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9 de mai de 2016 Twitter Faceboock

Le « DSK vert »
Affaire Baupin : l’omerta d’EELV et l’hypocrisie du féminisme mainstream

Tout le monde le savait. Et pourtant personne n’a rien dit. A la manière de l’affaire DSK, sur laquelle, l’incriminé Denis Baupin se prêtait à la plaisanterie - « il n’a jamais la bourse vide », la dernière enquête de Lenaïg Bredoux, publiée hier dans Médiapart, menée avec France Inter révèle, une fois de plus, que la caste politique est de loin épargnée par les questions de harcèlement, d’agression sexuelles et de domination patriarcale plus généralement. Protégée par l’ombre et le secret qui caractérise les cercles du pouvoir, en dépit des démonstrations de parité et d’un féminisme affichée, le sexisme y sévit à bon compte. Comble de l’ironie, c’est à la suite de sa participation à la campagne #mettezdurouge contre les violences faites aux femmes, que Denis Baupin, actuel vice-président de l’Assemblée Nationale et ex-leader d’Europe Ecologie- Les Verts, s’est fait épinglé pour ses pratiques d’agressions et harcèlement sexuel à l’encontre du personnel féminin politique et journalistique...

Yano Lesage

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Huit témoignages, quatre élues, des anonymes, pour des faits prescrits.

Quatre femmes ont témoigné à visage découvert pour dénoncer les pratiques de Denis Baupin à l’encontre de la gente féminine. Sandrine Rousseau, actuelle porte parole d’EELV, Elen Debost adjointe à la mairie du Mans depuis 2014, Isabelle Attard, députée du Calvados depuis juin 2012, Annie Lahmer, militante et salariée chez les Verts à la fin des années 1990. D’autres, par souci de protection ont préféré témoigner sous l’anonymat. Elles racontent des cas de harcèlement par textos, mais aussi physiques, jusqu’à des agressions sexuelles. Du « j’ai envie de voir ton cul », aux fesses pincées dans un ascenseur en passant par un placage en règle contre un mur, toutes décrivent des situations dans lesquels Denis Baupin a su profiter de sa position d’élu et de cadre au sein de la direction d’EELV pour multiplier les lourdeurs et le chantage à l’acte sexuel. Les faits remontent à la période 1998-2014 et toutes se sont tues à l’époque. Soit à cause de l’auto-censure liée à des situations de précarité ou à une crainte d’être décrédibilisée face à un dirigeant au sein de l’appareil, soit en en étant dissuadées par leurs collaborateurs : des remarques telles que « Ah, mais c’est connu », consignant de tels actes à la normalité en a freiné plus d’une à passer la cap pour dénoncer publiquement les cas de harcèlement et de violences sexuelles, émanant de l’ex-vice président de l’Assemblée.

A la faveur d’une tribune de journalistes publiée dans Libération et témoignant des violences sexuelles et du sexisme du milieu politique, ainsi que l’organisation d’une campagne interne au parti - mise en place par la présidente de la commission féminisme d’EELV Dominique Trichet-Allaire, le 9 mai 2015 - pour recueillir les témoignages des victimes de ce type de harcèlement, certaines ont décidé de dénoncer publiquement Denis Baupin et ses affinités avec les « méthodes DSK ». Aucune plainte n’a jamais été déposée et aujourd’hui, les faits sont prescrits, rendant encore plus improbable la condamnation de l’élu. Un criminel en col blanc, protégé par la justice de classe qui rend inopérante la plainte contre une agression sexuelle après un délai de trois ans, et doublée par la protection que lui offre une position de pouvoir au sein de la classe dominante et qui dispense chez les victimes un sentiment de peur et d’impunité les condamnant au silence.

_ Une omerta entretenue à EE-LV ?

Tous le monde le savait, mais personne n’a rien dit. « Oui, je savais, pas tout, pas complètement. Autour d’un bon verre de vin, en soirées amicales, tour à tour, des camarades, pour certaines des amies, parlaient, se confiaient et je blêmissais », écrit Jean-Sébastien Herpin, co-secrétaire régional d’EELV pour la région Centre, sur son blog. Cécile Duflot quant à elle, l’ex ministre et secrétaire nationale d’EE-LV s’est dite au courant, mais « pas directement » et pour des faits bien antérieurs. Beaucoup se défendent de ce silence en prétextant des égards pour Emmanuelle Cosse, la femme de Denis Baupin. Des égards d’autant plus grotesques, qu’il s’agirait de la prendre pour une sotte, ignorante alors que tous savaient, sans compter toutes les femmes qui n’en ont reçu aucun.

Évidemment, on peut s’interroger sur le lien entre la sortie de Denis Baupin d’EELV, il y a quelques mois - pour mieux prendre position aux côtés du gouvernement, à l’image de François de Rugy et de Barbara Pompili - et la publication de ces témoignages de la part de ceux restés fidèles à EELV. Un coup pour déstabiliser politiquement l’ex-état major du parti ? Très certainement. D’autant plus quand on voit François de Rugy, alors co-président du groupe écologiste à l’Assemblée au moment des faits, prendre la défense de son collaborateur : il évoque ainsi des « messages déplacés » mais « pas de harcèlement et encore moins d’agression », une stratégie typique consistant à minorer les faits et à les faire passer pour des malentendus.

Contre le féminisme mainstream de la parité et de la justice de classe, aux organisations féministes de juger !

Il est intéressant de remarquer que de telles actes ont pu être couverts pendant des années en dépit d’un attachement fondamental de EELV aux questions féministes et de parité. Cette question de la parité, clairement revendiquée au sein de la classe politique, est certainement nécessaire mais en aucun cas suffisante pour lutter contre les pratiques de sexisme qui sévissent au sein des organisations et de la vie politique, en particulier de la bourgeoisie, et de la société plus généralement. En effet, elle n’enlève rien à l’atomisation dont les femmes font l’expérience lorsqu’elles sont elles-mêmes les victimes de cette domination patriarcale. Face à cela, et à une justice qui laisse le plus souvent les criminels sexuels dans l’impunité, en particulier quand ils sont riches et puissants, il est nécessaire de faire valoir les cadres d’auto-organisation des femmes, et de leur laisser, à elles seules, la possibilité de juger des cas de violence et de harcèlement qu’elles subissent au quotidien.
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