus un raccourci, plus radical que d’autres certes, mais raccourci tout de même, qui centre son attention sur une monnaie et ses institutions et non pas sur les rapports qui leur donnent une légitimité sociale.

C’est donc moins lui que Nuit Debout qui inquiète le pouvoir : le mouvement sert de plus en plus de lieu de politisation et de discussion, de maintien de la mobilisation et de coordination de nouvelles actions, qu’elles soient des rassemblements devant les commissariats pour des camarades interpellés, ou l’envahissement et l’occupation de la Comédie française par les étudiants et les intermittents du spectacle. Il faut rappeler ici que quoi qu’en disent les journaux, pour le moment à Nuit Debout il n’y a ni organisation, ni programme, ni direction, ni guide. S’y expriment des tendances contradictoires qu’on voit dans la cohabitation d’une commission grève générale et d’une commission « processus constituant ». Le futur du mouvement reste ouvert. Il peut certes s’éteindre et être récupéré électoralement, mais aussi évoluer vers une radicalisation militante et la convergence des luttes.

 
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